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Les définitions générales de l’illettrisme et de l’analphabétisme

Chapitre 2 : Une étude linguistique en contexte insulaire créole et créolophone

2.4. Les définitions générales de l’illettrisme et de l’analphabétisme

Nous présentons ici les définitions générales de l’illettrisme et de l’analphabétisme. Au commencement de notre recherche, nous avons principalement questionné la notion d’illettrisme. En effet, les premières enquêtes de terrain menées dans la ville de Cilaos en 2010 et dans la ville de Saint-Denis en 2013 ciblaient des locuteurs créolophones en situation d’illettrisme en français. Ces enquêtes ont révélé deux informateurs illustrant un degré d’illettrisme et deux informateurs analphabètes dont la présence rappelle les quelques 7000 locuteurs analphabètes identifiés pour La Réunion. C’est ainsi que nous nous intéressons aussi à l’analphabétisme.

154 Gillette, Staudacher-Valliamée, Comment écrire une grammaire du créole réunionnais en milieu créolophone, in : Actes du XXIIe Congrès International de Linguistique et de Philologie Romanes, Bruxelles, 23-29 juillet 1998, Tome 9, Contacts interlinguistiques, Tübingen, Niemeyer, p. 347-360, 2000 b, p. 347.

155 Id, p. 356.

77 L’illettrisme, qui concerne des personnes de tout âge, est une problématique étudiée et prise en compte depuis de nombreuses années. Notre étude apportant une contribution à la question de l’illettrisme, nous retenons les définitions proposées par Girod (1997) et Rivière (2001). Nous prenons en compte les différents degrés d’illettrisme ainsi que les notions de semi-illettré et de quasi-analphabète établies par Girod, pour définir les situations d’illettrisme parmi nos informateurs. Nous adaptons ces définitions au milieu créolophone réunionnais où cohabitent deux langues. Nous appréhendons l’illettrisme dans le champ de la prévention pour les plus jeunes et dans le champ de la lutte pour les adultes et jeunes adultes. L’illettrisme et l’analphabétisme ont été discutés et définis de nombreuses fois. Par exemple, Roger Girod (1997) apporte un point de vue sociologique de l’illettrisme appliqué aux « pays développés ».156 Il explique déjà, en introduction, que « les branches de base »157 sont « la lecture, l’écriture et le calcul ».158 L’auteur distingue entre analphabétisme et illettrisme quand il présente ses définitions. Il souligne que « l’analphabétisme est le fait de ne pas connaître le sens des lettres de l’alphabet, ni celui des signes représentant les nombres ».159

« L’illettrisme […] est le fait d’adultes et de jeunes proches de l’âge adulte sachant très mal, voire presque pas lire, écrire ou calculer, d’être ainsi à cet égard au-dessous d’un minimum jugé indispensable par les auteurs d’une évaluation. Ce manque de capacité peut affecter surtout l’une des trois branches considérées (lecture, écriture, calcul), deux d’entre elles ou les trois ».160 (Girod, R., 1997)

Il explique que « dans les pays anglo-saxons illiteracy désigne de façon élastique les divers degrés de l’insuffisance des connaissances de base, analphabétisme compris ».161 L’auteur rappelle que « par instruction de base ou connaissances de base, il conviendra toujours d’entendre capacité de lecture, d’écriture et de calcul ».162 Il précise que :

156 Roger, Girod, L’illettrisme, Que sais-je ?, Paris, Presses Universitaires de France, 1997, p. 3.

157 Id.

158 Id.

159 Id, p. 4.

160 Id.

161 Id, p. 5.

162 Id, p. 7.

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« les individus affectés par l’illettrisme seront dit semi-illettrés. Parmi eux, certains se situent à des degrés particulièrement bas, proches de l’analphabétisme complet. Ils seront appelés quasi-analphabètes quand il sera utile de les distinguer des autres semi-illettrés ».163 (Girod, R., 1997)

Girod souligne aussi que :

« un très bon degré d’instruction de base correspondra simplement à la capacité de lire avec facilité les pages du journal destinées au grand public (éditorial, nouvelles du jour, etc.), d’écrire des lettres de type courant sur des sujets pouvant être traités sans compétences spéciales, d’ordre scientifique ou autre, d’effectuer les quatre opérations élémentaires de l’arithmétique et d’autres calculs banals. Les individus ayant un très bon niveau ainsi conçu possèdent tout à fait les capacités de lecture, d’écriture ou de calcul que les degrés obligatoires de la scolarité, voire simplement les classes primaires, ont pour objectif de faire assimiler ».164 (Girod, R., 1997)

Il explique les causes de l’illettrisme en présentant différents cas. Une seule nous intéresse c’est la catégorie :

« B/ Cas ordinaires. Tous les autres jeunes et adultes analphabètes (rarissimes dans les pays très développés) ou semi-illettrés. Leur bas niveau d’instruction de base est à expliquer par référence aux valeurs, au mode de vie, aux structures sociales, à l’économie, à l’enseignement du pays où ils ont grandi et où ils vivent. Il s’agit du même pays le plus souvent. […]

Les jeunes et les adultes de la catégorie des “cas ordinaires” d’illettrisme ont fréquenté une dizaine d’années ou plus les écoles d’un système d’enseignement de bonne qualité, en principe, rôdé depuis très longtemps. C’est là l’un des aspects les plus déconcertants des problèmes de l’illettrisme ».165 (Girod, R., 1997)

Girod confirme qu’il existe différents niveaux de compétences dans les situations d’illettrisme, comme l’atteste aussi Vogler (2000). Sa vision de l’illettrisme et de l’analphabétisme est cohérente et concorde avec celle des autres travaux. Jean Vogler (2000) explique que la notion d’analphabétisme est apparue avant celle de l’illettrisme. Ces problématiques relèvent de difficultés sociales, économiques et professionnelles. Les personnes confrontées à des difficultés en lecture, en écriture et en calcul ont du mal à vivre en société par honte ou par peur. Certaines d’entre elles masquent leur manque en développant des stratégies qui leur permettent d’affronter l’extérieur. Ces raisons démontrent la nécessité d’œuvrer en ce sens pour aider ces personnes afin qu’elles se sentent moins exclues de la société et qu’elles entrent dans une démarche d’insertion.

163 Roger, Girod, 1997, op. cit. L’illettrisme, p. 7.

164 Id, p. 8-9.

165 Id, p.10.

79 Dans un ouvrage consacré à l’illettrisme, Jean-Philippe Rivière (2001) nous apprend qu’à partir des années 1980 :

« la lecture et l’écriture font partie d’une nouvelle exigence sociale, ne pas les maîtriser semble exposer aux risques d’exclusion. Le fait de savoir un peu lire et écrire ne suffit plus, il faut désormais être performant pour répondre aux impératifs des sociétés post-industrielles ».166

« Le mot “illettré”, hérité du latin illiteratus, est attesté en 1560, son emploi sera rare jusqu’au XVIIIe siècle. Ce mot désigne non seulement celui qui est dans l’incapacité de lire et écrire, mais aussi celui dont l’oral est frustre, l’ignorant ou encore celui qui n’a pas eu d’éducation correcte et qui s’en trouve “mal élevé”, c’est-à-dire impoli ».167 (Rivière, J-P., 2001)

L’auteur fait part des définitions suivantes dans son ouvrage :

« Illettrisme : situation des personnes qui ont été scolarisées, mais qui ne maîtrisent pas suffisamment l’écrit pour faire face aux exigences minimales requises dans la vie professionnelle, sociale, culturelle et personnelle. Ces personnes, qui ont été alphabétisées dans le cadre de l’école, sont sorties du système scolaire en ayant peu ou mal acquis les savoirs premiers pour des raisons sociales, familiales et fonctionnelles, et n’ont pu user de ces savoirs et/ou n’ont jamais acquis le goût de cet usage. Il s’agit d’hommes et de femmes pour lesquels le recours à l’écrit n’est ni immédiat, ni spontané, ni facile, et qui évitent et/ou appréhendent ce moyen d’expression et de communication ». 168

« Analphabétisme : situation des personnes qui n’ont jamais eu l’occasion d’apprendre un code écrit dans aucune langue que ce soit ».169 (Rivière, J-P., 2001)