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Curriculum et/ou programme ?

Dans le document 064 (Page 162-166)

Suivant la culture pédagogique des uns ou des autres, ces deux termes sont soit pris l’un pour l’autre, soit mis en opposition car renvoyant à des visions et conceptions différentes de l’éducation. Ils sont dans bien des cas confondus, ce qui est préjudiciable aux réformes des systèmes éducatifs.

A.1. Qu’est-ce qu’un programme ?

Le programme présente un caractère assez restreint car il renvoie à une logique de contenus, de cycles, d’unités d’enseignement et surtout de cloisonnement disciplinaire. Le curriculum renvoie à l’idée de parcours longitudinal qui porte sur l’ensemble de la scolarité que doit effectuer l’élève (Luginbühl, 1996).

162 Raynal et Rieunier soulignent cette opposition entre les deux termes, programme et curriculum, qui découle des conceptions auxquelles ils font référence à savoir la pédagogie traditionnelle pour le premier et l’Éducation nouvelle pour le second (2009, p. 132) : « ce terme, emprunté aux pionniers de l’Education nouvelle (Dewey), s’oppose à la notion de programme (description d’une liste de contenus) utilisée généralement en pédagogie traditionnelle ».

Néanmoins, avec les récents développements intervenus dans le domaine de l’ingénierie de la formation, en sciences de l’éducation et en didactique, la définition du programme a connu une certaine extension. Il peut désormais être pris au sens large et englober d’autres dimensions telle la politique éducative et de formation, les moyens, etc. Il tend ainsi à se rapprocher de la définition du curriculum, d’où l’origine de cette confusion à notre avis ; pour De Ketele, Chastrette, Cros, Mettelin et Thomas, un programme est un ensemble structuré, qui contient (1989, p. 175) :

- d’une part, la politique éducative à suivre, ce qui se traduit essentiellement par l’énoncé des finalités, des objectifs institutionnels et des bénéficiaires de l’éducation ;

- d’autre part, la liste des objectifs, des contenus des méthodes, des moyens d’évaluation et des ressources (techniques, matériels, gestion du temps et de l’espace…).

A.2. Qu’est-ce qu’un curriculum ?

Le curriculum peut désigner un « énoncé d’intentions de formation comprenant : le public visé, les finalités, les objectifs, les contenus, la description du système d’évaluation,

la planification des activités, les effets attendus quant à la modification d’attitudes et des comportements des individus en formation » (Raynal, Rieunier, 2009, p. 132) ; ou un « plan d’apprentissage qui englobe les contenus, les méthodes, les moyens

d’enseignement-apprentissage et les moyens d’évaluation » (Taba, 1962 cité dans Depover

et Noël, 2005, p. 11) (nous mettons en italique) ; mais encore un « plan éducatif », qui pour

Legendre (cité dans Depover et Noël, 2005, p. 12) : « peut être global (le curriculum de l’enseignement secondaire) ou spécifique (un plan de remise à niveau pour les ouvriers d’une entreprise) qui reflète les valeurs d’un milieu de référence qui devrait permettre d’atteindre des buts déterminés ». Mais aussi à la suite de Tyler, un curriculum est défini comme (1950, Cité dans Depover et Noël, 2005, p. 12) (nous mettons en italique) :

L’ensemble structuré des expériences d’apprentissage planifiées et proposées par une institution scolaire en vue d’atteindre des buts éducatifs déterminés. Cette référence à la notion d’expérience témoigne d’une centration sur l’élève qui apprend plutôt que sur les contenus à enseigner qui préfigure les conceptions modernes du curriculum […].

163 Une autre vision du curriculum est celle proposée par Blenkin & Kelly, qui considère celui-ci comme un modèle (1966, cité dans Depover et Noël, 2005, p. 12) (nous mettons en italique) : « centré sur le développement de l’individu, il s’agit d’identifier un certain nombre de processus de développement chez l’apprenant que le curriculum aura pour fonction de promouvoir ». Ce petit détours de la littérature du domaine permet de constater que la notion de curriculum une notion « difficilement saisissable est loin aussi de faire le

consensus autour de sa définition » (Beacco et al., 2010, p. 13). C’est ce que précise bien

Forquin, qui a consacré un ouvrage à la sociologie du curriculum (2008, p. 53) :

Que faut-il entendre tout d’abord par « curriculum » et « sociologie du curriculum » ? On sait qu’au sein des organisations internationales (UNESCO par exemple) on traduit généralement le mot anglais « curriculum » par « programme d’études » ou « plan d’études ». Il nous semble cependant que cette traduction ne reflète qu’imparfaitement la richesse sémantique et la multiplicité des usages du mot « curriculum » dans la littérature anglo-saxonne.

Selon Raynal et Rieunier (2009) à propos des tendances actuelles en termes de rédaction de curriculum, quatre orientations peuvent être possibles en fonction de la priorité et des finalités prédéfinies par les systèmes éducatifs. On peut ainsi distinguer : une

orientation humaniste : « priorités aux disciplines, aux savoirs (enseignement, humanisme) » ; une orientation active : « priorité à l’élève, à ses intérêts, à son

développement complet (pédagogie active, inquiry teaching theory, Taba) » ; une

orientation institutionnelle : « priorité à la société, à son amélioration, aux méthodes

basées sur les pédagogies coopératives et aux pédagogies dans lesquelles la loi est faite par le groupe et constitue un moyen de formation (pédagogie institutionnelle) » ; et une

orientation de maîtrise : « priorité de l’efficience de la formation (c’est l’orientation

technologique : on définit des objectifs comportementaux, on les divise en objectifs intermédiaires et spécifiques ; on les évalue systématiquement et on programme des remédiations pour améliorer l’efficacité de l’enseignement (pédagogie de la maîtrise) » (Raynal, Rieunier, 2009, p. 132).

De la mise en œuvre des réformes curriculaires en Amérique du nord, en Europe mais également en Afrique francophone et anglophone, il ressort la domination de deux visions curriculaires opposées selon Jonnaert (2011a). La première est représentée le

courant curriculaire anglo–saxon et nord-américain, la seconde par le courant curriculaire franco-européen (Jonnaert, 2011a, paragr. 6) :

Ces deux approches ne traitent pas du tout de la notion de curriculum dans une même logique. Le courant anglo-saxon et nord-américain place le curriculum en amont des programmes d’études qu’il oriente. Le courant franco-européen superpose les deux notions, utilisant souvent l’une pour l’autre.

164 Le courant curriculaire franco-européen s’inscrit dans cette tradition pédagogique de planification des contenus d’apprentissage de savoirs et disciplines scolaires202 (Jonnaert,

2011a, paragr. 5) :

La logique franco-européenne qui considère, aujourd’hui encore, un curriculum comme un ensemble de programmes d’études construits sur des bases disciplinaires. Le curriculum désigne alors « des contenus d’enseignement finalisés, subordonnés à des objectifs transmis méthodique- ment » Danvers (1992).

[…] curriculum et programmes d’études se superposent et traitent prioritairement de savoirs, de matières et de disciplines scolaires, de contenus d'apprentissage, de leur program- mation, de leur structuration et de leur organisation.

Dans cette conception traditionnelle de l’éducation qui privilégie une centration sur les contenus, le curriculum est une notion de plus dans le sens de programme d’études, que l’entrée préconisée soit une entrée par les compétences ou non, car l’objectif est en définitive la transmission de contenus (Jonnaert, 2011a, paragr. 5) (nous mettons en italique) :

Dans cette perspective franco-européenne, le concept même de curriculum est pratiquement superposé à celui de programme d'études. Il propose une organisation et une programmation des contenus d'apprentissage. Ce type de curriculum est centré sur la transmission de contenus, qu'ils soient définis en termes de savoirs, de compétences ou d'objectifs dans les programmes d'études. Le courant curriculaire anglo-saxon et nord-américain à l’origine du développement de la notion de curriculum considère la notion dans un sens générique qui dépasse et englobe même le programme d’études. Il présente les caractéristiques suivantes (Jonnaert, 2011a, paragr. 3) :

[…] un curriculum y est considéré comme un plan d’action pédagogique, plus large qu’un programme d’études, se situant en amont de ces programmes, en précisant les finalités, mais sans s’y limiter, spécifiant les orientations à donner aux activités d’enseignement et d’apprentissage, fournissant des indications relatives à l’évaluation, au matériel didactique, aux manuels scolaires, régissant le régime pédagogique et le régime linguistique, organisant la formation des ensei- gnants, etc. Dans une telle vision, le curriculum dépasse largement les questions technicistes de codification de savoirs, d’écriture d’objectifs ou de formalisation de compétences dans des programmes d’études.

Plutôt qu’une centration sur les contenus, c’est une centration sur l’apprenant et une prise en compte du contexte de l’apprentissage, de son évolution et de ses influences qui sont mis en avant (Jonnaert, 2011a, paragr. 4) (nous mettons en italique) :

Ce courant […] a le souci de la fonctionnalité des apprentissages et place les élèves au centre de ses préoccupations. Le rapport aux expériences de vie des apprenants y est très présent, l’influence du pragmatisme de Dewey y est toujours perceptible. Inscrit dans une société à un moment donné de son histoire, le curriculum, tel que perçu dans cette perspective, est imprégné de dimensions culturelles, sociales et historiques. Produit local, le curriculum est peu exportable. Il reste cependant ouvert au monde à travers les standards internationaux auxquels il conforme

202(Reuter, Cohen-Azria, Daunay, Delcambre, Lahanier-Reuter, 2007, cités dans Jonnaert, 2011a, paragr. 5) :

165 ses programmes d’études. Dans cette perspective le curriculum devient un des moyens essentiels pour permettre à un système éducatif de s'adapter aux besoins en matière d'éducation et de formation d’une société à un moment donné de son histoire. Plutôt que de parler de réformes, les spécialistes des questions curriculaires, dans cette perspective, traitent plutôt d’un curriculum en développement.

Dans le document 064 (Page 162-166)