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CHAPITRE III : MÉTHODOLOGIE ET CONTEXTE DE L’ÉTUDE

3.3 Outils de collecte

3.3.3 Les entretiens semi-dirigés

Enfin, les observations ont été complétées par des entretiens semi-dirigés conduits avec des jeunes femmes impliquées dans au moins un des groupes. Cette étape a permis d’enrichir l’information recueillie et de vérifier la validité des observations réalisées antérieurement (Gagnon 2005). En effet, le second volet de la problématique s’intéresse au sens accordé aux pratiques des jeunes femmes et à leurs perceptions des lieux dans lesquels elles choisissent de s’exprimer. L’entretien semble dès lors être l’outil le plus approprié afin d’avoir accès à ces données. Comme le souligne Ramos, « L’entretien sociologique a pour objectif de recueillir des informations, des savoirs, des vécus en lien avec un thème, avec une question sociologique (Ramos 2015, 7) ». Par ailleurs, à la différence de l’entretien non directif, l’entretien semi-dirigé nous permet de mobiliser des thématiques fixes qui nous permettront par la suite d’effectuer des analyses et comparaisons entre les trois sites. Enfin, cet outil reste une méthode de collecte souple et offre de ce fait un espace de liberté à l’enquêté pour élaborer sa réponse. Les entretiens ont abordé trois thèmes principaux que sont l’identité, l’engagement et le rapport aux espaces mobilisés. Ces thèmes ont été modifiés et enrichis par la suite, par les informations et les thématiques dégagées par les observations.

3.3.3.1 Entretiens avec des membres de chaque groupe

Les entretiens ont été réalisés avec des membres ou participantes de l’un des trois groupes. Pour les besoins de la recherche, seules les jeunes femmes impliquées dans les groupes ont été rencontrées. Les répondantes devaient par ailleurs s’identifier comme femme et comme personne racisée, être majeures et être impliquées dans au moins une activité des groupes, ou consommer le contenu produit par ces derniers. Une distinction, non déterminante pour la sélection des répondantes, a enfin été effectuée entre les personnes produisant du contenu et celles dont l’implication consistait uniquement à une participation — par la consommation des contenus produits ou la participation aux activités.

Les répondantes ont été contactées directement dans le cas d’Amalgame et par la méthode boule de neige, pour la librairie Racines et Tout le Hood en Parle. En effet, l’accès à l’identité de tous les membres d’Amalgame sur leur plateforme, tout comme à leurs coordonnées Facebook a rendu plus aisée la prise de contact avec les membres. A contrario, le caractère plus diffus du groupe Tout le Hood en Parle, doublé du manque d’information sur ses membres ont conduits à adopter une autre méthode appelée méthode « boule de neige ». Celle-ci consiste à composer son échantillon par étape et permet, à l’aide d’un informateur clé, d’accéder à un réseau plus large d’individus. La première étape a été d’entrer en contact avec une première personne dont la collaboration a permis, par la suite, de rencontrer d’autres membres du réseau. La méthode boule de neige s’est avérée utile dans le cas ce projet pour créer un premier contact, généralement via Facebook, avec des répondantes potentielles. Les réels contacts se sont réalisés cependant lors des activités de groupes observés pour ce projet et au cours desquels le projet a été mentionné. La rencontre a en effet permis à ces jeunes femmes de se sentir plus confiantes à l’égard de la démarche et de ce fait plus ouvertes à y participer.

Au total sept entretiens auront été conduits avec des jeunes femmes impliquées à différents degrés dans l’un des trois groupes. Certaines personnes rencontrées étaient impliquées dans plus d’un groupe. Les entretiens individuels ont duré entre 2h30 et 4h et se sont déroulés dans des lieux choisis par les répondantes. La réalisation des entretiens a pris la forme d’une conversation guidée par quelques questions appuyées par une grille thématique réalisée préalablement (voir annexe 1 et 2). Les thèmes de l’engagement et du rapport aux espaces mobilisés ainsi que du choix de créer ou de participer à ce type de plateformes ont été abordés. Les entretiens ont permis d’accéder aux sens que les jeunes femmes accordent à leurs pratiques. Ils ont également permis de mieux comprendre les motivations et les limites qui ont marqué et conditionné leurs pratiques.

Enfin, seuls quatre des entretiens réalisés ont été utilisés pour l’analyse des résultats, puisque trois des jeunes femmes rencontrées se sont désistées avant la fin de la recherche. Deux de ces répondantes sont des jeunes montréalaises musulmanes portant le voile. L’une immigrante de première génération et l’autre née au Québec. Ces deux jeunes femmes étaient toutes deux non- productrices de contenu sur les plateformes mais des participantes. Leur désistement a été justifié par leur jeune âge et la peur d’être reconnues dans les extraits mobilisés par la recherche. En effet, une clause du formulaire de consentement évoquait les risques de traçabilité — qui ne sont jamais nuls dans une recherche encore moins lorsqu’elle mobilise des réseaux sociaux — encourus par les participantes. Cette clause stipulait la possibilité que les propos cités dans la

recherche permettent de retracer les identités des répondantes (voir annexe 4 et 5). Pour les deux jeunes femmes, le risque encouru était donc trop important, notamment compte tenu du contexte actuel marqué par un regain des hostilités à l’égard des femmes musulmanes portant le voile (Benhadjoudja 2015). La dernière répondante à s’être retirée est une jeune Québécoise d’origine haïtienne. Celle-ci m’a confié s’être désistée en raison de l’émotivité que réveillait pour elle le sujet. Elle n’a pas précisé le contexte de cette émotivité ni les éléments déclencheurs.