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LA SUBSIDIARITE ET LES COMPETENCES DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

A. Le cadre général

La définition des attributions des collectivités territoriales relève de la compétence du législateur. Ce dernier ne peut pas dépasser les contours délimités par le constituant. Ainsi, il ne peut les doter que d’un pouvoir réglementaire. En outre, certaines dispositions retraçant le cadre général des compétences des collectivités sont d’ordre législatif. C’est surtout le cas de la clause générale de compétence consacrée par les textes relatifs à l’organisation des collectivités territoriales.

1. La compétence législative en matière de définition des attributions La Constitution consacre la compétence législative en matière de définition des compétences des collectivités territoriales. Cette consécration constitue une protection des principes constitutionnels liés à cette matière, particulièrement la libre administration et la subsidiarité, contre des atteintes éventuelles émanant du pouvoir exécutif. Ces principes sont également protégés contre les abus du

98 Conseil constitutionnel français, Décision n° 2004-503 du 12 août 2004/ Loi relative aux libertés et responsabilités locales. Journal Officiel du 17 août 2004, p. 14648.

99 Les collectivités territoriales en France, coordonné par Maryvonne BONNARD, La documentations française, 2008, p. 24.

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législateur lui-même, notamment que les compétences des collectivités territoriales sont fixées par une loi organique qui, par définition, doit subir le contrôle de constitutionnalité.

Ainsi, le constituant de 2011 confie au pouvoir législatif la mission de répartition des compétences, ce qui comporte un risque, malgré toutes les garanties, de porter atteinte aux principes de subsidiarité, de libre administration et de l’effectivité des compétences qui en découle. En vue de maitriser ce risque, certains auteurs pensent qu’il est nécessaire d’exiger un certain seuil de compétence. Autrement dit, un minimum de compétences propres devrait être consenti aux collectivités territoriales à l’occasion de la répartition des compétences100.

Par ailleurs, et contrairement à la Constitution française101, la Constitution marocaine ne prévoit pas des matières que le législateur ne devrait pas confier ou transférer aux collectivités territoriales. En principe, le législateur dispose d’un pouvoir discrétionnaire en matière de définition des compétences de ces collectivités, à la seule condition de respecter les compétences des autres collectivités publiques qui leur sont dévolues par le texte constitutionnel.

Sur un autre niveau, la question de compétence réglementaire du Gouvernement pour l’exécution des lois relatives aux collectivités territoriales se pose. En France, une thèse développée dans les années quatre-vingt était hostile à cette compétence. Cette thèse est aujourd’hui définitivement abandonnée,

100 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107, novembre-décembre 2012, p. 17.

101 «Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.

Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement.

Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.

Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique… ». Article 73 de la Constitution française de 1958.

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notamment après avoir été écartée par le juge constitutionnel en ne censurant pas le renvoi aux décrets opéré par la loi relative à la fonction publique territoriale (décision n° 83-168 DC du 20 janvier 1984). Cette attitude jurisprudentielle a été confirmée par la suite dans un ensemble de décisions du Conseil constitutionnel français102.

En définitive, le constituant marocain consacre une compétence législative de principe en matière des collectivités territoriales en général103 et en matière de

détermination de leurs compétences en particulier104. Le pouvoir réglementaire

national ne peut pas intervenir d’une manière autonome dans ces matières. Son intervention doit se limiter à la mise en application des lois sous le contrôle du juge administratif.

2. Un pouvoir réglementaire non autonome

Le deuxième alinéa de l’article 140 de la Constitution du 29 juillet 2011 dispose que : « les régions et les autres collectivités territoriales disposent, dans leurs domaines de compétence respectifs et dans leur sort territorial, d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs attributions ». Ceci signifie que, ni le principe de libre administration, ni celui de subsidiarité n’impliquent nullement l’existence d’un pouvoir législatif local.

En effet, le Maroc est un Etat unitaire dont la souveraineté est indivisible. Ainsi, le pouvoir normatif trouve sa source première dans l’Etat, et le législateur national est le seul compétent pour légiférer pour tout le territoire national.

Si le pouvoir réglementaire est reconnu constitutionnellement aux collectivités territoriales, il n’en demeure pas moins qu’il ne saurait être autonome. Autrement dit, la disposition constitutionnelle énoncée ci-dessus ne peut pas constituer une source directe du pouvoir réglementaire des collectivités territoriales. Elle ne leur permet pas d’intervenir dans le domaine de l’administration locale pour fixer des

102 Les collectivités territoriales en France, coordonné par Maryvonne Bonnard , la documentation française 2008, p. 33.

103 Article 71 de la Constitution du 29 juillet 2011. 104 Article 146 de la Constitution du 29 juillet 2011.

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normes initiales et indépendantes des lois préexistantes ou pour préciser les conditions d’application d’une loi sans que celle-ci l’ait prévu.

Ainsi la différence entre le pouvoir réglementaire national et le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales est établie. Le premier est général et autonome, tandis que le second est lié et limité. L’acte réglementaire national peut être un acte d’application de la loi comme il peut être un acte pris en application de la loi. Alors que l’acte réglementaire local ne peut être qu’un acte pris en application de la loi105.

Dans le même ordre d’idées, l’exercice du pouvoir réglementaire par les collectivités territoriales ne doit pas être en dehors de leurs domaines de compétences, ni au-delà de leurs ressort territorial.

En définitive, le pouvoir réglementaire territorial, tout en étant consacré par la Constitution, ne peut être qu’un pouvoir limité et subordonné au respect du principe de légalité sanctionné par le juge administratif. Et il n’y a pas lieu que l’exercice de ce pouvoir puisse être soumis au contrôle de constitutionnalité, n’étant pas autonome, ce pouvoir ne peut émaner que d’une loi faisant écran entre lui et la Constitution106.

3. La clause générale de compétence

Les lois relatives à la décentralisation consacrent la clause générale de compétence qui consiste à reconnaître à la collectivité territoriale une

compétence générale de principe107. Cette clause permet à la collectivité de se

105 Les contrôles de l'Etat sur les collectivités territoriales aujourd'hui, sous la direction de Pascal COMBEAU, L’Harmattan 2007, p. 122.

106 Mohammed Amine BENABDALLAH, Du contrôle de la constitutionnalité des décrets réglementaires autonomes, REMALD, 2003, n° 53, p. 9.

107 - « Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région, et, à cet effet, décide des mesures à prendre pour lui assurer son plein développement économique, social et culturel, et ce, dans le respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales ». Article 6, al 1 du Dahir n° 1-97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. - « Le conseil préfectoral ou provincial règle par ses délibérations les affaires de la collectivité préfectorale ou provinciale. A cet effet, il décide des mesures à prendre pour assurer son développement économique, social et culturel, dans le respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales ». Article 35, al 1 du Dahir n° 1-02-269 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales.

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saisir des affaires relevant de son territoire. Ainsi, la clause générale de compétence est définie comme la possibilité reconnue à une collectivité territoriale de délibérer sur toute matière pour répondre à un intérêt public local, à condition de ne pas empiéter sur les compétences attribuées par la loi à une autre autorité publique, qu’il s’agisse de l’Etat ou d’une autre collectivité territoriale. Ceci dit que cette clause n’a pas un sens absolu, ou selon les propos de Gérard MARCOU, « elle n’a jamais signifié que les collectivités territoriales

avaient une compétence générale, ou de principe »108.

Cependant, cette clause engendre, selon les termes de M. BRAHIMI, des imprécisions et des contradictions, ce qui crée des situations de conflits de compétences entre collectivités publiques sur un même territoire109.

La consécration de cette clause, malgré son inconvénient lié à l’imprécision, présente un avantage pragmatique et technique, en ce sens qu’elle dispense le législateur de la difficulté de l’énoncé précis et exhaustif qui nécessite l’établissement d’un inventaire des matières relevant de la compétence de la collectivité avec le risque de manquer à l’exhaustivité110.

En parallèle avec cette clause, le législateur marocain énumère un ensemble de matières dévolues aux collectivités territoriales, ce qui pourrait être interprété comme une consécration de la théorie des blocs de compétences. En revanche, étant donné que les deux théories : La clause générale de compétence et le bloc de compétences "reposent sur deux principes intellectuellement différents, et même opposés111 "; ou encore, selon les termes de C. Nach Mback, sont "incompatibles et contradictoires " ; cette énumération ne devrait être considérée

- « Le conseil règle par ses délibérations les affaires de la commune. A cet effet, il décide des mesures à prendre pour assurer le développement économique, social et culturel de la commune ». Article 35 al 1 de la loi 78-00 relative à la charte communale, telle que modifiée et complétée par la loi n° 17.08 promulguée par le dahir n° 1.08.153 du 18 février 2009. B.O n° 5714 du 5-3-2009.

108 Gérard MARCOU, « la réforme territoriale. Analyse du nouveau projet de réforme des collectivités territoriales », in « Quelle nouvelle réforme pour les collectivités territoriales Françaises », sous la direction de Jean-Claude NEMERY, L’Harmattan 2010, p. 70.

109 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009, Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 212.

110 Idem, p. 213.

111 Rapport d’information n°283 au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur la clarification de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, fait par Antoine LEFÈVRE, Sénat-France, 2011, p. 07.

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que comme une simple précision des attributions des collectivités territoriales112 et non pas une liste exhaustive de ces attributions.