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Les effets d’un environnement en oxygène sur les nanostructures . 137

6.2.1 Systèmes homogènes par dépôt d’atomes

Les expériences de P.A. Thiel sur le système homogène Ag/Ag(100) en pré-sence d’oxygène moléculaire permettent d’appréhender le rôle de l’impureté à l’échelle nanométrique pour l’élément qui nous intéresse. Dans cette étude, les îles bidimensionnelles sont formées sous ultra-vide par dépôt atomique d’argent sur un monocristal d’Ag(100) maintenu à une température de 220 ou 250 K. L’échan-tillon est exposé à de l’oxygène moléculaire gazeux avant, pendant ou après le dépôt, en remplissant la chambre de dépôt jusqu’à une pression de l’ordre de 10−8

mbar avec un flux constant. L’échantillon est observé principalement à l’aide d’un STM.

En considérant la distance moyenne Lsentre les îles formées, cette étude menée sous ultra-vide montre qu’un environnement d’oxygène pendant ou après le dépôt atomique d’argent ne modifie pas ou peu les processus de diffusion et nucléation des atomes d’argent sur la surface, ni la croissance des îles, Lsétant semblable à la distance inter-îles en l’absence d’oxygène. En revanche la relaxation des îles après dépôt est fortement modifiée : l’empâtement (ou coarsening en anglais, c’est-à-dire la perte de finesse de l’objet) des nanostructures d’argent est accéléré par la présence d’oxygène, Ls augmentant linéairement avec le temps et d’autant plus rapidement que la quantité d’oxygène est importante [Layson01]. La relaxation est également plus rapide lorsque l’oxygène est présent pendant le dépôt plutôt qu’après. Les îles évoluent d’une morphologie en carré à bord (110) à une forme d’équilibre type diamant avec des orientations (100) préférentielles [Layson02].

Les auteurs attribuent le rôle de « catalyseur» de la relaxation à l’oxygène atomique et non à l’oxygène moléculaire via une dissociation préalable sur les sites du type (110) crées par les marches ou les îles en croissance sur la surface (100). Le mécanisme précis du coarsening n’est pas ici explicité. Les auteurs proposent la formation éventuelle de molécules AgnO (n = 1 ou 2), plus diffusantes que les atomes d’argent et qui permettrait le transport de matière des petites îles vers les plus grosses via le mûrissement d’Ostwald. Cette hypothèse est d’une part appuyée par la forte énergie de liaison entre l’argent et l’oxygène2 et d’autre part par les expériences de reconstruction de surfaces métalliques M(110) induite par l’oxygène qui mettent en évidence la restructuration via des entités M-O-M-O-2L’énergie de liaison entre l’argent et l’oxygène, 2, 27 eV , est plus forte que pour le dimère d’argent, 1, 68 eV [CRC74].

(chaînes atomiques plus ou moins longues) [Besenbacher93].

Exposer la surface d’argent à une atmosphère d’oxygène avant le dépôt modi-fie également les caractéristiques de l’échantillon par rapport au cas pur [Layson03]. Les îles sur le substrat sont moins nombreuses et donc plus grosses et ce quels que soient le flux atomique du dépôt et la température du substrat (Fig. 6.1). Cette modification des propriétés de nucléation en fonction des conditions de dépôt signifie que l’énergie d’activation pour la diffusion de la masse sur les ter-rases via les complexes AgnO est abaissée d’un facteur 4 par rapport à celle des atomes d’argent sur Ag(100) : une borne supérieure de la barrière de potentiel pour la diffusion de AgnO est estimée à 0, 11 eV , alors que l’énergie d’activation pour la diffusion de l’argent en tant qu’adatome est de l’ordre de 0, 40 ± 0, 04 eV [Bardotti98].

Flj. 6.1 — Images STM ( 125 × 125 nm2) d’îles 2D de Ag/Ag(100). La surface est exposée à l’oxygène avant le dépôt atomique de 0 , 2 MC à 250 K . (a) sans oxygène, (b) 5 L, (c) 15 L, (d) 30 L. L’unité d’exposition L est le langmuir. Les îles sont moins d’autant moins nombreuses que l’exposition à l’oxygène avant dépôt est importante. Source [Layson03].

6.2.2 Systèmes hétérogènes par dépôt d’agrégats

En observant directement par microcopie électronique sous ultra-vide, le dépôt à température ambiante d’agrégats de cuivre sur du carbone amorphe, Olynick et co. mettent en évidence une transition morphologique des nanoparticules formées lorsqu’une fuite3 est provoquée dans l’enceinte où s’effectue le dépôt [Olynick96]. Lors du dépôt sans oxygène, un col se forme entre les particules en contact qui coalescent alors plus ou moins complètement en fonction de leur taille. Lorsque

de l’oxygène est présent dans l’enceinte du microscope (où s’effectue le dépôt), les particules s’agglomèrent moins aisément et adoptent une structure en chaînes avec un col peu marqué, voire absent, entre elles ce qui montre un ralentissement de la cinétique de coalescence. La densité d’îles augmente et la taille moyenne des particules diminue. L’augmentation de la quantité d’oxygène injectée altère à la fois la morphologie des particules et empêche la coalescence : la surface présente une variété de particules uniques dont la taille est supérieure au cas pas ou peu pollué (Fig. 6.2).

Flj. 6.2 — Dépôt de nanoparticules de cuivre exposées à l’oxygène pendant la croissance. Le taux de fuite en oxygène augmente de 0 à 0, 1 P a.L.s−1 de (a) à (d). La présence d’oxygène ralentit la coalescence et induit une transition morpho-logique, les particules passant d’une structure icosahédrale à octahédrale. Source [Olynick96].

L’évolution morphologique s’explique de même que pour la croissance frac-tale, par la compétition cinétique entre le temps nécessaire à la coalescence τ et celui séparant deux collisions successives sur une même île (∆t) mais en tenant compte ici de la quantité d’oxygène accumulée par l’île durant ce dernier inter-valle de temps. Si ∆t est très court devant le temps de collage de l’oxygène sur le cuivre, l’île n’accumule pas d’oxygène avant l’arrivée de l’agrégat suivant et la coalescence s’effectue selon la compétition entre ∆t et τ . Au fur et à mesure du dépôt, la taille des particules continue d’augmenter et une faible quantité d’oxy-gène s’adsorbe à leur surface. L’oxyd’oxy-gène en surface des particules de cuivre a pour conséquence de diminuer la tension de surface [Kingery78] et ainsi d’accroître le

temps de coalescence4. La coalescence de deux particules pour n’en former qu’une est donc stoppée pour une taille d’île inférieure au cas non pollué. Pour des taux de pollution plus importants, l’oxygène modifie le mode de croissance des par-ticules favorisant les structures octahédrales au dépend de celles icosahédrales : c’est le facettage des particules.

Ainsi la présence d’une impureté entraîne une augmentation du coefficient d’auto-diffusion des atomes de la structure considérée, que ce soit un cristal massif ou une île de dimension nanométrique. A l’échelle des nanostructures, l’impureté (en particulier l’oxygène), en augmentant la mobilité au sein des édifices, accélère leur relaxation et est également susceptible d’induire une transition morpholo-gique. Cependant ces expériences sont réalisées souvent dans le cadre du dépôt atomique. Les dépôts se déroulent toujours sous atmosphère d’oxygène, même dans le cas du dépôt d’agrégats. Aucune étude ne porte sur le rôle de l’oxygène lorsque celui-ci est directement apporté par les unités de construction, c’est-à-dire les agrégats déposés. C’est la problématique qui concerne nos expériences et que nous nous proposons d’aborder maintenant.