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Les contenus

Dans le document 064 (Page 150-153)

Le choix de la catégorie des contenus d’enseignement-apprentissage détermine l’orientation et l’organisation du curriculum et donc de l’APC188. Roegiers (2008a, p. 4)

distingue « trois grandes catégories » largement répandues dans la conception des curriculums.

B.1. Les savoirs et les savoir-faire

La centration du curriculum sur les savoirs et les savoir-faire appelle une organisation de type disciplinaire (Roegiers, 2008a, p. 4) : « […] les contenus seront plutôt organisés en disciplines si on privilégie les savoirs et les savoir-faire ». C’est l’une des organisations les plus répandues en raison notamment des contraintes que nous avons évoqués lorsque nous avons abordé l’organisation en profil du curriculum suivant des situations complexes. Nombreux sont les systèmes éducatifs, dans les pays issus de l’hémisphère sud de la planète ceux en voie de développement, qui ne sont pas encore prêt à opérer une réorientation vers un apprentissage de type inter et transdisciplinaire. Ils continuent par conséquent à privilégier une organisation de type disciplinaire.

187 (Crahay, 2006, p. 103) : C’est aussi au nom de la lutte contre l’échec scolaire qu’il convient de rompre

une lance contre la norme de la complexité inédite. Adopter pour critère de compétence la résolution de problèmes à la fois complexes et inédits, c’est confronter les élèves à un niveau d’exigences extrêmement élevé, niveau que la grande majorité n’atteindra probablement pas du simple fait de la haute probabilité des erreurs de mesure. Par erreur de mesure, nous signifions ici le fait de déclarer incompétents des élèves qui ne le sont pas moins que leurs condisciples qui réussissent l’épreuve.

188 (Roegiers, 2008a, p. 4) : « Selon que l’accent est mis sur l’une ou l’autre de ces catégories de contenus,

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B.2. Les savoir-être, les « life skills»

Mettre l’accent189 sur cette catégorie de savoir, c’est accorder une place de premier

plan au développement d’un certain nombre de valeurs (Roegiers, 2008a, p. 4) : « […] tout ce qui contribue au « savoir-vivre ensemble en société » (éducation à la citoyenneté, à la paix, à la tolérance…) ». Se pose, cependant, la question de la détermination de ces savoir- être : de quelles valeurs parle-t-on ? Par qui seront-elles déterminées et au service de qui ? La prolifération d’un certain nombre d’« approches “Nations-Unies” » (Roegiers, 2008a, p. 6), conçues et diffusées par les organisations internationales : l’Unesco, l’OCDE, OIF, etc., dont la coloration idéologique est de type néolibéral, suscite de nombreuses appréhensions, d’autant plus que la complexité axiologique n’a pas besoin d’être démontrée. Cette déferlante de la globalisation marchande remet par voie de conséquence à l’ordre du jour un certain nombre de conflits liés à la sphère culturelle et identitaire face à la tentation hégémonique du modèle consumériste.

B.3. Les compétences transversales

Choisir une entrée par les compétences transversales190dans un curriculum implique la réorientation et la réorganisation des disciplines scolaires en champ disciplinaire191ainsi que la mise en place d’une organisation en cycle d’apprentissage. Ceci n’est pas sans risques pour la réussite de la réforme, compte-tenu de l’imbrication d’un certain nombre d’aspects socioéconomiques sources d’enjeux et de tensions entre les différentes corporations intervenant dans le système (Rey, 2008, p. 7) :

La sociologie du curriculum insiste sur le fait que les matières d'enseignement sont des systèmes sociaux soutenus par des réseaux d'influence, avec tout une série de négociations et de régulations, qui sont reliées en même temps à des enjeux sociétaux globaux et à des rapports de force entre différents groupes professionnels concernés par le curriculum (dont les spécialistes disciplinaires). Il faut aussi non seulement s'interroger sur la part du curriculum officiel (recommandé ou prescrit) qui est effectivement enseignée et assimilée, mais aussi sur la part du curriculum qui est directement produite par les pratiques des enseignants et par les élèves dans les relations maître-élèves.

La réunion d’un certain nombre de préalables quant à l’environnement d’implantation de ces compétences transversales est primordiale (Rey, 2008). L’exigence

189 (Roegiers, 2008a, p. 4) : « […] un accent mis sur les life skills a tendance à induire la création de

nouvelles disciplines, souvent appelées “domaines de formation générale”, voire même “domaines disciplinaires” ».

190 (Roegiers, 2008a, p. 4) : « des capacités mobilisées dans toutes les disciplines, souvent appelées

“compétences transversales190 ” : chercher de l’information, traiter l’information, communiquer de manière

efficace, etc. »

191 (Roegiers, 2008a, p. 4-5) : « un accent mis sur les compétences transversales va favoriser le regroupement

151 non seulement d’une excellente formation des enseignants, des formateurs de formateurs mais également d’une véritable prise de conscience des enjeux et défis auxquels fait face l’école ainsi qu’une véritable implication par la négociation et la concertation, des intéressés sont fondamentaux pour tout système éducatif visant une implantation efficace et efficiente de l’APC (Rey, 2008, p. 7) :

[…] au sein d'un des groupes de travail de l'Union européenne sur les compétences-clés, cette approche large des compétences est soulignée. Il est notamment affirmé que l'environnement idéal pour l'apprentissage des compétences-clés requiert les éléments suivants :

- une approche plus individualisée de l'apprentissage ;

- des enseignants mieux coordonnés pour les compétences transversales et qui collaborent de façon effective sur ces questions ;

- une vision partagée de l'école qui encourage les enseignants à travailler en équipe.

Bon nombre de systèmes éducatifs qui se sont lancés dans les réformes curriculaires ne sont pas à même de réunir de tels préalables. Les récentes implantations de l’approche par compétences en Afrique relèvent les pesanteurs contextuelles, véritables obstacles à la réussite d’une telle approche (Bernard, Nkengue Nkengue, Robert, 2007, paragr.résumé) (nous mettons en italique) :

Dans de nombreux pays, l'APC est la méthode choisie pour l’élaboration de nouveaux programmes scolaires et elle est présentée comme un facteur déterminant de l’amélioration de la qualité de l’éducation. […]. Nous pointons ainsi les insuffisances de cette approche quant à sa capacité à prendre en compte les réalités et les besoins des systèmes éducatifs africains. Par ailleurs, nous analysons la mise en œuvre de nouveaux programmes selon l’APC à l’école fondamentale en Mauritanie. Les résultats montrent que les principaux problèmes en matière d’acquisitions se situent d’abord dans l’application effective des programmes dans les salles de classe plutôt que dans leur contenu. Des analyses complémentaires tendent à montrer que ce constat peut s’étendre à d’autres pays africains. Ces différents éléments nous amènent à conclure que si la réforme des programmes scolaires dans les pays africains est souvent nécessaire, elle ne constitue assurément pas un remède pour les problèmes de qualité de l’éducation.

De plus, la tendance actuelle à privilégier ces compétences transversales n’est pas sans conséquences sur l’apprentissage des apprenants, car elle se fait au détriment de l’acquisition des savoirs, et donc aux dépens des élèves les plus démunis. À cela s’ajoute le scepticisme et la remise en cause des fondements scientifiques de ces compétences transversales, à tel point que certains spécialistes en sciences de l’éducation, à l’instar de Crahay, s’interroge sur la consistance même de cette paradoxale association entre les termes « compétences » et « transversales » (2006, p. 104) (nous mettons en italique) :

Mais, en définitive, de quelle réalité mentale parle-t-on lorsqu’on agglomère ces deux mots ? Rey (1996) est le premier à avoir pris une position critique à cet égard. Dans son ouvrage sobrement intitulé Les compétences transversales en question, il montre que le concept ne résiste pas à une analyse scientifique sérieuse. Depuis lors, d’autres lui ont emboîté le pas : Perrenoud (1997), Joshua (2002), notamment. Car, mis à part l’écoute, la parole, la lecture et peut-être l’écriture, existe-t-il des capacités dont l’adéquation traverse la quasi-totalité des situations ? Par ailleurs, avec Joshua (2002), il faut remarquer le paradoxe auquel nous confronte ce pseudo-

152 concept : « Comment des compétences, uniquement repérables en situation, peuvent-elles être transversales ?»

Nous reviendrons dans les pages qui suivent avec Bernard Rey (1996 ; 2008) sur le statut de ces compétences transversales et les soubassements de leur imposition dans le cadre des récentes réformes curriculaires.

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