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LA SUBSIDIARITE ET LES COMPETENCES DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

B. Les domaines d’attribution des collectivités territoriales

Les lois relatives à la décentralisation distinguent trois catégories de compétences des collectivités territoriales, à savoir : les compétences propres, les compétences transférables et les compétences consultatives. Par ailleurs, la Constitution du 29 juillet 2011 consacre une nouvelle catégorisation. Les compétences propres et transférables sont maintenues, alors que les compétences consultatives ont laissé la place à une nouvelle catégorie appelée compétences partagées entre l’Etat et les collectivités territoriales.

1. Les compétences propres

Enracinée dans les textes relatifs à l’organisation des différentes collectivités territoriales marocaines, et consacrée par le constituant de 2011, la notion de compétences propres mérite qu’on s’y attarde pour essayer de l’élucider.

M. BRAHIMI affirme que le concept de « compétence propre » incline à penser qu’il s’agit des compétences qui relèvent du « domaine exclusif » de la collectivité113. Pour sa part, T. ZAIR pense que l’existence des compétences propres interdites à l’intervention des personnes autres que les collectivités territoriales, est une condition incontournable pour asseoir les bases de la libre administration114.

Les compétences propres sont exercées par la collectivité territoriale pour la gestion de ses propres affaires et pour son propre compte. Elles s’opposent ainsi aux compétences déléguées ou transférées que la collectivité territoriale exerce pour la gestion des affaires de l’Etat et pour le compte de ce dernier115.

112 Charles Nach Mback, Démocratisation et décentralisation: Genèse et dynamiques comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne, KARTHALA 2003, p. 420.

113 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009, Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 215.

114 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107, novembre-décembre 2012, p. 17.

115Autonomie locale et régionalisation en Méditerranée: actes Séminaire international, décembre 1999 à Rabat, Etudes et travaux, n°67, éditions du Conseil de l’Europe 2000, p. 58.

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En l’absence d’une définition constitutionnelle de ce concept, il appartient au législateur de définir son contenu et ses contours. Les textes en vigueur, sans donner aucune définition générale, énumèrent un ensemble de matières relevant des compétences propres de chaque collectivité territoriale. Il s’agit particulièrement des matières relatives au développement économique et social de la collectivité, la gestion du patrimoine et les moyens financiers, l’aménagement du territoire, les services publics locaux et la promotion de l’emploi et des investissements116. Chacune des trois catégories des collectivités territoriales dispose d’un domaine de compétences propres légèrement différent de celui des autres.

2. Les compétences transférables

Les lois relatives à la décentralisation contiennent une disposition reconnaissant à l’Etat la faculté de transférer aux collectivités territoriales des nouvelles compétences, dans des domaines définis, appelées les compétences transférables117. Le texte constitutionnel de 2011, en retenant cette catégorie de compétences, accorde une valeur constitutionnelle à cette disposition.

Néanmoins, cette constitutionnalisation ne comporte aucun aspect prescriptif ou obligatoire. D’une autre manière, la Constitution n’énumère pas des matières à transférer obligatoirement aux collectivités territoriales. Il s’agit d’une simple autorisation de transfert de compétences accordée au législateur, et il revient à ce dernier de définir le moment de ce transfert, son objet et son bénéficiaire. Dans un contexte similaire, M. BRAHIMI considère que les dispositions législatives énonçant la faculté pour l’Etat de transférer de nouvelles compétences aux communes, comme « porteuse de simples promesses et n’ont pas de force exécutoire ».

Ainsi, les compétences transférables demeurent de l’apanage de l’Etat qui est libre de les transférer aux collectivités territoriales ou de ne pas le faire. La

116 Mohamed BAHI, les compétences du wali, du gouverneur et des autres agents d’autorité : 1. Domaine des collectivités locales (communes, préfectures, provinces et régions), 1er édition 2005, pp. 21, 49 et 37. 117 Article 8 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. Article 37 de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales. Article 43 de la loi n° 78.00 portant charte communale.

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Constitution n’impose aucune exigence de temps pour effectuer le transfert qui relève de l’appréciation de l’Etat118.

Par ailleurs, le législateur marocain a consacré le principe de la compensation financière des transferts de compétences. Ainsi, il retient que tout transfert de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales doit s'accompagner du transfert des ressources nécessaires à leur exercice. La notion de ressources

comprend aussi bien les moyens humains que les moyens financiers119.

La Constitution de 2011, à l’instar de la Constitution française120 a hissé ce principe au rang constitutionnel. En effet, le deuxième alinéa de son article 141 dispose que « tout transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales doit s’accompagner d’un transfert des ressources correspondantes ». Ainsi, il est interdit à l’Etat de se servir de la transférabilité des compétences pour transférer les charges121.

L’absence de mise en œuvre des dispositions législatives relatives au transfert de compétences de l’Etat aux collectivités territoriales, laisse penser qu’il s’agit

des dispositions superfétatoires122. De même, la reconnaissance

constitutionnelle de cette transférabilité de compétences n’apparait pas suffisante pour y donner un aspect effectif.

3. Les compétences partagées avec l’Etat

L’article 140 de la Constitution du 29 juillet 2011 consacre, pour la première fois, une nouvelle catégorie des compétences des collectivités territoriales. Il s’agit des compétences partagées entre ces dernières et l’Etat.

118 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107, novembre-décembre 2012, p. 17.

119 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009, Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 224.

120 « Tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». L’article 72-2 al.4 de la Constitution française de 1958.

121 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009, Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 224.

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Conformément aux dispositions de ce même article, la fixation des compétences partagées entre l’Etat et les collectivités territoriales doit être effectuée sur la base du principe de subsidiarité. Il revient au législateur de définir les domaines relevant de cette catégorie123.

A l’égard de ce type de compétences, les collectivités territoriales ne

possèdent aucun pouvoir exclusif d’exercice124. Néanmoins, cette catégorie de

compétences est susceptible de contribuer à la redéfinition des rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales sur la base de partenariat et de collaboration.

4. Les compétences consultatives

Cette catégorie de compétences n’a pas une existence constitutionnelle. Elle n’a qu’une valeur législative. En effet, les lois relatives à l’organisation des collectivités territoriales reconnaissent respectivement à celles-ci la possibilité de présenter à l’Etat et aux autres personnes morales de droit public, des

propositions et des suggestions sur les actions à entreprendre pour promouvoir

leur développement économique, social et culturel lorsque ces actions dépassent leurs compétences ou leurs moyens. Elles peuvent également émettre des avis et des vœux sur toutes les questions d’intérêt local, à l’exception des vœux à caractère politique125.

Les matières qui relèvent de cette catégorie ne constituent pas des véritables compétences. En effet, si on retient la définition de B. MEUNIER, une compétence serait « toute aptitude légale, matérielle, territoriale, temporelle et personnelle dont dispose une autorité pour agir »126. Autrement dit, une compétence implique une action ou une possibilité d’agir fondée sur un texte

123 Article 146 de la Constitution du 29 juillet 2011.

124 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107, novembre-décembre 2012, p. 16.

125 Article 9 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. Article 38 de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales. Article 44 de la loi n° 78.00 portant charte communale.

126 Benjamin MEUNIER, Les règles relatives aux transferts de compétences entre collectivités publiques, Thèse dirigée par Claude DEVES, UNIVERSITE D’AUVERGNE – CLERMONT FERRAND I, 2006, p. 05.

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juridique. Alors que la faculté d’émettre un avis ou une proposition est beaucoup plus une liberté qu’une compétence.

C’est peut-être cette raison qui a poussé le constituant à écarter cette catégorie du texte fondamental. Néanmoins, sa consécration législative ne peut pas être mise en cause par le simple fait qu’elle n’est pas consacrée par la Constitution.

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