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CHAPITRE III : MÉTHODOLOGIE ET CONTEXTE DE L’ÉTUDE

3.1 Une Étude de cas exploratoire

3.1.1 Pertinence de la méthodologie de l’étude de cas

Longtemps discutée et remise en question l’étude de cas et son intérêt en sciences sociales font désormais consensus (Gagnon 2005 ; Gustafsson 2017 ; Hamel 1997 ; Wynsberghe et Khan 2007 ; Yin 2003) ; bien que les modalités de son usage et son intérêt présenté pour la recherche diffèrent encore selon les approches et les auteurs (Gustafsson 2017 ; VanWynsberghe et Khan 2007 ; Yazan 2015).

3.1.1.1 Des études de cas, à quelles fins ?

Les travaux mobilisant les études de cas s’accordent sur l’intérêt que présente cette méthodologie pour accéder à « une compréhension profonde des phénomènes, des processus [...] et des acteurs qui en sont les parties prenantes » (Gagnon 2005, 3). L’étude de cas a donc pour particularité de fixer l’objet de la recherche sur un phénomène spécifique, « a complex social units » (Merriam 1988, 41 dans VanWynsberghe et Khan 2007, 2), dont l’étude permet d’en

articuler la complexité. L’étude de cas renvoie alors au processus d’analyse des multiples variables qui permettent d’expliquer le phénomène.

Les théories sur le sujet divergent cependant sur les fins de cette méthode pour la recherche. Ainsi, pour certains auteurs, l’étude de cas constituerait un moyen de vérifier des théories déjà exprimées à une échelle plus large. C’est par exemple la thèse que défend Yin, pour qui, l’étude de cas serait le pendant qualitatif d’études plus étendues, généralement quantitatives (Yin 2003). L’usage de cette méthode permettrait alors de vérifier des théories tout en mettant en lumière les spécificités de leurs articulations à des échelles plus réduites (Yin 2003 ; Yazan 2015). Pour d’autres auteurs, il est au contraire important de se défaire des lectures positivistes associées à la méthode. En effet, comme le rappellent Van Wynsberghe et Khan, l’étude de cas est une méthodologie en soi présentant un intérêt propre pour la recherche, et ne devrait pas être pensée en fonction des approches quantitatives ou dans un unique objectif de généralisation (2007). Wadbled abonde dans ce sens et souligne que :

La méthode de l’étude de cas se fonde sur une critique des sociologies structuralistes et fonctionnalistes (Stake 1995). Elle s’oppose à la définition de structures ou de lois sociales abstraites des contingences locales, posées par induction à partir d’échantillons, pour affirmer la nécessité de se concentrer sur l’expérience des situations particulières [...] Un cas est donc un point de vue spécifique sur un objet spécifique, un individu ou un groupe d’individus formant un individu complexe. (Wadbled 2016, 384)

Selon cette perspective, l’étude de cas devrait avoir pour unique objet de comprendre les spécificités de l’unité étudiée et non pas d’identifier des structures de fonctionnement. Dans le cas de ce mémoire, nous nous situerons à l’intersection de ces deux acceptions de l’étude de cas. Car, si le choix de cette méthodologie a été motivé par une volonté de saisir les spécificités et les complexités de groupes partageant une situation commune, nous croyons que l’analyse ne peut se limiter à une description de leurs pratiques en lien avec leur contexte. Les résulta ts obtenus ont ainsi été mis en tension avec les données qualitatives et quantitatives produites sur la participation des jeunes femmes issues des minorités au Québec et ont donné lieu à une proposition théorique (chapitre V).

3.1.1.2 L’étude de cas : Un point de vue idiosyncrasique et une collecte spécifique

Pour Yin, il est important de saisir ces phénomènes sociologiques dans les contextes desquels ils prennent lieu et de déterminer les méthodologies de collecte en conséquence . La collecte de données renverrait ainsi à un processus idiosyncratique, variant selon le cas et la question de recherche qui lui sont associés. Il importe alors de développer des méthodes de collecte et d’analyse sensibles aux spécificités de chaque terrain, voire de chaque cas lorsqu’il s’agit d’une étude de cas multiple. Or, comme le rappelle Gustafsson (2017), la conception des méthodes de collecte se module différemment selon que l’étude de cas porte sur un cas unique ou une multiplicité de cas. Si les études de cas multiples permettent de saisir les spécificités de groupes particuliers et d’effectuer des comparaisons entre ces derniers (Gustafsson 2017 ; Yin 2002) elles rendent dans le même temps la mobilisation de méthodes de collectes spécifiques aux cas plus difficiles. Il faut alors, comme le suggère Yin procéder à l’identification, au préalable de la collecte, de balises communes aux cas qui assureront la validité des comparaisons. Les cas sélectionnés doivent ainsi être pensés en lien avec une question de recherche ou un phénomène particulier que l’on souhaite observer et leur analyse pensée selon un ensemble de variables comparables. Ce mémoire a pour objectif d’observer les spécificités de trois groupes qui diffusent la parole de femmes racisées à Montréal. Pour ce faire, chaque cas a été étudié et analysé individuellement (chapitre IV). Les cas ont tout de même été sélectionnés en fonction de balises communes déterminées avant la réalisation du terrain. Ainsi, les groupes sont tous portés par des femmes racisées francophones et constituent des espaces d’expression pour ces dernières. Tous devaient par ailleurs avoir des activités à Montréal pour les besoins de l’observation. Ces variables communes ont notamment permis de s’assurer de la cohérence des cas avec la question de recherche ainsi que de leur comparabilité. Enfin une grille d’analyse commune aux trois cas a été développée afin d’être en mesure de comparer leurs similarités et divergences.