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Les r´ epercussions du ph´ enom` ene de contact des langueslangues

Cadre th´ eorique de la th` ese

3.1 Plurilinguisme et contact des langues

3.1.1 Les r´ epercussions du ph´ enom` ene de contact des langueslangues

Les situations de contact des langues ne laissent pas indiff´erents les individus confront´es au choix entre deux ou plusieurs langues, ce qui les am`enent `a s’appro-prier parfois des ´el´ements exog`enes. Ce croisement linguistique donne naissance `

a plusieurs ph´enom`enes linguistiques. D’ailleurs, il est important d’examiner les attitudes des individus face `a l’interaction de diff´erents syst`emes linguistiques. Au-trement dit, la fa¸con dont ils approprient les ´el´ements exog`enes, les repr´esentations qu’ils se font sur les langues en contact. Nous aborderons plus loin la question des attitudes linguistiques dans le sillage de celle de la typologie des ph´enom`enes de contact des langues.

Apr`es avoir pos´e les jalons de notre r´eflexion, nous allons maintenant mettre en exergue les ph´enom`enes linguistiques qui se manifestent lors des productions bilingues, connus sous le nom de «marques transcodiques», c’est-`a-dire « tous les observables manifestant la pr´esence de deux ou plusieurs langues dans le r´ e-pertoire des interlocuteurs.(Matthey & al., 1997 : 51)»14. En effet, ces marques transcodiques sont les traces explicites du contact des langues. D’ailleurs, nous allons y recourir pour analyser notre corpus.

3.1.1.1 Plurilinguisme

C’est la cohabitation de plusieurs langues ou vari´et´es de langue que l’on repr´ e-sente g´en´eralement sous le nom de plurilinguisme. Nous empruntons la d´efinition de Caroline Juillard (2007) qui nous paraˆıt pr´ecise et pertinente : «J’applique le terme «plurilinguisme» `a des situations de contact entre plusieurs langues ou

va-14. Cit´e par (Sophie Alby. « Une approche bilinguiste du contact des langues. » Dans : Trace 47 [2005], p. 96-112, p. 5)

ri´et´es, pr´esentes aussi bien dans les r´epertoires verbaux que dans la communication sociale.»15. En effet, Juillard (2007) souligne dans son article que la publication de l’ouvrage Languages in contact en 1953 d’Uriel Weinreich a entraˆın´e un change-ment dans la mani`ere d’envisager l’analyse des situations plurilingues. Ainsi, des concepts comme la diglossie et l’alternance codique, language mixing, language shift, ont ´et´e repens´es concernant les contraintes d’´etudier les interactions pluri-lingues. En effet, le ph´enom`ene du plurilinguisme a vu le jour sous des raisons diverses dont la plus importante est l’histoire comme l’affirme Calvet dans son ouvrage : La guerre des langues et les politiques linguistiques.16

Calvet (1999) affirme que le ph´enom`ene de plurilinguisme est tr`es vieux, il remonte mˆeme `a l’´epoque de la mythologie chr´etienne, dans le sens o`u le mythe de la tour de Babel incarne parfaitement ce ph´enom`ene linguistique. Maingueneau (2004) identifie deux types de plurilinguisme : plurilinguisme interne et plurilin-guisme externe. Dans le premier cas, il s’agit de la pluralit´e interne de la langue, c’est-`a-dire cela rel`eve de la vari´et´e au niveau des dialectes, ou de registre de langue, tandis que dans le deuxi`eme cas, il s’agit de la cohabitation d’une ou plusieurs langues ´etrang`eres17 :

Cette gestion de l’interlangue, on peut l’envisager sous sa face de pluri-linguisme externe, c’est-`a-dire dans sa relation des œuvres aux « autres » langues, ou sous sa face de plurilinguisme interne, dans leur relation `a la diversit´e d’une mˆeme langue. Distinction qui au demeurant, n’a qu’une vali-dit´e limit´ee, d`es lors qu’en derni`ere instance ce sont les œuvres qui d´ecident o`u passe la fronti`ere entre l’int´erieur et l’ext´erieur de« leur » langue.

Dans notre cas, il s’agit surtout de plurilinguisme externe puisque plusieurs langues se chevauchent dans les articles de presse. Pour cela, nous adoptons la

no-15. Caroline Juillard. « Le plurilinguisme, objet de la sociolinguistique descriptive ». Dans : Langage et soci´et´e 3 (2007), p. 235-245, p. 235.

16. Louis-Jean Calvet. La guerre des langues : et les politiques linguistiques. Hachette lit-t´eratures, 1999, p. 10.

17. Cit´e par (Isabelle Simoes Marques. « Autour de la question du plurilinguisme litt´e-raire ». Dans : Lat´e Lawson-Hellu (sous la coordination de), La Textualisation des langues dans les ´ecritures francophones, Les Cahiers du GRELCEF–Revue du Groupe de recherche et d’´etudes sur les litt´eratures et cultures de l’espace francophone–(mai 2011) n 2 [2011], p. 231, p. 231)

tion de plurilinguisme dans son acception la plus large. Toutefois, d’autres auteurs ont ´elabor´e des notions proches que nous allons aborder rapidement dans les lignes qui suivent entre autres : h´et´erolinguisme, dialogisme et interdiscursivit´e. En effet, le contact des langues `a l’´ecrit se manifeste de diverses fa¸cons d’o`u l’importance de les pr´esenter afin d’y recourir dans l’analyse de notre corpus.

En effet, on ne peut pas parler du plurilinguisme sans ´evoquer le concept d’«h´et´erolinguisme» qui signifie aussi la cohabitation de plusieurs langues ou re-gistres de langue. Toutefois, le «bilinguisme, multilinguisme ou plurilinguisme d´e-signeraient le rapport des individus et des soci´et´es aux langues, tandis que le terme «h´et´erolinguisme» s’appliquerait au discours et au texte qui se caract´erisent par un dialogisme interlinguistique.»18. Quand il s’agit donc d’un code ´ecrit on parle plu-tˆot d’h´et´erolinguisme que de plurilinguisme. D’ailleurs, Jean-Marc Moura (1999) consid`ere que le monolinguisme est un mythe et que tout texte place le lecteur dans une situation de diglossie voire de polyglossie. C’est ainsi que l’auteur montre dans son analyse qu’19 :

un texte litt´eraire est rarement uniforme du point de vue de la langue : il int`egre plusieurs niveaux et diverses strates historique de son idiome prin-cipal [...] Il fait une place (variable) `a d’autres langues, de l’emprunt lexical ou syntaxique aux dialogues en parlers imaginaires [...] Je d´esignerai cette pr´esence de divers idiomes, cette pluralit´e langagi`ere, par le terme d’h´et´ e-rolinguisme.

En effet, le concept d’h´et´erolinguisme est li´e `a la notion bakhtinienne du «dialogisme» d’o`u l’importance de d´efinir cette conception. Celle-ci accorde une grande importance `a «l’interaction verbale» dans le sens o`u Bakhtine per¸coit le dialogime comme une interaction entre le discours pr´esent et les discours ant´ e-rieurs. D’ailleurs, nous empruntons la d´efinition de Moirand (1999)20 qui nous

18. Cit´e par (Musanji Ngalasso Mwatha. L’imaginaire linguistique dans les discours litt´e-raires, politiques et m´ediatiques en Afrique. Presses universitaires de Bordeaux, 2010, p. 158-159) 19. Moura Jean-Marc. « Litt´eratures francophones et th´eorie postcoloniale ». Dans : Presses universitaires de France Paris (1999), p. 73-74.

20. Cit´e par (Fran¸coise Dufour. « Bikialot ». Dans : Cahiers de prax´ematique 43 [2004], p. 145-164, p. 3)

paraˆıt pr´ecise et claire. C’est ainsi qu’elle d´efinit le dialogisme comme :

Un concept emprunt´e par l’analyse du discours au Cercle de Bakhtine et qui r´ef`ere aux relations que tout ´enonc´e entretient avec les ´enonc´es produits ant´erieurement ainsi qu’avec les ´enonc´es `a venir que pourraient produire ses destinataires.

Moirand ajoute que le dialogisme souligne non seulement l’interaction entre un ´enonc´e pr´esent avec d’autres ´enonc´es ant´erieurs mais encore avec des ´enonc´es `

a venir. En effet, cette rencontre d’un ´enonc´e pr´esent avec d’autres ´enonc´es ant´ e-rieurs ou `a venir fait en sorte que les discours interagissent r´eciproquement. C’est pour cette raison que Bakhtine place le ph´enom`ene d’interaction verbale au centre de ses travaux.

D’ailleurs, Maingueneau attribue une autre d´enomination au concept Bakh-tinien qui est l’interdiscursivit´e, qu’il d´efinit comme suit : «Tout discours est tra-vers´e par l’interdiscursivit´e, il a pour propri´et´e constitutive d’ˆetre en relation mul-tiforme avec d’autres discours, d’entrer dans l’interdiscours.»21. Toutefois, cette relation entretenue avec d’autres discours, peut ˆetre explicite ou implicite d’o`u la cr´eation de d´enominations diverses afin de les distinguer. Ainsi, quand il est question des relations explicites comme la citation, par exemple, on emploie le terme intertexte alors que lorsqu’il s’agit des relations implicites, on utilise le terme «interdiscours». Maingueneau le souligne comme suit : «L’usage a ten-dance `a employer intertexte quand il s’agit de relations `a des textes sources pr´ecis (citation, parodie. . . ) et interdiscours pour des ensembles plus diffus [. . . ].»22

En effet, Bakhtine (1978) soutient qu’il n’existe de forme purement mono-logique que par son apparence ext´erieure dans la mesure o`u tout discours abrite diff´erentes voix appartenant `a plusieurs ´enonciateurs d’o`u l’´emergence du concept de «polyphonie», qui d´esigne la pr´esence de plusieurs voix dans un mˆeme ´enonc´e. Autrement dit, la polyphonie implique la juxtaposition de plusieurs voix dans un

21. Cit´e par (ibid., p. 3) 22. Cit´e par (ibid., p. 3)

mˆeme discours. D’ailleurs, Bakhtine (1978) d´esigne cette th´eorie par une autre d´ e-nomination : la «construction hybride» qui signifie la cohabitation dans un mˆeme ´enonc´e de plusieurs styles ou fa¸con de parler23 :

Nous qualifions de construction hybride un ´enonc´e qui, d’apr`es ses indices grammaticaux (syntaxiques) et compositionnels, appartient au seul locu-teur, mais o`u se confondent en r´ealit´e deux ´enonc´es, deux mani`eres de parler, deux styles, «deux langues», deux perspectives s´emantiques et so-ciologiques.24

Ces notions abord´ees bri`evement sont d’une grande port´ee dans la mesure o`u elles d´evoilent la multiplicit´e culturelle et linguistique dans un texte donn´e, ce qui cadre bien avec l’objectif de notre ´etude. Grˆace `a ces notions, nous allons montrer dans notre corpus comment les langues se nouent dans le tissu journalistique et comment se profile en filigrane l’ˆame libanaise, dans le texte ´ecrit en grande par-tie en fran¸cais. En somme, le plurilinguisme fait en sorte que les langues soient continuellement en contact, d’o`u l’´emergence de plusieurs ph´enom`enes sociolin-guistiques.

3.1.1.2 Diglossie

La diglossie est un ph´enom`ene linguistique qui r´esulte de toute situation de contact de langue. Ce terme de diglossie apparaˆıt pour la premi`ere fois dans le champ des ´etudes linguistiques en France sous la plume d’un hell´eniste Fran¸cais «Jean Psichari» (1854-1929). Ce dernier a mis en exergue l’aspect id´eologique et conflictuel du ph´enom`ene de diglossie. D’apr`es lui le probl`eme de diglossie r´esulte de la situation de domination d’une vari´et´e sur une autre. La pr´esence d’un groupe de locuteur «num´eriquement minoritaire» en position de force du point de vue culturel et politique est derri`ere la cr´eation de ce ph´enom`ene25 :

23. Cit´e par (St´ephane Bikialo. « Est-ce bien s´erieux ? Dialogisme et modalisation pseudo-objective ». Dans : Langue fran¸caise 3 [2009], p. 137-156, p. 137)

24. Mikhail Mikhaulovich Bakhtin et Olivier Daria. « Esth´etique et th´eorie du roman ». Dans : Paris, Gallimard (1978), p. 125-126.

25. Cit´e par (BOYER,op. cit., p. 48)

«[...] il montre clairement en effet que le probl`eme de la diglossie [...] est li´ee `a une situation de domination [...] d’une vari´et´e sur une autre, cr´e´ee par la pression d’un groupe de locuteurs num´eriquement minoritaires mais politiquement et culturellement en position de force.» (Jardel,1982, p.9)

En effet, c’est le linguiste am´ericain Ch. Ferguson qui ´etait le premier `a utiliser le terme de diglossie aux ´Etats-Unis en 1959 dans un article26. C’est par la suite que notion a connu un ´elargissement de son sens. C’est ainsi que Ferguson27 l’a d´efinit comme :

Une situation linguistique relativement stable dans laquelle, outre les formes dialectales de la langue (qui peuvent inclure un standard, ou des standards r´egionaux), existe une vari´et´e superpos´ee tr`es divergente, hautement codi-fi´ee (souvent grammaticalement plus complexe), v´ehiculant un ensemble de litt´erature ´ecrite vaste et respect´e (...), qui est surtout ´etudi´ee dans l’´ edu-cation formelle, utilis´ee `a l’´ecrit ou dans un oral formel mais n’est utilis´e pour la conversation ordinaire dans aucune partie de la communaut´e.

Ferguson envisage la diglossie comme ´etant le recours lors d’une communica-tion `a deux vari´et´es d’une mˆeme langue, dont l’une est plus valoris´ee que l’autre, qu’il d´esigne par «haute» et «basse». Sachant que ces vari´et´es sont employ´ees diff´eremment en fonction de la situation et du moment en question. On peut citer par exemple l’arabe litt´eral (employ´e pour l’enseignement, la religion, etc.)/l’arabe dialectal libanais (employ´e dans la vie quotidienne, en famille). En effet, cette d´ e-finition a connu plusieurs r´eadaptations du fait que le cr´eole et le fran¸cais ne peuvent pas ˆetre consid´er´es comme des vari´et´es d’une mˆeme langue. De plus, cer-tains auteurs ont remis en question «les situations de diglossie stables» partant de l’id´ee que les langues ne sont pas fig´ees mais elles ´evoluent en permanence.

`

A cette th´eorie, vient s’ajouter celle que propose Fishman, par exemple, qui ´etablit une relation entre la diglossie et d’autres conceptions comme le bilinguisme mixte. Ainsi, selon Fishman :28.

[...] Pour les ´etudes islamiques traditionnelles, leurs membres utilisent

26. Pier Paolo Giglioli. Language and social context : selected readings. 1972. 27. Cit´e par (Calvet,La sociolinguistique, p. 42-43)

l’arabe classique (coranique) ; pour la conversation informelle, ils recourent `

a la langue vernaculaire,–l’´egyptien, le syrien, le libanais, l’irakien, etc. ; de plus, ils emploient souvent une langue occidentale,–habituellement, le fran¸cais ou l’anglais, – pour les communications scientifiques ou techniques, mˆeme au sein de leur communaut´e.

Selon la th´eorie de Fishman (1971) le Liban (la communaut´e linguistique au Liban, par exemple) est donc caract´eris´e par la diglossie et le bilinguisme. Ainsi l’auteur soutient que29 :

Dans de telles communaut´es (dont le Liban), chaque g´en´eration recom-mence le mˆeme processus, sur la base de l’unilinguisme ou d’un vocabulaire limit´e au foyer et `a la maison. Elle acc`ede au bilinguisme ou `a un r´epertoire plus complet par la voie des institutions formelles de l’enseignement, de la religion, de l’administration ou du milieu professionnel. Dans ces commu-naut´es diglossiques et bilingues, ce n’est pas chez eux ou en jouant avec leurs camarades du quartier que les enfants acqui`erent leurs r´epertoires complets [...]

Joshua Fishman a ´elargi donc la notion de diglossie en opposant diglossie et bilinguisme. Ainsi, il d´efinit le bilinguisme comme un fait individuel dans le sens o`u ce terme d´esigne un individu, capable de parler plusieurs langues alors que la diglossie est un fait social d´esignant l’usage de diff´erentes langues au sens de la soci´et´e.

Le concept de diglossie connaˆıt ainsi un ´elargissement th´eorique en recou-vrant l’id´ee de l’emploi de deux langues mais aussi celui de deux vari´et´es d’une mˆeme langue dans une situation sociolinguistique donn´ee. Cet emploi repose sur une r´epartition fonctionnelle compl´ementaire des usages de ces deux langues. Il en r´esulte l’existence d’un rapport entre diglossie et bilinguisme, de la mani`ere suivante : Diglossie/bilinguisme ; bilinguisme/sans diglossie ; diglossie sans bilin-guisme ; ni diglossie/ni bilinbilin-guisme.

D’ailleurs, le Liban fait partie des pays o`u diglossie et bilinguisme coexistent dans la mesure o`u les Libanais pratiquent plusieurs langues et la soci´et´e se caract´

e-29. Ibid., p. 94.

rise par son aspect diglossique o`u deux vari´et´es d’une mˆeme langue sont employ´ees selon leur distribution fonctionnelle (arabe dialectal pour la communication quo-tidienne et arabe standard enseign´e `a l’´ecole et utilis´e dans les institutions).

De la mˆeme mani`ere que la remarque pr´ec´edente, `a la diff´erence de la vision de Ferguson, Louis Jean-calvet soutient l’id´ee selon laquelle, loin d’ˆetre stable, le ph´enom`ene de diglossie est en perp´etuelle ´evolution. L’auteur pr´ecise que «L’his-toire nous montre que tr`es souvent l’avenir des vari´et´es «basses» est de devenir vari´et´e «haute»». La diglossie d´esigne «des relations fonctionnelles et sociales entre langues ou vari´et´es des langues diff´erentes.»30.

Quant `a Mackey31, il associe la diglossie aux communaut´es qui recourent `a deux langues pour des buts diff´erents. Il soutient ainsi que l’usage des langues selon des fonctions sociales d´esigne le ph´enom`ene de diglossie : «Il existe toutefois des communaut´es o`u l’on utilise syst´ematiquement deux langues `a des fins diff´erentes. Ce ph´enom`ene de divergence linguistique selon la fonction sociale est plutˆot connu sous le nom de diglossie.»

Plus tard, Gumperz (1971) vient ´etendre ce concept aux soci´et´es multilingues. Selon lui, ces soci´et´es sont aptes `a utiliser distinctement plusieurs langues ou dia-lectes dans des fonctions et domaines compl´ementaires comme c’est le cas en Inde, o`u se cˆotoient outre les langues locales, deux langues officielles et hautes qui sont le hindi et l’anglais. Il importe de rappeler au passage que Martinet (1970) remet en cause la th´eorie du bilinguisme de Fishman (1971) et de Gumperz, car selon lui ces deux auteurs ont choisi le terme diglossie pour des fins sociologiques de fa¸con `

a montrer la diff´erence entre bilinguisme social et bilinguisme individuel. Marti-net consid`ere le bilinguisme comme un ph´enom`ene social, l’impossibilit´e d’´etablir une hi´erarchisation entre les langues dans toutes les situations sociolinguistiques.

30. Calvet,La guerre des langues : et les politiques linguistiques, p. 47.

31. William Francis Mackey. « Bilinguisme et contact des langues ». Dans : Ed. Klincksieck (1976), p. 9.

Pour ´etayer ses propos, il donne l’exemple du Canada o`u l’anglais et le fran¸cais sont per¸cus comme langues de prestige bien que leur usage diff`ere selon le do-maine d’emploi (le fran¸cais est consacr´e au domaine culturel alors que l’anglais est employ´e dans le secteur ´economique). Ce qui am`ene l’auteur `a rejeter la notion de diglossie qui implique un bilinguisme individuel (bilinguisme entre langue de prestige similaire) et un autre communautaire (o`u on ´etablit une hi´erarchisation de prestige entre diverses langues).

D’ailleurs, cette situation diglossique v´ecue au sein de la soci´et´e se refl`ete aussi dans les ´ecrits des auteurs d’o`u la cr´eation de la notion de «diglossie litt´eraire» d´evelopp´ee par Mackey32en 1976, qui la d´efinit comme ´etant la «r´epartition fonc-tionnelles des langues ´ecrites». C’est dans ce cadre que Grutman (2005) soutient l’id´ee d’une «diglossie textuelle» qui la pr´esente comme suit33 :

Elle se manifeste `a l’int´erieur d’un texte en fran¸cais, qui devient une sorte de palimpseste portant les traces d’une ´ecriture premi`ere, dans la langue de l’auteur : calques cr´eant un effet de polyphonie, intercalation de genres oraux, travail sur le signifiant sont quelques-unes des formes que prend l’inscription litt´eraire de la (ou des) langue(s) domin´ee(s).

Grutman (2005) met l’accent sur la pr´esence des «traces d’une ´ecriture pre-mi`ere» `a travers la langue d’´ecriture de l’auteur et cela se traduit `a travers les cr´eations lexicales comme les calques. En effet, cette notion occupe une place importante car elle fait partie de notre appareillage th´eorique de r´ef´erence pour ´etudier la mixit´e culturelle et linguistique dans la presse libanaise. Autrement dit, cette notion nous aide `a montrer comment le journaliste libanais d’expression fran¸caise est en situation de diglossie en raison de l’influence de sa langue mater-nelle sur le fran¸cais, qui se traduit par le biculturalisme et la cohabitation de deux structures linguistiques diff´erentes dans ses ´ecrits.

Au vu de ces multiples d´efinitions, nous constatons que la notion de

diglos-32. Ibid.

33. Cit´e par (Marques,op. cit., p. 233)

sie est toujours en cours de d´eveloppement th´eorique, et cela est li´e au caract`ere «instable» de la langue qui ´evolue et change en permanence ainsi qu’au change-ment social. Cette situation va s’accentuant avec le d´eveloppement des m´edias, du tourisme et des affaires, situation qui est `a la base du multilinguisme, situation o`u plusieurs langues s’emploient simultan´ement ou successivement dans le mˆeme domaine ou dans des domaines diff´erents.

3.1.1.3 L’alternance codique

L’alternance codique est un des ph´enom`enes issu de contact des langues. C’est dans les ann´ees cinquante que les chercheurs `a l’instar de Haugen, Vogt, Jakobson et Weinreich se penchent sur l’´etude de ce ph´enom`ene particulier du