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Les approches exclusives : L’approche socioconstructiviste

Dans le document 064 (Page 159-162)

C. Les processus d’enseignement-apprentissage

C.2. Les approches exclusives : L’approche socioconstructiviste

Selon cette approche des choix épistémologiques doivent être faits clairement si l’on veut parler d’approche par compétences (Roegiers, 2008a, p. 9) :

- […] se situer dans l’approche par compétences nécessite un changement radical de manière d’envisager les apprentissages ;

- toute connaissance doit être construite par l’élève.

Les tenants de ce courant prônent que l’on ne pourrait même pas recourir à l’utilisation de l’expression « approche par compétences » si l’on n’exclut pas certaines pratiques d’enseignement-apprentissage actuelles comme, à titre d’exemple, celles qui s’inspirent du modèle transmissif ou de la PPO. On peut citer, pour illustrer nos propos l’approche située développée par la CUDC, qui fera l’objet d’une présentation dans les pages qui suivent, précisément au sous-chapitre 1.2.1.1.

Nous allons à présent consacrer les pages qui suivent à la présentation de quelques- unes des approches par compétences qui ont réussi à s’imposer dans le paysage didactique. Nous n’avons pas l’intention de procéder à un inventaire exhaustif de ces approches, mais de nous centrer sur la pédagogie de l’intégration qui a conquis la quasi-totalité des systèmes éducatifs des pays d’Afrique francophone. Notre objectif est de questionner les fondements de ces approches, mais surtout leurs apports aux différentes problématiques de la DLE (Springer, 2012, p. 1) et les limites de ces apports :

L’APC est devenue une des préoccupations majeures des sciences de l’éducation – voir par exemple Roegiers (2001), Jonnaert (2002), Scallon (2004) – et des ministères de l’éducation dans beaucoup de pays. Elle a été introduite dès 1996 au Québec et en 1997 en Belgique. Très logiquement, les chercheurs en éducation québécois et belges sont en pointe sur cette réforme éducative : le Bief (créé par De Ketele et Roegiers en 1989) propose de très nombreuses actions de par le monde pour accompagner ces réformes dans divers pays. Ainsi, l’Afrique et le Maghreb n’ont pas été en reste, des réformes profondes ont été mises en place dès la fin des années 90. Au début des années 2000, l’Europe s’est lancée, d’une autre manière, dans la mise en place d’une politique éducative autour d’un « socle de compétences » minimale.

C’est pourquoi, nous allons aborder, outre la pédagogie de l’intégration, deux approches se réclamant de paradigmes épistémologiques et démarches méthodologiques différentes : 1) l’approche par compétences proposée par Philippe Jonnaert et ses collaborateurs au sein de la Chaire de l’Unesco pour le Développement Curriculaire

159 (CUDC), une approche qui se réfère au courant socioconstructiviste et qui pose la situation comme principal cadre de tout apprentissage ; 2) la perspective actionnelle (?) que développe (rait) (?) le Cadre Européen Commun de référence pour les langues, sous l’égide du Conseil de l’Europe.

1.2.2. L’approche par compétences et les réformes

curriculaires, trois approches à l’épreuve du terrain :

l’approche et/ou la perspective actionnelle (CECR),

l’approche située (CUDC) et la pédagogie de

l’intégration (BIEF)

1.2.2.1. L’approche par compétences vers une approche située (CUDC) ?

Jonnaert postule, avec son équipe de la Chaire de l’Unesco pour le développement Curriculaire, une orientation curriculaire qui se réfère au paradigme socioconstructiviste et adopte le concept de situation200. Le professeur Jonnaert et son équipe préfèrent par

conséquent parler d’approche située plutôt que d’approche par compétences. Pour mieux situer son approche dans les orientations actuelles, il procède par une synthèse de celles-ci et il y distingue deux grands courants curriculaires : le courant anglo-saxon et nord- américain et le courant franco-européen.

Avant de présenter cette version de la CUDC de l’approche par compétences, il est très utile à nos yeux de revenir, ne serait-ce que schématiquement, sur la notion de curriculum et cette démarche curriculaire.

À l’instar des approches pédagogiques précédentes, l’approche par compétences s’est inscrite et s’est imposée dans un vaste mouvement de réformes curriculaires visant l’amélioration du rendement de l’ensemble du système éducatif. Une entreprise périlleuse, dans le cas d’un certain nombre de pays africains, au vu de la rapidité de sa mise en oeuvre, de sa technicité et de ses exigences, de la complexité d’une intervention concomitante sur les différentes composantes du curriculum, mais aussi de ses ancrages politiques et idéologiques et les valeurs qu’elle tente d’imposer. Ceci a été à l’origine d’un

200(Masciotra, Medzo, Jonnaert (dir.) 2010, résumé du livre) : L'approche située ou approche par situations

(APS), s'introduit progressivement dans les réformes en éducation en tant que prolongement ou alternative à l'approche par compétences (APC). En effet, des réformes récentes ont organisé les contenus des programmes d'études autour de classes de situations. Alors que dans certaines perspectives de l'APC, la compétence est comprise en termes de maîtrise de savoirs décontextualisés, les tenants de l'APS la définissent plutôt en termes de maîtrise des situations. Du point de vue l'APS, le développement de compétences et de connaissances se déploie en contexte, dans et par l'action en situation.

160 certain nombre de dysfonctionnements, distorsions que de nombreux chercheurs n’ont d’ailleurs pas manqué de dénoncer (Hirtt, 2009 ; Jonnaert, 2004 ; 2012a ; etc.).

Depover et Noël rappellent à juste titre à ce propos que ce débat sur la compétence ne peut faire l’économie d’un rappel du « cadre plus global » que constitue la politique éducative d’un pays (2005, p. 7) :

A un moment où la notion de compétence est au centre du discours pédagogique, il nous a semblé intéressant de replacer celle-ci dans un cadre plus global en montrant son articulation logique avec d’autres concepts comme ceux de référentiels, de valeurs ou de politique éducative. Ces concepts qui renvoient à la notion de curriculum, nous paraissent également constituer une base d’observation intéressante pour questionner l’ensemble du plan d’éducation qui conduit de l’analyse des valeurs jusqu’à l’implantation d’une réforme sur le terrain.

Le développement d’un curriculum devait/ (rait) en effet intervenir et engager « […] tous les niveaux du système éducatif201 » (Beacco et al. 2010, p. 27). Le débat sur l’approche par compétences ne saurait dès lors et par conséquent être réduit au strict niveau méthodologique. Car de l’opérationnalisation de l’APC dans les différents pays de son implantation se dégage un faisceau de difficultés que nous avons répertoriées et classées en trois catégories, en mettant l’accent sur les plus importantes: l’information et la formation de formateurs, de formateurs de formateurs et les différents corps intervenant dans l’acte éducatif, la gouvernance et ses problèmes corolaires en termes d’éthique et d’équité de l’éducation, la préparation et la dotation suffisantes en moyens matériels et humains adéquats afin d’assurer l’implantation réussie de l’APC dans les pays en développement notamment (Cros et al., 2010).

Il faut dire qu’un certain nombre de dérives ont jalonné la mise en place de ces réformes curriculaires. L’une d’elles résulte de la confusion de deux concepts et donc de deux conceptions et traditions de l’éducation : celles de curriculum et de programme. La plupart des pays, de l’Afrique subsaharienne mais aussi du Maghreb qui se sont inscrits dans une réforme curriculaire avec le recours à l’expertise étrangère qui a dessiné les contours de ces nouveaux curriculums, se sont retrouvés dans une opération de réécriture

201 (Beacco et al. 2010, p. 13) : Le développement et la mise en œuvre d’un curriculum comprennent un

grand nombre d’activités –pilotage politique, conception et développement, implémentation, évaluation –, activités se situant à plusieurs niveaux du système éducatif, du « supra » au « nano », pour lesquels différents instruments curriculaires interviennent : par ex. instruments internationaux de référence comme le Cadre

européen commun de référence pour les langues, évaluations internationales comme l’enquête PISA ou

l’Indicateur européen de compétences linguistiques, analyses réalisées par des experts internationaux (Profil de politique linguistique éducative), visites d’étude dans d’autres pays, …national (système éducatif), état, région (MACRO) p.ex. plan d’études, syllabus, objectifs stratégiques, tronc commun, standards de formation école, institution (MESO) par ex. adaptations du programme scolaire ou du plan d’étude au profil spécifique d’un établissement scolaire classe, groupe, séquence d’enseignement, enseignant (MICRO) par ex. cours, manuel en usage, ressources individuel (NANO) par ex. expérience individuelle d’apprentissage, dévelop- pement personnel (autonome) tout au long de la vie.

161 des programmes, en raison de cette confusion, mais également des difficultés d’une prise en charge effective des autres composantes du curriculum.

Autre problème d’autant plus important à nos yeux qu’il participe de la motivation des différents acteurs, de leur adhésion ou de leur résistance à la réforme, celui de l’information et de l’explication/explicitation du pourquoi et du comment, en d’autres termes des fondements, des finalités, buts et objectifs visés et des étapes et démarches à mettre en œuvre pour les atteindre. Nous verrons d’ailleurs dans le chapitre 2.2 les différentes dérives qu’a subi le processus curriculaire dans le système éducatif algérien, et la troisième partie de la présente thèse reviendra davantage sur l’état de confusion engendré par ces dérives. Il faut néanmoins souligner que le système éducatif algérien est loin de constituer un cas isolé, car ces dérives ont été observées dans quasiment tous les pays francophones qui ont entrepris une réforme curriculaire (Tehio, 2010 ; Cros et al, 2010).

La clarification de cette notion est d’autant plus justifiée pour Jonnaert (2011a), qui estime à ce propos que l’une des causes de ces difficultés de la mise en œuvre de l’APC dans certaines réformes éducatives est la confusion de deux notions-clés de curriculum et de programme, comme nous l’avons indiqué plus haut. Deux notions qui sous-tendent, suivant les définitions deux conceptions et traditions pédagogiques différentes de l’éducation, l’une anglo-saxonne, l’autre latine. Il s’agit dès lors de revenir dans les pages qui suivent sur une esquisse sur la notion de curriculum et de cerner les problèmes qu’elle pose. Cela est d’autant plus important à nos yeux tant l’enquête et les entretiens que nous avons menés avec les PCES de français intervenant dans l’enseignement secondaire algérien nous ont démontré une complète méconnaissance de cette notion, de ses soubassements et enjeux.

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