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7.5 Interactions nanochaînes-fractales

7.5.1 Dépôt séquentiel à pollution décroissante

Protocole expérimental

L’expérience suivante consiste à effectuer deux dépôts successifs sur le même échantillon, en diminuant la pollution d’un dépôt à l’autre. En utilisant à nouveau les caches amovibles des porte-échantillons pour déposer sur chaque moitié du substrat, nous obtenons trois zones distinctes sur la surface de graphite : les deux premières présentent les caractéristiques associées à chaque dépôt ; la troisième (zone centrale) est la combinaison des deux dépôts. Ce protocole permet de garder comme témoin les morphologies associées à chaque stœchiométrie.

Ainsi dans un premier temps, nous nous plaçons dans des conditions de fonc-tionnement de source assurant un spectre de masse à fort flux laser en régime saturé (PO2 = 2%), ce qui doit engendrer une croissance en forme de nano-chaînes. La distribution d’agrégats d’argent fortement hétérogènes est déposée sur une moitié de l’échantillon (2, 8M C, F = 1, 8 M C/min). L’injection d’air dans la source est ensuite stoppée. La moitié de la surface encore vierge reçoit alors un dépôt d’agrégats d’argent faiblement hétérogènes2 (3, 9 M C, F = 0, 3 M C/min). Le temps séparant les deux dépôts est de 10 min, durée nécessaire à la régénération de la source après fermeture de la vanne d’air, contrôlée par spectrométrie de masse. Si la morphologie finale est la superposition des deux dépôts, alors nous devons observer des nanochaînes en périphérie desquelles sont greffés des bras fractals légèrement fragmentés.

2La nucléation des agrégats se fait alors en présence de vapeur d’argent et d’oxyde de mo-lybdène.

Résultats

Les images de microscopie de l’expérience décrite ci-dessus sont données à la figure 7.23. Les morphologies associées à chaque dépôt (a) et (b) sont bien conformes à celles données par le morphodrome. En revanche, la somme des dépôts (c) n’est pas la simple addition des morphologies. Une restructuration des nanochaînes est observable même si par endroits on peut reconnaitre les objets d’une zone à l’autre (îles encadrées de la Fig. 7.23). Cette restructuration profonde est provoquée par le changement de stœchiométrie au sein des îles, induit par le second dépôt.

Les nanochaînes formées par le premier dépôt ont une densité élevée (135 ± 33 μm−2) et constituent des centres de nucléation pour les agrégats faiblement hétérogènes du second dépôt. Dès lors, le libre parcours moyen de diffusion est faible. Les agrégats sont rapidement piégés sur les nanochaînes. Les défauts étant nombreux, l’intervalle de temps ∆t séparant l’arrivée de deux agrégats en un même lieu d’une île est relativement long : la coalescence complète est favorisée et on assiste à une croissance de formes compactes plutôt que ramifiées. Il y a un net accroissement d’objets à particule unique comme le montre la figure 7.23.(zone (c)), corrélé à un accroissement de la densité d’objets d’un facteur deux (270 ±55 μm−2). Ces caractéristiques ne peuvent découler que de deux processus : la création de nouveaux centres de nucléation au cours du second dépôt ou la fragmentation des nanochaînes initiales. Dans le premier cas, la zone (c) doit présenter deux populations, l’une composée des îles de la zone (a) modifiées par le dépôt supplémentaire et l’autre, composée d’îles uniquement formées par les agrégats faiblement hétérogènes. On peut alors déduire la taille moyenne de cette seconde population. En supposant un dépôt homogène sur le substrat, le volume V de matière issu du dépôt (b) par îles de la zone (c) est :

V = θ(b)e N(c)

où θ(b) est le taux de couverture (en MC) du dépôt (b), e, l’épaisseur équiva-lente d’une monocouche et N(c), la densité d’îles en zone (c). Soit :

V = 3670± 750 nm3

Si on suppose les îles hémisphériques, leur surface projetée S est alors telle que : V = 2 3π  S π 3 2 soit : S = 457± 32 nm2

10 0 n m 10 0 n m 10 0 n m 300 nm t 2 : Zo n e ( b ) D ép ôt 1 p u is 2: Zo ne ( c) t 1 : Zo n e ( a)

(b

)

(a

)

(c

)

Flj. 7.23 — Restructuration des nanochaînes par dépôt séquentiel à pollution décroissante. (a) Dépôt d’agrégats fortement hétérogènes : formation de nano-chaînes. (b) Dépôt d’agrégats faiblement hétérogènes : formation de fractales frag-mentées. La zone (c) est la combinaison des dépôts (a) et (b) : la morphologie associée n’est pas la somme des formes précédentes. Les histogrammes de la sur-face projetée des nanostructures des zones (a) et (c) sont donnés.

Cette valeur entre dans la classe de tailles la plus représentée pour les îles de la zone (c) (histogrammes de la Fig. 7.23). S’il existe bien deux populations sur le substrat, la question se pose alors sur l’origine de ces nouveaux centres de nucléation. Il est peu probable que ce soit des défauts du graphite non décorés par le premier dépôt : en zone (b), la nucléation s’effectue sur les défauts et la densité de fractales y est de 3.μm−2. La nucléation sur défauts en zone (c) ne peut expliquer un tel accroisement du nombre d’îles. La nucléation homogène ne peut pas plus être une explication, les zones de Voronoï associées à la seconde population étant trop petits. Une possibilité, quoique peu envisageable, serait la présence d’agrégats fortement hétérogènes du premier dépôt qui n’auraient pas encore nucléé au moment du second.

L’autre hypothèse pour expliquer l’augmentation de densité est la fragmenta-tion des nanochaînes. Un tel processus est suggéré par l’évolufragmenta-tion du profil des histogrammes dans lesquels les valeurs élevées de S diminuent au profit des pe-tites valeurs (Fig. 7.23). S’il y a bien un phénomène de fragmentation, toutes les nanochaînes ne l’encourent à la vue du phénomène de refonte observable. Cette fragmentation est assez surprenante si on a en mémoire la stabilité particulière de ces édifices lors des expériences de recuit thermique. La diminution du degré de pollution des nanochaînes, par dépôt séquentiel, et la refonte qui s’en suit pour ségréger à nouveau l’île et accommoder les caractéristiques de la perlite doivent nécessairement affaiblir la liaison inter-particules pour permettre leur division.