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6.4 Discussion

6.4.2 Correction du rapport de forme pour l’état final : interac-

Les modèles présentés précédemment considèrent des objets à symétrie de révolution (cylindre) qui relaxent complètement (sphères). Ce n’est pas le cas des îles réellement formées par dépôt sur surface en raison de l’interaction avec le support, ni de leur fragments.

Dans un souci de réalisme, considérons non plus les bras fractals comme semi-cylindriques mais comme des cylindres tronqués de largeur apparente ξ0 et de hauteur H. De la même façon, au lieu de décrire les fragments finals par des hémisphères, utilisons des calottes sphériques de rayon apparent R et de hauteur h. Ecrivons la conservation de la quantité de matière lors de la fragmentation. La coupe transverse de la fractale d’argent initiale sur la surface de graphite est schématisée à la figure 6.12. Le schéma de coupe d’un fragment est identique à celui-ci en remplaçant H par h, ξ0 par 2R, β par β , etc.

α β A B C H R0 Graphite Vide Ag ξ 0

Flj. 6.12 — Schéma de coupe transverse d’un bras fractal supporté par le graphite. Le bras possède une largeur ξ0 et une hauteur H.

Déduisant par trigonométrie que :

β = α

2 (6.2)

tan β = 2H ξ0

l’aire S de la section transverse du bras fractal s’écrit :

S = ξ 2 0 8 tan β  β tan β(1 + tan 2β)2+ tan2β− 1  (6.3) Soit λ la longueur d’une portion du bras satisfaisant le critère d’instabilité :

λ = 4, 5.ξ0 (6.4)

Cette portion va donc chercher à minimiser son énergie de surface, ce qui l’amène à adopter une morphologie en calotte sphérique de rayon apparent R. La matière étant conservée après fragmentation, nous pouvons écrire :

Sλ = πh 2  R2+h 2 3  (6.5) En remplaçant S par son expression (6.3) et en utilisant (6.2) et (6.4) dans (6.5), on obtient alors le second rapport de forme :

 λ R

3

= β 27π tan β

tan β(1 + tan2β)2+ tan2β− 1

h R % 3 +  h R 2&

0.2 0.4 0.6 0.2 0.4 0.6 0 5 10 0.2 0.4 0.6 β’ β λ/R

Flj. 6.13 — Evolution du rapport de forme λ/R en fonction des demi-angles de mouillage du bras initial ( β) et du fragment final ( β ).

En définissant β de façon analogue à β, c’est-à-dire : tan β = h

R

le rapport de forme peut s’écrire en fonction des interactions nanostructures-surface (Fig. 6.13) :

λ

R

3

= β 27π tan β

tan β(1+tan2β)2+tan2β−1tan β (3 + tan2β )

(6.6) Ainsi λ/R s’exprime directement en fonction de l’angle de mouillage des îles avant et après fragmentation (θ, l’angle de mouillage conventionnellement défini au chapitre 2 (Fig. 2.12), vaut ici 2β). Dans le cas où la fractale est à section semi-cylindrique et les fragments hémisphériques, soit β = β = π/4 :

λ R = 3.2

2

3 ∼ 4, 76

On retrouve bien le critère prédit par Rayleigh pour l’état final, valeur maxi-mum atteinte lors du mouillage minimaxi-mum des structures sur la surface.

Testons maintenant cette description avec l’expérience du dépôt séquentiel. D’une part, connaissant le taux de couverture du dépôt, la surface occupée par les fragments relaxés5, nous pouvons calculer la quantité de matière moyenne par fragment6. En supposant la calotte sphérique comme forme tridimensionnelle et

5via le dépouillement des images de microscopie présenté au chapitre 2.

6Par exemple, pour une terrasse de 5, 37.106nm2, le dépôt (54 ±6 fragments.μm−2) couvre 264600 nm2. 1MC correspond à 1, 37.106nm3 d’argent déposé sur cette terrasse.

en ayant déduit leur rayon apparent, R = 19 ± 2 nm, par l’analyse microscopique, nous pouvons ainsi estimer la hauteur moyenne des calottes sphériques, soit h 8, 4 nm et :

tan β = h

R 0, 44

β 0, 42

D’autre part, nous avons accès à la surface projetée et à la largeur des ramifi-cations des fractales d’argent avant fragmentation. De même, la conservation de la matière déposée permet d’estimer la hauteur du «cylindre tronqué» que sont les bras fractal. En procédant par dichotomie, on obtient «grossièrement» :

β 0, 68 ξ0 2R λ = 4, 5 ξ 0 β’ β

Flj. 6.14 — Schéma des modifications morphologiques, engendrées par les insta-bilités capillaires. La portion de bras fractal se stabilise en une calotte sphérique (en haut : projection ; en bas : coupe transverse). La présence d’oxygène diminue la tension superficielle, le fragment mouille plus le substrat que le bras fractal ( β < β).

La diminution de l’angle de mouillage des fragments comparé à la fractale initiale illustre la diminution de la tension superficielle entre le substrat et l’île,

causé par l’oxygène. En calculant λ/R pour ces valeurs de β et β via l’équation 6.6, on obtient alors une valeur en accord avec l’expérience :

λ

R = 3, 7

Ainsi, si on tient compte de l’interaction entre les îles et le substrat via les tensions superficielles, le rapport de forme final doit être inférieur au rapport théo-rique. Dans notre cas, λ/R est d’autant plus petit que les propriétés de mouillage des îles ont été altérées par la présence de l’oxygène qui abaisse la tension de sur-face de l’argent (Fig. 6.14). Sans perturbation chimique de la fractale d’argent, la mouillabilité des fragments serait identique à celle de la fractale (β = β ) et le rapport de forme final escompté aurait pour valeur (d’après (6.6)) :

λ

R = 4, 698

Cette valeur est sensiblement la même que pour la fragmentation du cylindre parfait. Néanmoins la perte de la symétrie de révolution pour la structure initiale ne semble pas stabiliser l’objet vis à vis des forces de capillarité puisque le rapport λ/ξ0 expérimental n’est pas sensiblement supérieur aux prédictions.

Il est donc maintenant bien établi que les rapports de forme de nos expériences sont les mêmes que ceux prédits par les théories d’instabilités capillaires. Mais obtenir les mêmes rapports signifie-t-il que nous sommes en présence du même phénomène ? En effet, interpréter nos observations par les processus développés par Rayleigh et Mullins implique deux hypothèses fortes pour notre système. La première est que les fractales d’argent sont liquides en présence d’impure-tés. La seconde est que la perturbation chimique de ces nanostructures permet l’installation d’instabilités capillaires telles que décrites dans les modèles. Ces conditions sont-elles réalisables dans notre cas ? Autrement fit, existe-il une rela-tion biunivoque entre valeur numérique et mécanisme physique ? Dans les secrela-tions suivantes, nous discutons ces trois questions de façon critique.

6.4.3 Viscosité de surface des fractales d’argent en