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6.3 Dépôt d’agrégats d’argent hétérogènes

6.3.2 Les dépôts d’agrégats d’argent contenant une impureté

Dépôt en une seule étape

Considérons maintenant, illustré en figure 6.3, le résultat du dépôt sur gra-phite d’agrégats d’argent préparés selon le protocole ci-dessus. Les polygones de Voronoï sont représentés sur l’échantillon. Leur densité est semblable à celle ob-tenue dans le cas des dépôts d’agrégats d’argent pur pour des conditions de dépôt similaires, ce qui confirme que la nucléation s’effectue essentiellement sur les dé-fauts. Le coefficient de diffusion des agrégats d’argent sur le graphite n’est pas sensiblement modifié par la présence de l’impureté. En revanche, la morphologie des îles est fortement différente de celle obtenue dans le cas des dépôts d’agrégats d’argent pur : au sein d’une zone de capture, la mesure de la répartition de la masse aboutit à une dimension fractale (Fig. 6.4) similaire aux fractales d’ar-gent pur (Df = 1, 7± 0, 1). Les îles gardent mémoire du squelette fractal mais sont fragmentées, chaque fragment ayant quasiment atteint une forme circulaire d’équilibre. La conservation de la dimension fractale laisse supposer que la frag-mentation est postérieure à la croissance de l’île et indique que la relaxation est pilotée par l’auto-diffusion de surface (diffusion périphérique) [Thouy97].

Ainsi la présence d’impuretés dans les agrégats d’argent provoque, à tempé-rature ambiante et dans une fenêtre de temps étroite (au plus quelques minutes, durée entre le début du dépôt et la sortie à l’air de l’échantillon), une relaxation

1 µm

Flj. 6.3 — Dépôt de 2 MC en 5 min de Ag380 contenant des traces d’oxygène. Les polygones de Voronoï (cf Fig. 2.4) associés à chaque centre de nucléation sont représentés.

complète de ces structures via l’augmentation du coefficient d’auto-diffusion de surface des atomes d’argent. De façon analogue au cas macroscopique, les im-puretés accroissent la mobilité des atomes d’argent en surface de la structure. Cet effet est d’autant favorisé pour les nanofractales que celles-ci présentent un caractère polycristallin et le désordre cristallin est d’autant plus important en surface de l’île.

Considérons maintenant plus en détail la population de fragments constituant les îles. Le dépouillement des images de microscopie montre que leur projeté 2D peut être considéré dans une bonne approximation comme un disque de rayon R (Fig. 6.5). L’étude de leur distribution de tailles, effectuée sur un grand nombres d’îles, montre la monodispersité de cet ensemble (Fig. 6.7 à gauche) : le diamètre moyen 2R des particules est de 34 nm. L’écart-type de la distribution, 4 nm pour l’ensemble de la population sondée, est typiquemment la dispersion naturelle de la largeur des bras fractals pour un dépôt d’agrégats d’argent pur. La distribution de tailles des fragments diffère de celle obtenue dans les simulations de relaxation par diffusion périphérique des formes fractales via les méthodes numériques. Ces dernières prévoient que les bras fractals se fragmentent dès lors que leur rapport

3,9 4,2 4,5 4,8 5,1 5,4 6,0 6,5 7,0 7,5 8,0 8,5 9,0 lo g( S) ( u. a. )

log(r) (u. a.)

Df = 1,73 ± 0,03

Flj. 6.4 — Mesure de la dimension fractale Df de l’objet de la Fig. 6.6 par la méthode des cercles concentriques.

0 500 1000 1500 0 2 4 6 8 10 12 S/ P ( nm ) S (nm2)

Flj. 6.5 — Facteur de forme des fragments en fonction de leur surface projetée, pour la fractale de la Fig. 6.6. La courbe continue correspond à la relation pour des disques de rayons R : SP=

t

S = R2.

500 nm

Flj. 6.6 — Dépôt de 2 MC en 5 min de Ag380 contenant des traces d’oxygène. La fractale est décomposée en une série de fragments relaxés.

0 8 16 24 32 40 48 56 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 Pa rt 2R (nm) 0 12 24 36 48 60 72 84 96 108 120 132 144 156 168 180 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 Pa rt λ (nm)

Flj. 6.7 — Distributions de tailles (à gauche) et de distances entre plus proches voisins (à droite) des fragments de la Fig. 6.6.

longueur/largeur atteint une valeur critique de 75 et une large distribution finale de fragments de tailles arbitraires en résulte [Thouy97].

Le souvenir de la forme fractale permet de «redessiner» le squelette initial. Ce faisant, nous pouvons considérer la distance λ entre les fragments plus proches voisins (Fig. 6.7 à droite). L’histogramme est centré à λ = 75 ± 20 nm. Ceci nous permet d’écrire le rapport de forme suivant pour les fragments :

λ

R = 4, 4± 0, 5 Dépôt séquentiel (à deux étapes)

Afin de confirmer la fragmentation post-croissance fractale ainsi que le rap-port de forme, nous avons effectué un dépôt séquentiel afin de conserver comme référence les fractales initiales. Pour ce faire 1 M C d’agrégats d’argent pur est déposée sur la totalité de l’échantillon. Puis une moitié de la surface est masquée à l’aide d’un cache pendant que l’autre reçoit un dépôt de très faible couverture (< 1M C) d’agrégats d’argent contenant une faible quantité d’oxygène (avec PO2

de l’ordre de 0, 2% de la pression totale en gaz porteurs pour le premier échan-tillon et 0, 5%, pour le second). Les morphologies résultantes sont présentées à la figure 6.8 (colonne gauche).

Ainsi, que l’on dépose directement sur la surface de graphite des agrégats d’argent contenant une impureté ou que le dépôt pollué soit effectué après la croissance de la fractale pure, la présence de l’impureté provoque la fragmentation des bras fractals. D’un point de vue dynamique, le temps de relaxation semble diminuer avec la concentration en oxydes, les fragments obtenus pour PO2 = 0, 2% étant moins circulaires que ceux du dépôt avec PO2 = 0, 5%. La conservation du rayon de giration ( Rg ∼ 380 nm pour les trois régions), observée de façon non univoque via cette expérience, est la signature d’un mécanisme de relaxation pilotée par l’auto-diffusion de surface. Le facteur de forme S/P des îles évolue peu durant le processus (Fig. 6.8 à droite) : la valeur moyenne augmente de 7 à 9 nm et en particulier, la distribution reste relativement étroite. Les bras de largeur initiale 14 nm se segmentent en une série de fragments relaxés de 19 nm de rayon. La fragmentation se déroule sans élargissement comme le montre l’étape intermédiaire (Fig. 6.8.b). La distribution de distances entre fragments plus proches voisins pour le cas complètement relaxé (cas (c) de la Fig. 6.8) est donnée à la figure 6.9 et a pour valeur moyenne : λ = 73 ± 23 nm.

Ces dépouillements permettent d’extraire les rapports de forme suivants : λ

ξ0 = 4, 3± 0, 8 λ

500 nm a c b 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 Pa rt S/P (nm) 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 Pa rt S/P (nm) 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 Par t S/P (nm) <R>= 19± 2 nm 0>= 14± 2 nm <ξ>= 18± 3 nm

Flj. 6.8 — Evolution de l’état de relaxation des fractales d’argent en fonction du taux d’impureté, en terme de morphologies (à gauche) et de rapport S/P (à droite) :(a) dépôt de référence (1MC de Ag500 pur en 3 min) sur lequel ont été déposés des agrégats d’argent contenant une impureté,PO2= 0 , 2 % pour (b) et PO2= 0 , 5 % pour (c). Rappel : S /P = ξ/2 pour une fractale et R/2 , pour des disques.

0 50 100 150 200 250 300 350 400 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 Pa rt λ (nm) <λ>= 73 ± 23 nm

Flj. 6.9 — Distribution des distances entre plus proches fragments pour les îles du dépôt (c) de la Fig. 6.8.

La valeur du rapport λ/ξ0 s’accorde avec celle obtenue pour l’étude de la sta-bilité d’un cylindre soumis à des instasta-bilités capillaires [Mullins65]. Cette valeur est également proche de celle prédite par Rayleigh pour la fragmentation d’un jet de fluide [Rayleigh79]. Ces analogies indiquent à nouveau que la relaxation chimique des nanofractales d’argent est pilotée par l’auto-diffusion de surface. Le rapport de forme pour les fragments finals λ/R est sensiblement inférieur à celui prédit dans ces travaux, mais nous verrons que cette différence s’explique en tenant compte des interactions avec le substrat.