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La compétence linguistique

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En ouvrant le dictionnaire Le Nouveau Petit Robert (1993), on tombe sur la définition suivante de la compétence en linguistique : « système formé par les règles (grammaire) et les éléments auxquels ces règles s’appliquent (lexique), intégré par l’usager d’une langue naturelle et qui lui permet de former un nombre indéfini de phrases « grammaticales » dans cette langue et de comprendre des phrases jamais entendues ». Toujours dans le domaine de la linguistique, Le dictionnaire actuel de l’éducation présente la compétence linguistique comme (2005) : « ling. système intériorisé de la grammaire d’une langue qui facilite la compréhension et la production d’un nombre fini d’énoncés, conférant une dimension créatrice à la langue. »

Galisson et Coste proposent la définition suivante de la compétence linguistique (1976, p. 105) :

[…] connaissance implicite qu’à de sa langue tout locuteur-auditeur. Plus techniquement, système intériorisé de règles qui permet à un organisme fini (le cerveau) de produire et de comprendre un nombre infini d’énoncé (créativité). Le propre d’une langue étant d’associer son et sens d’une façon particulière, on peut dire de toute personne possédant cette langue qu’elle a intériorisé le mécanisme (système de règles) capable de les associer correctement.

Les définitions de la compétence linguistique, présentées ci-dessus, nous renvoient à la conception chomskyenne de la compétence. La parenté de l’expression, compétence

linguistique, étant indiscutablement attribuée à Noam Chomsky, celle-ci constitue une

véritable révolution en son temps car elle vient rompre avec l’hégémonie du béhaviorisme en linguistique mais également en sciences humaines (Bronckart & Dolz, 2002, p. 31) :

L’expression de compétence linguistique a été introduite par Chomsky (1955) dans le cadre d’un article qui constitue l’un des textes fondateurs de la « révolution cognitive » en sciences

63 humaines. L’objectif de cet auteur était alors de combattre le béhaviorisme linguistique, et plus spécifiquement la thèse selon laquelle le langage s’apprend par essais/erreurs, conditionnement, renforcements, etc.

Aussi, il faut préciser alors que le large débat portant sur cette notion, sa définition et modélisation notamment intervient sur fonds de conception opposées de la langue et de son acquisition (Pekarek Doehler, 2005, p. 41) :

Depuis les années soixante-dix, les discussions sur la notion de compétence abondent en linguistique. Celles-ci font apparaître des conceptions opposées de la langue et de son acquisition (conception abstraite et systémique d’une part ; contextuelle et communicative d’autre part) qui restent l’une et l’autre globalement muette sur la nature actionnelle du langage.

Ainsi, pour Chomsky, fondateur du générativisme en linguistique, la compétence linguistique83 est « l’ensemble des règles qui sous-tendent la fabrication des énoncés, conçu en termes d’aptitudes du sujet parlant à produire et interpréter ces énoncés » (Kerbrat- Orecchioni, 1990, p. 29). Plusieurs postulats sous-tendent la conception et la définition de la compétence linguistique telle que proposée par Chomsky (1971) :

- Le couple compétence/performance vs le couple saussurien langue/parole84 ;

- La conception mentaliste85vs béhavioriste ;

- Le locuteur natif idéal86.

La compétence, ce système sous-jacent de règles, est abstraite et pour l’étudier, Chomsky propose de la distinguer de la performance qui, elle, représente son actualisation, son emploi dans des situations concrètes (1971, p. 12-13) :

83 (Cuq, 2003, p. 48) : Chomsky a introduit la notion de compétence linguistique pour référer aux

connaissances intuitives des règles grammaticales sous – jacentes à la parole qu’un locuteur natif idéal a de sa langue et qui le rendent capable de produire et de reconnaître les phrases correctes. Ces connaissances concernent les unités, les structures et le fonctionnement du code interne de la langue – phonologie, morphologie et syntaxe – dont l’étude sera décontextualisée, dissociée des conditions sociales de production de a parole (ou « performance » en terme chomskyens ; voir aussi l’opposition saussurienne entre « langue » et « parole »).

84 (Galisson, Coste, 1976, p. 105) : La distinction de Chomsky entre « compétence » et « performance »,

recouvre en grande partie celle de Saussure entre « langue » et « parole », puisqu’elles opposent toutes les deux le système à son actualisation, mais il faut toutefois noter que Saussure, surtout sensible au caractère social de la « langue », envisage celle – ci comme un dépôt chez chaque locuteur (conception essentiellement taxinomique), alors que pour Chomsky la « compétence » est une notion à la fois plus abstraite et plus dynamique puisqu’elle inclut la créativité.

85 (Chomsky, 1965, trd.fr. 1971, p. 13) : Le problème, pour le linguiste aussi bien que pour l’enfant qui

apprend la langue, consiste en ceci : déterminer à partir des données de la performance, le système sous – jacent de règles qui a été maîtrisé par le locuteur – auditeur et qu’il met en usage dans sa performance effective. De ce fait, la théorie linguistique est mentaliste, au sens technique de ce mot, puisqu’elle s’attache à découvrir une réalité mentale sous-jacente au comportement effectif. ) : […].

86 (Chomsky, 1971, p. 14-15) : La grammaire d’une langue se propose d’être une description de la

compétence intrinsèque du locuteur-auditeur idéal. Si la grammaire est, de plus, parfaitement explicite – en d’autres termes, si elle ne fait pas simplement confiance à la compréhension du lecteur intelligent, mais fournit une analyse explicite de l’activité qu’il déploie – nous pouvons sans redondance, l’appeler grammaire générative.

64 Pour étudier la performance linguistique effective, nous devons considérer l’interaction de facteurs variés, dont la compétence sous – jacente du locuteur – auditeur ne constitue qu’un élément parmi d’autres. […] Nous établissons donc une distinction fondamentale entre la compétence (la connaissance que le locuteur – auditeur a de sa langue) et la performance (l’emploi effectif de la langue dans des situations concrètes).

Il faut dire et remarquer que le statut incertain de cette notion n’a par ailleurs pas empêché le succès certain qu’elle a connu depuis (Bronckart & Dolz, 2002, p. 31) :

Quand bien même l’existence des propriétés de cet organe innée n’ont, à ce jour fait l’objet d’aucune validation scientifique, le terme de compétence a d’emblée connu un vif succès dans le champ de la psychologie expérimentale. Porteur de connotations positives et marquant le « retour du sujet » après un demi-siècle de béhaviorisme, il est devenu l’un des termes de combat du rationalisme extrémiste, et en particulier du cognitivisme modulariste. Selon ce courant […], toutes les fonctions psychologiques supérieures (attention, perception, mémoires, etc.) sont sous- tendues par un dispositif biologique inné (ou « module ») et chaque sujet dispose dès lors, en ces domaines, d’une compétence idéale […] .

Dans le domaine de l’enseignement-apprentissage des langues, cette conception de la compétence donne lieu à des approches didactiques qui focalisent sur les formes linguistiques et leurs maitrises par l’apprenant (Cuq, 2003, p. 48) : « si l’objectif principal de l’apprentis- sage d’une langue est formulé en terme de compétence linguistique, on donnera priorité à des approches didactiques qui visent la maîtrise des formes linguistiques : grammaire-traduction, exercices structuraux, etc. »

B. De la compétence linguistique à la compétence de

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