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LA TUTELLE ET LE CONTROLE ADMINISTRATIF

C. Le contrôle budgétaire

Le principe de la séparation de l’ordonnateur et du comptable conduit à confier l’exécution du budget des collectivités territoriales à deux catégories d’agents nettement séparés. Le président de la collectivité intervient dans la phase administrative, en tant qu’ordonnateur ; et le comptable public intervient dans la

phase comptable des opérations142. Ce dernier manipule les deniers publics et

les textes le chargent d’effectuer le contrôle de certaines opérations budgétaires. Ainsi, en vertu des dispositions de l’article 55 du Décret n° 2-09-441 du 3 janvier 2010 portant règlement de la comptabilité publique des collectivités locales et de leurs groupements, les dépenses de ces derniers sont soumises au contrôle budgétaire effectué par les services de la trésorerie générale du Royaume. Deux types de contrôle budgétaire sont à distinguer : le contrôle de l’engagement et le contrôle du paiement143.

142 Gestion financière des collectivités locales, communes et régions d’Europe n°50, Conseil de l’Europe 1993, p. 49.

143 Décret n° 2-09-441 du 17 moharrem 1431 (3 janvier 2010) portant règlement de la comptabilité publique des collectivités locales et de leurs groupements. Bulletin officiel n° 5814 du 03 rabii I 1431 (18 février 2010).

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1. Le contrôle de l’engagement

Ce contrôle est prévu par l’article 61 du décret cité. Il intervient avant que l’engagement ne devienne définitif. Il est exercé par le trésorier payeur communal et porte sur les points suivants:

 La disponibilité des crédits et des postes budgétaires ;

 L’imputation budgétaire ;

 L’exactitude des calculs du montant de l’engagement ;

 Le total de la dépense à laquelle la collectivité territoriale ou le groupement s’oblige pour toute l’année d’imputation.

Pour l’exercice de ce contrôle, les propositions d’engagement de dépenses faites par les ordonnateurs des collectivités territoriales et de leurs groupements sont accompagnées d’une « fiche navette » aux fins de certification et de prise en charge comptable (article 62).

Le contrôle de l’engagement est sanctionné soit par la certification de la fiche navette, soit par la suspension de la certification de celle-ci qui est alors renvoyée à l’ordonnateur pour régularisation. (Article 63).

L’ordonnateur peut maintenir une proposition d’engagement d’une dépense ayant fait l’objet d’une suspension de certification. Dans ce cas, il doit saisir le ministre de l’intérieur ou son délégué pour passer outre cette suspension de certification, sauf si celle-ci est motivée par l’insuffisance ou l’indisponibilité des crédits ou des postes budgétaires. (Article 66).

2. Le contrôle du paiement

Ce contrôle est confié à la même autorité chargée du contrôle de l’engagement, à savoir le trésorier payeur. Conformément aux dispositions de l’article 74 du Décret portant règlement de la comptabilité publique des collectivités locales et de leurs groupements, cette autorité est compétente pour vérifier :

 L’exactitude des calculs de liquidation ;

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 Le caractère libératoire du règlement.

 La signature de l’ordonnateur qualifié ou de son délégué ;  La disponibilité des crédits de paiement ;

 La disponibilité des fonds ;

 La production des pièces justificatives prévues par la réglementation en vigueur, dont celles comportant la certification du service fait par l’ordonnateur qualifié.

Ce contrôle est sanctionné, soit par le visa et le règlement des dépenses lorsqu’aucune irrégularité n’a été relevée, soit par la suspension du visa en cas de constatation d’irrégularités. Dans ce second cas, les ordonnances de paiement non visées sont renvoyées à l’ordonnateur aux fins de régularisation.

Toutefois, en cas de suspension du visa, l’ordonnateur peut passer outre le trésorier payeur par le biais d’un ordre écrit et sous sa responsabilité, appelé ordre de réquisition. Cette procédure permet au trésorier de procéder au visa pour paiement sans en être responsable. (Article 75).

Par ailleurs, l’ordre de réquisition doit être refusé par le trésorier payeur lorsque la suspension du paiement est décidée pour l’un des motifs suivants :

 L’absence, l’indisponibilité ou l’insuffisance des crédits ;  L’absence, l’indisponibilité ou l’insuffisante des fonds ;

 L’absence de certification préalable de la proposition d’engagement ;

 Le défaut du caractère libératoire du règlement. D. Le contrôle de la gestion par les corps d’inspection

L’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration territoriales effectuent, au nom des ministres chargés respectivement des finances et de l’intérieur, un contrôle a posteriori sur les actes des collectivités territoriales. Ces corps d’inspection constituent des autorités administratives dont le contrôle porte sur la légalité, la régularité et la sincérité. A cet effet, ils vérifient la réalisation effective des services fournis, les fournitures livrées et les travaux effectués.

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1. L’Inspection générale des finances

L’Inspection générale des finances est un corps supérieur d’inspection créé par le Dahir n° 1.59.269 du 14 avril 1960. En matière de contrôle des collectivités territoriales, elle est compétente pour :

- Effectuer les vérifications des services de caisse et de comptabilité, deniers et matières, des comptables publics chargés d’exécuter les recettes et les dépenses des collectivités territoriales ;

- Contrôler et auditer la gestion des comptables publics et des collectivités territoriales;

- Auditer les actions réalisées dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain en partenariat avec l’Inspection générale de l’administration territoriale144;

- Evaluer les résultats atteints en comparaison avec les objectifs tracés et les moyens utilisés et s’assurer que le contrôle interne, les systèmes d’information et les procédures appliquées garantissent, au sein de l’organisme, une gestion optimale des ressources, et de leur utilisation ainsi que la protection de son patrimoine.

- Formuler des recommandations en vue d’améliorer la gestion des

collectivités contrôlées.

Les rapports de l’Inspection générale des finances, établis définitivement après l’engagement de la procédure contradictoire permettant aux entités inspectées de formuler leurs réponses et explications, sont adressés au ministre de l’intérieur et à la cour régionale des comptes pour tout ce qui concerne la discipline budgétaire et financière145.

2. L’Inspection générale de l’administration territoriale

L’Inspection générale de l’administration territoriale est un corps de contrôle institué au sein du ministère de l’intérieur. Elle assure le contrôle et la vérification

144 L’article 13 du décret n°02. 05. 1017 du 19 juin 2005 relatif aux modalités d’exécution des dépenses du compte spécial de l’INDH.

145 L’article 2 du Dahir n° 1-59-269 du 14 avril 1960 relatif à l'inspection générale des finances et l’article 138 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières.

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de la gestion administrative, technique et comptable des services relevant du ministère de l'intérieur, des collectivités territoriales et de leurs groupements146. Ses missions peuvent être des missions d’inspection, d’audit ou d’étude et de réflexion.

En matière de contrôle de la gestion des collectivités territoriales et de leurs groupements, elle contrôle la manière dont le bureau exécutif gère les biens de la collectivité. A cet effet, elle est chargée de s’assurer de la légalité et de la

régularité des décisions de l’organe exécutif et des délibérations des

assemblées.

L’IGAT effectue également un contrôle d’opportunité. Dans ce sens, elle évalue la pertinence des décisions prises et leur adéquation avec les exigences d’une bonne gestion des affaires locales de la collectivité concernée et formule des recommandations en vue d’améliorer la performance et l’efficience de la gestion147.

Les inspecteurs de l’administration territoriales rendent compte individuellement de leurs inspections, par des rapports écrits, au ministre de

l'intérieur148. Ces rapports comportent des propositions de mesures à prendre en

fonction de la nature et de la gravité des anomalies constatées (redressement, suspension, révocation, saisine de la cour régionale des comptes et poursuites judiciaires).

Par ailleurs, la mise en application des nouvelles dispositions

constitutionnelles relatives aux collectivités territoriales va changer

substantiellement la nature des missions de l’IGAT. Le principe de libre administration est incompatible avec les sanctions administratives que les inspecteurs peuvent proposer au ministre de l’intérieur. Il est à noter que les projets des lois organiques relatifs aux collectivités territoriales confient la

146 L’article 2 du Décret n° 2-94-100 du 16 juin 1994 portant statut particulier de l'inspection générale de l'administration territoriale, Bulletin Officiel n° 4264 du Mercredi 20 Juillet 1994.

147 Les organes du contrôle et leur rôle dans la lutte contre la corruption, Ministère de la modernisation des secteurs publics, octobre 2011, pp. 17-18.

148 L’article 7 du Décret n° 2-94-100 du 16 juin 1994 portant statut particulier de l'inspection générale de l'administration territoriale, Bulletin Officiel n° 4264 du Mercredi 20 Juillet 1994.

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compétence de la révocation des élus locaux exclusivement au juge administratif149. Ainsi, après l’adoption de ces projets, aucune sanction administrative ne pourrait être prononcée contre un élu local. Par voie de conséquence, les rapports de l’IGAT ne pourraient plus proposer ce type de sanctions.

II. Le contrôle administratif

La notion de contrôle administratif est entrée dans le droit positif marocain depuis l’adoption de la Constitution du 29 juillet 2011. Elle a été insérée par l’article 145 qui énonce que « Dans les collectivités territoriales, les walis de régions et les gouverneurs de provinces et préfectures représentent le pouvoir central. Au nom du Gouvernement, ils assurent l’application des lois, mettent en œuvre les règlements et les décisions gouvernementales et exercent le contrôle administratif».

Le texte constitutionnel ne donne aucune définition de cette notion. De même, l’article 146 qui prévoit les matières que la loi organique relative aux collectivités territoriales doit réglementer, ne fait aucune référence au contrôle administratif.

Toutefois, rien n’empêche le législateur organique de définir les conditions de son exercice étant donné que les matières qui figurent dans l’article 146 ne sont listées qu’à titre indicatif et non pas exhaustif tel que le montre l’adverbe « notamment »150. Il appartient donc au législateur organique, sous le contrôle du juge constitutionnel, de déterminer les conditions de l’exercice du contrôle administratif, ses modalités et ses procédures.

Ce contrôle doit permettre aux walis et gouverneurs en tant que représentants du pouvoir central d’assurer l’application de la loi et la prééminence des intérêts

149 L’article 63 du projet de loi organique n° 113-14 relatif aux communes, l’article 64 du projet de loi organique n° 112-14 relatif aux préfectures et provinces et l’article 66 du projet de loi organique n° 111-14

relatif aux régions. Consultés sur

http://www.sgg.gov.ma/ProjetsTextesDiffus%C3%A9sMembresGouvernement.aspx, le 02-03-2015, disponibles uniquement en langue arabe.

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nationaux sur les intérêts locaux, et faire prévaloir l’unité de l’ordre juridique national.

Toutefois, le législateur doit veiller à ne pas porter atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Ainsi, l’enjeu serait de trouver un équilibre entre la libre administration des collectivités territoriales et le contrôle administratif exercé par le représentant de l’Etat. L’expérience française en la matière serait inévitablement une référence importante.

En effet, la Constitution française consacre le contrôle administratif dans son article 72151. Les modalités de son exercice sont fixées par des dispositions législatives notamment celles de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

Si le contrôle administratif est considéré par certains spécialistes comme étant en « flagrante contradiction avec le principe de libre administration »152, il n’en demeure pas moins qu’il constitue un moyen du contrôle beaucoup plus souple et plus respectueux des libertés locales que la tutelle administrative153.

Le contrôle administratif ne peut pas porter sur l’opportunité des actes. Il porte uniquement sur leur légalité. Le représentant de l’Etat contrôle aussi bien la légalité externe que la légalité interne. Toutefois, il ne dispose pas du pouvoir d’approbation ni d’annulation. Il ne dispose que de la possibilité de saisir le juge administratif pour les actes qu’il considère comme entachés d’illégalité154.