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2.3 La croissance

2.3.1 Le modèle de croissance limitée par la diffusion

Au sein de ces modèles (fondés sur les bases du dépôt d’atomes), les îles croissent après la phase de nucléation, par la juxtaposition des particules in-cidentes. Leur morphologie, si elle n’est pas considérée comme sphérique, est souvent laissée de côté. En ce qui nous concerne, elle est le point de départ des observations et des analyses.

2.3 La croissance

2.3.1 Le modèle de croissance limitée par la diffusion

Lors des expériences de dépôts d’agrégats, nous observons par microscopie la morphologie finale des îles sans avoir accès aux étapes intermédiaires, même si

dans certaines situations nous pouvons « geler » le dépôt avant que les processus de relaxation n’aient joué tout leur rôle. Dans la mesure où des calculs au niveau atomique ne sont guère possibles, compte tenu de la taille des systèmes, de la complexité et de la diversité des processus en jeu, la simulation est à peu près la seule voie pour comprendre le scénario qui s’est déroulé. Une voie élégante bien qu’imparfaite et qui apporte des informations intéressantes est le modèle de l’agrégation limitée par la diffusion (DLA).

Ce modèle est purement diffusionnel et ne tient pas compte des éventuelles restructurations au sein de l’île. Il a été initié par les travaux de Witten et Sander. Leur algorithme est le suivant [Witten81] :

— à l’origine, une particule immobile est placée au centre d’un réseau carré représentant une zone de capture de la surface

— une seconde particule est déposée sur un site choisi aléatoirement

— la particule diffuse par une marche au hasard sur le réseau : si elle passe à côté d’un site occupé, elle s’arrête et fait partie de l’île. Si elle atteint les bords du réseau, elle disparaît

— les deux dernières étapes sont réitérées jusqu’à ce que l’intégralité des par-ticules soit déposée.

L’objet ainsi créé présente une distribution de masse isotrope et de faible densité (structure dendritique et non compacte) et son étendue Rg (rayon de giration) varie en fonction du nombre de particules N qui la compose selon une loi de puissance avec un exposant fractionnel, appelé dimension fractale Df :

N ∝ RDf. g

La largeur des ramifications de l’objet correspond à la taille du pas du réseau c’est-à-dire la taille de la particule diffusante.

Les auteurs obtiennent par la méthode Monte-Carlo, Df = 1, 657± 0, 004. Bien entendu contrairement au cas purement mathématique, l’objet est de nature fractale que sur un certain intervalle [ξ; Rg], où ξ représente le rayon de coupure, c’est-à-dire que pour tout rayon inférieur à ξ, l’objet est compact (Df = 2). Il est raisonnable d’assimiler ξ à la largeur des ramifications.

La dimension fractale est une mesure de la répartition de matière au sein de l’objet et représente également le degré de ramification de l’île fractale. Si on dépose l’ensemble des particules en même temps et que les îles sont autorisées à diffuser selon la loi d’échelle, Df décroît pour atteindre une valeur limite de 1, 37± 0, 07. Il est intéressant de noter dans ce cas la morphologie en forme de chaînes des fractales aux premiers stades de la nucléation-croissance [Kolb83] (Fig. 2.5). En utilisant le même algorithme, P. Meakin s’est intéressé à l’influence du coefficient de diffusion. Qu’il introduise un coefficient de diffusion des agrégats

temps 128 pixels

Flj. 2.5 — Croissance DLA où la totalité des agrégats ( N = 1024) est déposée au début de la simulation et les îles sont autorisées à migrer. La densité d’îles décroît au cours du temps pour former une unique fractale avec Df = 1, 37±0, 07. Source [Kolb83].

dépendant ou non de leur taille, les fractales formées à la fin des simulations sont similaires avec Df ∼ 1, 4 − 1, 5 [Meakin83].

Il est également possible de simuler une anisotropie de croissance comme l’illustre la figure 2.6 : l’anisotropie est créée en définissant une bande de capture sur le réseau, encadrée par deux murs réflecteurs. L’évolution qualitative de la croissance est la suivante : plus la bande est large, plus la fractale occupe une région étendue, perpendiculairement à la source d’anisotropie ; et plus le flux du dépôt est élevé, plus la bande d’occupation de l’île est étroite. La dimension frac-tale évolue alors de 5/3 pour le cas isotrope à une valeur asymptotique de 3/2 pour la croissance anisotrope [Arneodo91].

Flj. 2.6 — Simulation d’une croissance DLA anisotrope. La bande de capture est ici la paroi gauche. La zone ombrée représente l’extension de la fractale perpen-diculairement à la bande de capture. Source [Arneodo91].

La mesure de la dimension fractale permet ainsi non seulement de caractériser la morphologie mais également de déduire le mécanisme de diffusion. Bien que l’objet formé soit tridimensionel, il est de nature fractale à deux dimensions (Df < 2) dans le cas du dépôt d’agrégats, car le mécanisme de diffusion sur la surface est

lui-même à deux dimensions et non trois, et l’île possède une hauteur constante, comme nous le montrons ultérieurement.

Si l’agrégation limitée par la diffusion est le seul processus intervenant lors de la formation des îles, alors les ramifications doivent être de la taille des agrégats incidents. Considérons la fractale expérimentale de la figure 2.7 : elle ne présente pas de structure perlitique (chapelet) et la largeur de ses ramifications est net-tement plus grande que le diamètre des agrégats déposés (1, 6 nm) : l’identité de chaque brique élémentaire n’est pas préservée dans la morphologie finale de cette île. Il est donc erroné de supposer que les îles croissent systématiquement par pure juxtaposition des particules comme dans le cas du dépôt de très gros agrégats tels que Sb2300 par exemple [Bardotti95] : il faut également tenir compte de phénomènes de restructuration dans lequel l’agrégat va perdre son identité.

100 nm 100 nm Ag120 1 2 3 4 5 6 2 4 6 8 10 12 log ( s( nm 2 )) log( a(nm)) ξ Rg Df= 1,7

Flj. 2.7 — En haut : à gauche, fractale obtenue par le dépôt de 10 M C en 40 min d’ Ag120 ( d 1, 6 nm) ; à droite : les bras sont plus larges que l’agrégat déposé. En bas : mesure de la dimension fractale par la méthode des carrés concentriques. Nous remarquons ici que la largeur des bras fractals apparaît pour la seconde fois comme un paramètre singulier de nos systèmes : tout d’abord, elle est la taille critique à partir de laquelle nous pouvons définir la fractale expérimentale

et également la preuve de l’existence de phénomènes de restructuration de l’île. Sa signification prendra encore de l’importance dans le chapitre suivant : nous verrons alors qu’elle résulte de la compétition cinétique entre les processus de croissance et de restructuration qui déterminent la morphologie finale des îles. La largeur des ramifications est donc un paramètre essentiel de caractérisation morphologique des dépôts. Sa détermination doit être effectuée sur un grand nombre d’objets afin d’être une mesure représentative de l’ensemble statistique constitué par les fractales crûes sur la surface. A cette fin, nous procédons à un dépouillement systématique des images de microscopie dont nous allons main-tenant expliciter le protocole avant de décrire plus précisément les processus de restructuration au sein des îles.

2.3.2 La détermination des paramètres fractals à partir