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LE CONTROLE POLITIQUE ET DE BONNE GOUVERNANCE

B. Le contrôle exercé par le citoyen

Les collectivités territoriales sont soumises à un contrôle d’ordre politique exercé par le citoyen. Ce contrôle constitue une composante essentielle de la décentralisation et de la démocratie locale. En France, sa consécration remonte à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. En effet, son article

14 précise que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou

par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». Son article 15 ajoute que « La Société a le droit de

191 Article 7 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région, l’article 36 de la loi n°79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et l’article 37 de la loi n° 78.00 portant charte communale.

192 Article 143 du Dahir n° 1-02-124 du 1er rabii II 1423 portant promulgation de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. (B.O du 15 août 2002).

193 L’article 36 de la loi n°79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et l’article 42 de la loi n° 78.00 portant charte communale.

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demander compte à tout agent public de son administration ». Aujourd’hui, ce contrôle se matérialise par une pluralité de mécanismes juridiques et politiques consacrés soit par les textes (exemple de vote), soit par la pratique (exemple des manifestations).

Au Maroc, l’ampleur du contrôle politique exercé par le citoyen diffère selon qu’il s’agit d’une catégorie de collectivité ou d’une autre, ou qu’il s’agit d’un organe ou d’un autre. Ainsi, le contrôle exercé sur les conseils communaux est beaucoup plus effectif que celui qui est exercé sur les conseils des autres collectivités du fait que les premiers sont élus aux suffrages universel direct alors que les seconds sont élus au suffrage indirect.

Dans le même sens d’analyse, le contrôle exercé sur l’exécutif de la commune est plus rigoureux par rapport au contrôle exercé sur l’exécutif des autres collectivités. Ce constat s’explique par le fait que le premier est élu alors que le second est désigné.

Néanmoins, la Constitution de 2011 donne plus d’effectivité au contrôle politique exercé par le citoyen, et ce en consacrant l’élection des conseils communaux et régionaux au suffrage universel direct194 et en accordant le pouvoir exécutif dans toutes les collectivités aux présidents élus195 d’une part ; et en instituant un ensemble de mécanismes permettant l’exercice de ce contrôle d’autre part.

Ainsi, le citoyen dispose, au moins, de cinq moyens de contrôle de l’action des collectivités territoriales et qui sont tous institués et protégés par le texte constitutionnel, à savoir : le vote, la saisine de juge administratif, l’accès à l’information, la présentation des pétitions et l’organisation des manifestations.

1. Le vote

Il est vrai que le mandat de l’élu local est représentatif et non pas impératif. Il est général, libre et non révocable. Par conséquent, l’élu peut agir en tous

194 Article 135 de la Constitution de 2011. 195 Article 138 de la Constitution de 2011.

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domaines de sa compétence à sa guise sans être tenu de respecter les engagements qu'il aurait éventuellement pris devant ses électeurs.

En revanche, les citoyens sont invités périodiquement à valider ou à sanctionner, a posteriori, la gestion des collectivités territoriales par leurs élus. Le vote des citoyens constitue la source de légitimité des organes de ces collectivités. Il s’agit du contrôle politique le plus effectif et le plus direct qui permet à l’électeur de renouveler ou pas le mandat d’un élu.

2. la saisine du juge administratif

Le droit de saisir la justice est un droit constitutionnel consacré par l’article 118 de la Constitution. Cet article dispose que : « L’accès à la justice est garanti à toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts protégés par la loi ». Il ajoute que « Tout acte juridique, de nature réglementaire ou individuelle, pris en matière administrative, peut faire l’objet de recours devant la juridiction administrative compétente ».

Ainsi, peut-on avancer que le citoyen peut se servir de la justice administrative pour contrôler l’action des collectivités territoriales. Il en est ainsi lorsqu’il est, ou il prétend être, lésé par un acte d’une collectivité territoriale. Ou encore pour demander à celle-ci d’exercer une action qui lui appartient et qu’elle refuse d’exercer.

3. l’accès à l’information

L’accès à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public est un droit garanti par la Constitution. En vertu des dispositions de son article 27, seule la loi peut limiter ce droit « dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines expressément déterminés par la loi ». Par conséquent, le législateur ne dispose pas d’une compétence illimitée pour le réglementer. Il ne peut pas le limiter dans un but autre que ce qui est prévu par la Constitution. De même, les collectivités

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territoriales ne sont pas compétentes pour limiter l’accès à l’information qu’elles détiennent.

Par ailleurs, plusieurs dispositions contenues dans les lois relatives à la décentralisation consacrent des mécanismes permettant aux citoyens d’accéder à l’information relative à la gestion des affaires locales par les collectivités territoriales. Ainsi, à titre d’exemple, les délibérations des conseils et les arrêtés pris par les organes exécutifs, sont publiés ou portés à la connaissance du public par tous moyens appropriés. En outre, tout électeur a le droit de demander communication et de prendre à ses frais copie totale ou partielle des délibérations. Il peut également les publier sous sa responsabilité.196.

4. La présentation des pétitions

Le droit des citoyens à présenter des pétitions aux pouvoirs publics est protégé

par la Constitution. En effet, son article 15 dispose que « les citoyennes et les

citoyens disposent du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics. Une loi organique détermine les conditions et les modalités d’exercice de ce droit ».

Dans le même contexte, l’article 139 de la Constitution dispose que «…Les citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition en vue de demander l’inscription à l’ordre du jour du Conseil, d’une question relevant de sa compétence ».

Il s’agit donc d’un nouveau mécanisme constitutionnel de contrôle qui permettrait aux citoyens et citoyennes d’influencer les décisions des pouvoirs publics en général, et des collectivités territoriales en particulier et de contrôler la gestion des affaires publiques locales.

5. l’organisation des manifestations

Les citoyens peuvent organiser des manifestations pacifiques, des réunions ou des rassemblements pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis d’une décision ou d’un projet initié par une collectivité territoriale. Ce droit est garanti

196 Articles 32, 52 et 55 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région, l’article 42 et 58 de la loi n°79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et l’article 55 et 67 de la loi n° 78.00 portant charte communale.

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par l’article 29 de la Constitution et ne peut être limité que par la loi. En outre, en vertu de l’article 28 du même texte, les citoyens peuvent exprimer et diffuser librement, dans les seules limites expressément prévues par la loi, les informations, les idées et les opinions.

Le contrôle politique exercé par les citoyens peut aussi prendre la forme des lobbies, des groupes de pression, des associations, des syndicats ou des partis politiques197. L’objectif de ce contrôle est d’influencer les autorités territoriales en vue de prendre une décision favorable à leurs intérêts ou à retirer une décision qu’ils estiment défavorable.