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1.2 Les outils d’imagerie des dépôts

2.1.1 La diffusion des agrégats bidimensionnels

L’étude des propriétés de diffusion des agrégats bidimensionnels est celle qui a le plus bénéficié des efforts théoriques et expérimentaux de part son rôle dans l’élaboration des couches minces. De plus, son approche est plus ancienne que pour le cas des agrégats 3D puisqu’elle a débutée avec les expériences de dépôt d’atomes. Leur migration s’effectue soit par mouvement individuel des atomes les constituant, en ce sens que le déplacement global de l’île peut être décomposé en une succession de mouvements d’atomes individuels, soit par mouvement collectif, c’est-à-dire corrélé, d’une partie de ses atomes.

Le mouvement individuel

La diffusion de l’agrégat par mouvement individuel de ses atomes intervient principalement pour les agrégats de petites tailles et/ou en relation d’épitaxie avec le substrat (les systèmes homogènes par exemple tel que : Agn/Ag(100) [Wen94]). Dans ce cas, un atome au sein de l’agrégat bidimensionnel est lié avec une énergie comparable aux atomes de l’agrégat et à ceux du substrat.

Un mécanisme généralement accepté [Voter86] [Hamilton95] pour la diffusion des petits agrégats est la diffusion de bord : un atome situé sur la périphérie de l’édifice brise les liaisons qu’il partage avec ses voisins et en reforme sur un site adjacent. Le coefficient de diffusion suit alors théoriquement une loi d’échelle en n−3/2 [Khare95].

En effet, si on considère un agrégat plat de n atomes et que l’on étudie l’ordre de grandeur de dépendance des différents paramètres, le diamètre d de l’agrégat varie comme n1/2(conservation de la masse). Dénombrons maintenant la quantité

d

δx

PD

EC

Flj. 2.1 — Déplacement de δx d’une lacune de diamètre d. Deux catégories de mouvement atomique peuvent causer le déplacement macroscopique de la lacune : la diffusion périphérique (PD) et l’évaporation condensation (EC).

d’atomes impliqués lorsque l’agrégat se meut de δx en un temps t, elle s’écrit : δx.d.ns

où ns est la densité atomique de l’agrégat.

Soit N (t), le nombre d’atomes en mouvement pendant un temps t, on a [Morgenstern95] :

δx.d.ns =s

N (t) (2.2)

Soit N0, le nombre d’atomes en mouvement à un instant donné et τ , le temps de voyage moyen d’une particule. N (t) s’écrit N (t) = N0t/τ. L’agrégat diffuse par déplacement des atomes périphériques. Le nombre de particules en mouvement est alors relié à la densité à l’équilibre d’atomes de bord ρ et au périmètre de l’agrégat, soit N0 ∝ ρd. Ces atomes évoluant avec un coefficient de diffusion DP D, τ ∝ d2/DP D. Ainsi :

N (t)∝ ρDP Dt

d (2.3)

En utilisant cette expression dans (2.2), on obtient : δx2 = Dt∝ ρDP Dt

d3 (2.4)

D’où la variation de D en n−3/2 pour la diffusion de bord.

L’étude de la diffusion d’agrégats 2D de Rh (1 < n < 12) sur Rh(100) illustre bien la dépendance en fonction de la taille du coefficient de diffusion, et plus spé-cifiquement en fonction de la structure compacte ou non des agrégats [Kellogg94]. Elle montre que l’ajout d’un atome à la périphérie d’un agrégat à structure com-pacte augmente la mobilité. Ces résultats rejoignent les simulations effectuées par A. F. Voter qui prédisent pour les agrégats de rhodium de plus de 10 atomes, une

évolution de D en n−1,76±0,06[Voter86]. En simulant par la méthode Monte-Carlo la diffusion d’agrégats d’atomes et de lacunes de Xe sur Pt(111), D. S. Scholl ob-tient α = 1, 75 ± 0, 07 pour la diffusion périphérique (pour ce système, il montre que le mécanisme dominant n’est pas celui-ci mais l’évaporation-condensation que nous décrivons dans la suite) [Scholl95]. Leurs résultats s’écartent de α = 1, 5, car le modèle simple présenté ci-dessus ne rend pas compte de la nature chimique des deux partenaires agrégat-surface, c’est-à-dire des barrières énergétiques précises à surmonter pour la diffusion des atomes de bord, ni de l’importance des atomes de bord à deux plus proches voisins. Or les résultats précédents montrent que ce sont eux qui pilotent la diffusion périphérique (mécanisme limitant). En effet, l’énergie d’activation pour déplacer un atome lié dans une structure compacte est plus importante, puisqu’il possède plus de voisins, que celle nécessaire à déplacer un atome situé sur la périphérie de l’agrégat et donc moins lié. Cette considé-ration est d’autant plus importante que l’agrégat est «rugueux», c’est-à-dire n petit.

Néanmoins cette description d’une diffusion périphérique ne permet pas d’ex-pliquer certaines expériences pour lesquelles une faible dépendance de D en fonc-tion de la taille est observée. En étudiant à l’aide d’un STM, le déplacement du centre de masse d’agrégats d’argent 2D (n variant de 100 à 720 atomes) sur Ag(100) à température ambiante, J.-M. Wen et co. ont évalué le coefficient de diffusion à quelques 10−17cm2.s−1 et montré qu’il ne varie que peu avec n. Ils ont conclu de leurs résultats que la diffusion dans ce cas s’effectue par évaporation-condensation corrélée des atomes d’argent [Wen94] [Soler96].

Dans le mécanisme d’évaporation-condensation corrélée (ou mûrissement d’Ost-wald), un atome s’évapore de la périphérie, diffuse par une marche au hasard sur le substrat pour venir se condenser en un autre site de l’agrégat, ce qui conduit à des fluctuations de la position du centre de masse de l’agrégat. Si ρ dénote mainte-nant la densité à l’équilibre d’atomes de surface, on peut écrire que N0 ∝ ρd2. De la même façon que précédemment, τ ∝ d2/DEC, où DEC représente le coefficient de diffusion des atomes en évaporation-condensation. Ainsi N (t) est indépendant de la taille de l’agrégat et :

δx2μDECt

d2 (2.5)

Le processus d’évaporation-condensation corrélée doit donc mener à une va-riation de D en n−1 [Khare95].

En utilisant la même méthode que Wen et co., K. Morgenstern et co. ont mis en évidence la diffusion de lacunes de profondeur monoatomique sur Ag(111) par évaporation des atomes périphériques, diffusion sur la surface délimitée par la lacune puis condensation sur un autre site de la marche (α = 0, 99 ± 0, 20) ; les lacunes de 25 atomes se déplaçant à 10−15 cm2.s−1 [Morgenstern95]. Cette dépendance du coefficient de diffusion est confirmée par les calculs de J. M. Soler. En tenant compte des corrélations spatiales et temporelles entre l’évaporation et

la condensation, l’auteur démontre la dépendance de D en n−1 pour les temps longs (ce qui correspond aux situations expérimentales). En revanche aux temps très courts, c’est-à-dire inférieurs à l’intervalle entre deux sauts de l’adatome, les deux processus peuvent être considérés comme décorrélés, les atomes étant alors en équilibre dynamique avec le gaz bidimensionnel des atomes de surface (il n’y a plus de diffusion entre l’évaporation et la condensation), D varie comme n−1/2 [Soler96] [Khare95]. Pour les agrégats d’atomes, D. S. Scholl calcule α = 0, 989± 0, 056 pour le système Xe sur Pt(111) et illustre la corrélation spatiale en montrant que l’évaporation d’un atome à deux plus proches voisins laisse le nouvel agrégat avec une probabilité négligeable de présenter un autre atome pareillement lié dans le voisinage proche de la précédente évaporation [Scholl95]. Le mouvement collectif

La migration des agrégats par diffusion périphérique ou par évaporation-condensation conduit à une diffusion relativement lente, de l’ordre de 10−17

cm2.s−1 à température ambiante. Pour rendre compte de la rapidité de dépla-cement de certains petits agrégats bidimensionnels, il est nécessaire d’envisager d’autres processus faisant intervenir le déplacement corrélé de plusieurs atomes de l’édifice.

La création de dislocations se propageant par déplacement collectif d’une par-tie des atomes de l’agrégat est suggérée pour les systèmes présentant un désac-cord de maille entre le substrat et l’agrégat adsorbé [Hamilton95]. Par exemple, dans le cas d’une surface de N i(100), l’existence de mécanismes collectifs plus favorables énergétiquement que la diffusion périphérique permet d’interpréter la diffusion d’îles bidimensionnelles de nickel : les agrégats N in de taille moyenne (20 < n < 100) migrent préférentiellement par propagation de dislocations alors que pour les petits (n < 20), le glissement, c’est-à-dire le déplacement simultané de tous les atomes de l’île est favorisé. L’énergie d’activation pour la formation de dislocations et le glissement étant fonction de n, contrairement à la diffusion pé-riphérique, l’auteur envisage donc ici une évolution dans le mécanisme dominant pour la diffusion en fonction de la taille de l’agrégat.