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LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

B. L’élection des organes exécutifs

On entend par organe exécutif la personne ou l’ensemble de personnes

compétentes pour appliquer les décisions qui émanent de la collectivité, d’une

autorité supérieure, du Parlement ou du juge75. C’est à l’organe exécutif de la collectivité territoriale qu’il revient d’appliquer la loi et le règlement et d’exécuter les délibérations du conseil.

L’étude de l’évolution du régime juridique de l’exécutif des collectivités territoriales nécessite la distinction entre deux expériences différentes : d’une part l’expérience communale, et, d’autre part, l’expérience préfectorale, provinciale et régionale.

S’agissant de l’expérience communale, l’exécutif est confié au président du conseil depuis 1960. Cependant, le Dahir du 23 juin 1960 relatif à l'organisation communale a instauré, aux côtés de l’exécutif élu, un exécutif nommé par le pouvoir central en la personne du Pacha ou du Caïd. Ces derniers, mieux formés, outillés et mieux perçus par la population locale, ont « éclipsé le président du conseil communal », ce qui est considéré comme préjudiciable pour la décentralisation76.

Dans l’objectif de corriger cette situation, le législateur de 1976 a renforcé le rôle du président du conseil communal. Ainsi, la charte communale de 1976 a confié au président élu une grande partie des pouvoirs qui étaient jusqu’ici exercés par l’autorité locale. En outre, l’article 37 de la même charte fait du président le seul organe exécutif de la commune en disposant que : « Le président exécute les délibérations du conseil, prend les mesures nécessaires à cet effet et en assure le contrôle ».

Les différentes modifications qu’a connues la charte de 1976 n’ont cessé de renforcer le statut du président du conseil communal en tant que véritable organe

75 Antoine Delblond, droit administratif, Larcier 2009, p. 60

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exécutif de cette collectivité territoriale et ordonnateur de ses dépenses et recettes.

Dans le même ordre d’idées, jusqu’à l’année 2002, le président du conseil communal exerçait des attributions de police administrative communale sous le contrôle de l’administration supérieure77. Ces dispositions faisaient de cet organe élu un subordonné de l’administration de tutelle ce qui était une atteinte à l’autonomie administrative de la commune. En revanche, depuis l’adoption de la loi n° 78.00 du 3 octobre 2002, ces attributions sont exercées par le président de plein droit78.

S’agissant de l’expérience des autres collectivités territoriales, jusqu’au 29 juillet 2011, date d’entrée en vigueur de l’actuel texte constitutionnel, l’exécution des délibérations et l’ordonnancement des dépenses et des recettes des conseils préfectoraux, provinciaux et régionaux relevaient des attributions des agents d’autorités, à savoir : les walis (gouverneurs des chefs-lieux des régions) pour les régions79 et les walis ou les gouverneurs pour les préfectures et les provinces80.

Le texte constitutionnel de 2011 marque une rupture significative avec ce régime juridique de l’autorité exécutive des collectivités territoriales. Dorénavant, ce sont les présidents de ces collectivités qui sont compétents pour exécuter les délibérations et les décisions de leurs conseils81. Le fait de confier aux présidents élus cette compétence exercée auparavant par les agents d’autorité nommés par le pouvoir central, reflète la volonté du constituant de consacrer le principe de la gestion démocratique des collectivités territoriales et de donner un sens

beaucoup plus large – par rapport au sens donné par la jurisprudence

77 Article 44 du Dahir portant loi n° 1-76-583 (30 Septembre 1976) (5 chaoual 1396) relatif à l'organisation communale (B.O. 1er octobre 1976).

78 Article 49 de la loi n° 78.00 modifiée par la loi n° 17.08 du 18 février 2009, BO n° 5714 du 5 mars 2009. 79 « Le gouverneur du chef-lieu de la région assure l'exécution des délibérations du conseil régional dans les conditions fixées par la présente loi ». Alinéa 5 de l’article premier du Dahir n° 1-97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région.

80 «Le wali ou le gouverneur de la préfecture ou la province exécute les délibérations du conseil. Il prend les mesures nécessaires à cet effet après avis du président du conseil préfectoral ou provincial ». alinéa premier de l’article 45 Dahir n° 1-02-269 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales.

81 « Les présidents des conseils régionaux et les présidents des autres collectivités territoriales exécutent les délibérations et les décisions de ces conseils ». Article 138 de la Constitution du 29 juillet 2011.

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constitutionnelle française82- au principe de libre administration de ces collectivités.

Ainsi, la Constitution consacre l’une des recommandations les plus importantes énoncées dans le rapport de la Commission consultative de la régionalisation. Pour cette dernière, l’objectif de ce procédé est de permettre aux collectivités territoriales de contrôler leurs propres organes d’exécution afin de pouvoir rendre compte de leurs responsabilités83.

Les walis et les gouverneurs qui ne sont plus compétents pour exécuter les délibérations des conseils préfectoraux, provinciaux et régionaux, sont dorénavant appelés, en vertu de l’article 145 de la Constitution, à assister les présidentes des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des plans et des

programmes de développement84. Néanmoins, certains auteurs, à l’instar de T.

ZAIR, exprime leur inquiétude de voir les dispositions de cet article interprétées par le représentant de l’Etat comme « règle de co-administration ». ZAIR insiste sur le rôle que doivent jouer le législateur et le juge constitutionnel pour clarifier les nouveaux rapports entre les présidentes des collectivités territoriales et les représentants de l’Etat85.

III. Les limites du principe de libre administration

Une décentralisation effective est conditionnée par la libre administration des collectivités territoriales. Cependant, cette libre administration ne signifie pas l’indépendance. Les collectivités disposent des pouvoirs de décision propres, mais elles doivent se soumettre aux règles de la Constitution, des lois et des règlements qui les régissent.

82 Conseil constitutionnel français, Décision n° 85-196 DC du 08 août 1985, Loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, Journal officiel du 8 août 1985, p. 9125.

83 « Les objectifs ainsi tracés supposent, à l’égard du thème en revue, que les collectivités locales jouissent d’un réel pouvoir d’exécuter leurs délibérations et décisions et de contrôler, en conséquence, leurs propres organes d’exécution, dans le respect des lois et règlements en vigueur ; condition fondamentale pour assumer valablement leurs responsabilités et en rendre compte». Commission consultative de la régionalisation/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Aspects institutionnels, p.38.

84« Les walis et les gouverneurs assistent les présidents des collectivités territoriales et notamment les présidents des conseils régionaux dans la mise en œuvre des plans et des programmes de développement ». Alinéa 3de l’article 145 de la Constitution du 29 juillet 2011.

85 Tarik ZAIR, le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in REMALD, numéro double 99-100, juillet-octobre 2011, pp. 26-27.

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Ainsi, comme tous les principes de valeur constitutionnelle, la libre administration des collectivités territoriales n’est pas absolue, ni sans limites. Celles-ci sont d’ordre textuel (A), jurisprudentiel (B) voire même pratique (C).