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10.2 L A DÉMARCHE DE LA CONSTRUCTION DE L ’ OFFRE

10.2.3 Les finesses de la construction de l’offre

La procédure qui semble donc à première vue assez systématique et claire, gagne en détail en allant plus en profondeur et dévoile des aspects systémiques complexes. Ce qui est montré ici dans le cheminement de la demande/le besoin vers l’offre, intervient de façon irrationnelle, ne suivant pas la logique « demande et offre» et n’est pas méthodologiquement définissable à cause de certains facteurs qui interviennent.

Concernant le choix des cours dans une équipe de formateurs :

Oui, mais cette subjectivité n’intervient pas sur les thèmes. C’est la subjectivité au niveau du choix du cours que j’aimerais faire. Les thèmes sont là, il y en a huit, parce qu’on est quatre, alors sur les huit nous regardons et chacune dit : alors moi je me sens plus à l’aise ici ou plus à l’aise ici…Il n’y a pas de subjectivité, il y a juste mes préférences. (AsiVS, 380-383)

Les personnes choisissent donc selon leurs affinités les cours ou le sujet qu’elles veulent organiser, ce qui peut donner une certaine coloration au cours.

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Alors ça aussi, je pense être typique de ce qu’on s’imagine être bon pour les soins […], je trouve que c’est intéressant de voir comment le regard que l’on pose sur les priorités est finalement… c’est un regard qui colore le type d’offre qu’on va mettre de façon prioritaire. Et je trouve intéressant si on est avec des regards différents, parce qu’à ce moment là vous donnez une complémentarité de l’offre et je pense quand-même une responsable de formation qui a le pouvoir du choix elle y met aussi sa patte, ça c’est clair, parce que toute la théorie de l’analyse des besoins c’est quelque chose qui peut-être très fortement modulé. […] donc je pense quand-même que les gens qui constituent ces programmes donnent, colorent leur propre perception de ce qui est indispensable à un corps de métier. (EC, 456-469)

Ou il y a des systèmes de valeurs sou jacents qui influencent fortement la construction de l’offre :

Moi j’ai toujours l’impression que l’ASI Fribourg, elle a travaillé sur deux niveaux.

Un niveau, effectivement sur les besoins qui ont été quand-même verbalisés souvent […]. Et puis d’après moi je vois l’effet, […], avec plutôt une vision de l’humain ou des valeurs communes je dirais, […] qui étaient beaucoup plus dans voilà qu’est- ce que c’est que l’ASI, pas seulement répondre à la demande et puis complètement se dispatcher de ce qu’on est mais qu’ils essaient d’obtenir des formations qui permettent à l’infirmière de se développer en tant que professionnelle en tant qu’humain je dois dire. (AsiFR, 107-121)

Il peut y avoir des tierces personnes qui influencent la démarche de construction :

Mais maintenant il y a une nouvelle présidente, […] et puis, elle me délègue beaucoup moins les choses. Avant j’avais complètement carte blanche, moi je rendais compte aux autres présidentes, et je disais ben voilà maintenant on aimerait, puis je parlais au comité et je disais bien voilà j’ai travaillé sur un dossier est-ce que vous seriez d’accord que j’avance dans un projet […] Maintenant j’ai moins d’accès qu’avant parce que d’une présidente à l’autre la manière elle change. (AsiGE, 211-222)

Le « statut » d’un cours, c’est à dire la place qu’on lui accorde parmi les autres cours à travers différents critères comme succès ou importance du sujet intervient certainement dans la prise de décision du formateur. L’histoire d’un cours qui dans le passé s’est déroulé avec succès ou pas (mesuré en taux de participation), semble évidemment être un critère il sera, de par ce constat, remis ou pas dans le programme mais ceci avec une certaine inconstance ou variabilité temporelle :

Un cours que je vais arrêter une année, je vais en avoir besoin l’année d’après, parce que ça va revenir, il y a des choses aussi sans être des modes, il y a des moments tout le monde est formé, donc il y a moins besoin, […] donc on sait très bien, qu’il y a des choses qui vont tourner, qu’on va laisser tomber et qu’on va reprendre d’ici un an ou deux. (HôpCdF, 570-574)

D’autres expressions :

« C’est un critère évident, c’est un cours qu’on maintient au-delà de deux ou trois ans ça correspond à un besoin. Ca veut dire qu’il y a des participants qui viennent régulièrement et ça c’est un cours qui fonctionne bien » (AsiNE/2/64-66).

« Si tout d’un coup je vois qu’il n’y a plus personne qui s’intéresse (à un cours, ndlr) je laisse tomber une année ou deux et je le mets après si je vois qu’il y a de nouveau une demande » (HôpNE, 350-353).

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« Donc c’est vraiment un peu fluctuent, mais c’est vraiment aussi la question de l’offre et de la demande, si les cours marchent on les fait s’ils marchent beaucoup, bien on les fait deux fois par année par exemple, si ils ne marchent pas bien on les fera plus qu’une fois » (AsiGE, 106-110).

Mais il peut aussi y avoir des procédures d’exception :

Dans le programme qu’on retenait, on était d’accord, avec l’autorisation du CREP, de reprendre une nouveauté qui n’avait pas marché l’année précédente. Dans l’idée qu’il faut du temps. S’il y avait une session qui avait été annulée qui avait pour nous du sens encore aujourd’hui et maintenant, et bien on reprenait le risque de la reconduire encore une fois. Sans aucune forme de procès, comme ça. Et si ça ne marchait pas c’était à la poubelle. […] on veillait à avoir une certaine globalité, on visait les soins techniques, un petit peu de réflexion, quand-même, de communication pour donner une identité de l’éducation permanente. (AsiFR, 78-85)

Et la « recette de l’élaboration du programme était :

« Quand on élabore un programme on prend quelques sessions qui ont bien marchées pour assurer nos arrières financièrement et on s’autorise à lancer du neuf. C’était comme ça la réflexion à l’époque » (AsiFR, 16-19).

Un autre critère qui intervient dans la construction du programme est qu’on ne peut pas l’étendre à volonté parce qu’il ne faudrait pas trop charger l’équipe de formation, mais aussi pour ne pas « dégarnir » les services quand les personnes font « trop » de formation continue CHUV, 648-662).

Il y a aussi certaines tactiques qui font leur apparition :

Non, non les cours ont bien marchés, mais c’est que on a d’autres sujets…cette année on s’occupe d’autres sujets, on varie parce que tout le temps offrir la même chose…et aussi pas faire croire à nos participants que chaque année il y aura les même thèmes […]. Donc il n’y a pas, on n’aimerait pas qu’il y ait des attentes spécifiques. (AsiVS, 203-208)

Ou :

Je ne fais pas de la formation pour faire de la formation et puis c’est pour ça que je veux que les gens établissent leurs besoins d’une année à l’autre et pour ça je ne réponds pas non plus rapidement, parce que si je réponds à la première et bien il y a la 2ème qui va venir, et puis après je divague, c’est quoi…. Il y a des responsables, des ICS qui sont plus investies que d’autre dans l’économicité, dans la rationalité. Il y en a qui signe tout et n’importe quoi, il y en a à côté de ça qui disent : tient c’est la 2ème que je vois passer, oh il y a un besoin, une difficulté…, qui font une pré-analyse. Il y en a qui s’en foute complètement. (HôpCdF, 326-336)

Il semble que souvent ce sont les responsables qui prennent les décisions finales selon des critères très personnels sans vouloir dire que c’est arbitraire.

Actuellement je mets en suspend une formation pour l’allaitement, parce qu’il n’y a pas de concept derrière, en tout cas à Pourtales, et je dis les gens se forment et après, ils partent, elles tombent enceintes… et en fait il n’y a jamais personne, donc on forme les gens sans vraiment qu’il y a un gros concept derrière. (HôpCdF, 297-305)

Ou :

Ils téléphonent, ils écrivent. Ca c’est aussi quelque chose de régulier alors si c’est des sujets, des thèmes qui sont déjà des sujets auxquels j’avais déjà pensé je vais de

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l’avant, si c’est des sujets où je me dis : ou peut-être c’est des sujets qu’on pourrait prendre une autre année, je garde de côté, et puis autrement je dis : non ce n’est pas des thèmes qu’on peut traiter ou on les traite déjà. (AsiGE, 44-48)

Commentaire :

Nous nous trouvons alors devant une multitude de critères qui entre en ligne de compte pour le choix des cours qui vont faire partie de l’offre où nous nous rendons compte à quel point les décisions sont raisonnées, mais de façon très subjectives ne suivant pas une logique mathématique, mais profondément humaine.