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Les connaissance mobilisées non enseignées

Guy Prudhomme

4. R ESULTATS SUR LE PROCESSUS DE CONCEPTION

4.2. Les connaissance mobilisées non enseignées

Les objets de connaissance repérés comme mobilisés sans avoir été enjeux d’enseignement sont de deux familles : ceux qui ont trait aux

solutions et ceux relatifs aux contraintes et critères.

4.2.1. Objets de connaissance relatifs aux solutions

Si l’on considère la figure 1, mettant en évidence les objets de connaissance mobilisés dans l’institution d’enseignement au cours de l’Analyse Fonctionnelle de début de projet, on peut voir que les étudiants mobilisent essentiellement les objets de la méthode enseignée, l’AF.

L’enseignant interpellé, dès la période 2, va faire référence aux solutions pour exprimer les fonctions. Après la visite en entreprise, en séance 2, les étudiants ayant construit des connaissances sur les produits et leur usage, vont suivre un raisonnement équivalent. Au cours de la séance 3, c’est le rôle des composants internes au produit qui va être analysé pour permettre de poser un regard externe sur ce que le produit doit permettre, ou assurer comme fonctions externes. Le poids de la connaissance des solutions semble d’ailleurs alors discréditer, pour les étudiants, la pertinence d’une telle analyse fonctionnelle.

La figure 2 nous montre que, dans l’entreprise, c’est essentiellement la considération des solutions qui permet au groupe d’exprimer les fonctions à remplir par le produit considéré. Le travail a d’ailleurs commencé par une présentation des différents composants du coffret et de leurs rôles en relation avec l’usage que peut en faire l’électricien.

1 Ext Produit de la gamme ou composants standards Contraintes Espace fonctionnel Besoin perçu Ressources mobilisées Période Acteurs a b c d e f g h temps Critères Pièces spécifiques au produit conçu Formés Prof Formé Connaissances de métier Coût 2 Tech F + P 2

Figure 2 : Objets de connaissance mobilisés au cours du projet dans la formation en entreprise

Le slogan de la norme est « Penser fonction, pas solution ». Nous pouvons dire que nous nous trouvons alors en face d’un paradoxe puisque la méthode de l’Analyse Fonctionnelle préconise l’expression des fonctions sans référence aux solutions, alors que notre observation montre que pour instrumenter l’analyse en termes de fonctions, les individus s’appuient sur les solutions techniques possibles ou existantes. Et qui plus est, lorsque les étudiants ou formés ont des connaissances technologiques, ils ne légitiment plus l’expression en termes fonctionnelle que leur préconise la démarche.

Nous montrons donc, par notre enquête, que fonctions et solutions se

construisent de manière interactive. L’analyse en termes de fonctions

permet de casser une procédure de conception d’un produit basée uniquement sur l’évolution de solutions techniques. L’expression des fonctions assurées par les solutions existantes, et la recherche de nouvelles solutions fonctionnelles en relation avec des possibles solutions technologiques, permet de monter en généricité et ainsi d’ouvrir vers de nouveaux principes de solutions. Dans un environnement industriel où les solutions font partie de la culture commune, des référents partagés, le slogan de la norme peut être entendu comme un moyen d’innovation. Mais il ne faut pas pour autant considérer que l’absence de connaissances technologiques est une condition favorisant une possible expression fonctionnelle. On peut même affirmer que la connaissance de solutions technologiques est une condition écologique à l’expression en termes de fonctions, et que la transposition didactique doit prendre en compte cet état de fait.

4.2.1. Objets de connaissance relatifs aux contraintes et critères

Si l’on se réfère de nouveau à la figure 1, on remarque que seul l’enseignant mobilise des connaissances relatives aux contraintes que le produit doit respecter. C’est même sa préoccupation dès la période 2. Et chaque analyse de solution pour en exprimer le rôle, la fonction, est complétée d’une estimation des contraintes potentielles. Aucun critère n’est mobilisé au cours du travail sur les objets de l’analyse fonctionnelle. Par contre, dès le début du travail de recherche de solutions (voir figure 3), à partir de dessins ou croquis, les critères et contraintes sont spontanément mobilisés par les étudiants pour évaluer les solutions qui émergent.

Au cours de la formation en entreprise, les contraintes et critères ne sont pas non plus mobilisés (voir figure 2). On peut cependant faire l’hypothèse qu’ils sont cachés derrière la dimension « acteurs de métier » de chacun des concepteurs, qu’ils ne fonctionnent qu’en cas de désaccord,

de conflit. Cela est peut être dû au fait que le problème support de l’exercice est simple, du domaine du familier, pour les formés. Des connaissances collectives existent sur les différents métiers représentés dans le groupe. Elles permettent un fonctionnement en veille, une validation implicite des solutions envisagées.

Principe technologique Produit de la gamme ou composants standards Contraintes Espace fonctionnel Besoin perçu Ressources mobiliséées Période Acteurs 14 15 16 17 18 19 20 Séance 5 temps Critères Pièces spécifiques au produit conçu Etudiants E + P Prof Etudiant

décision décision proposition

?

Figure 3 : Objets de connaissance mobilisés au cours de la recherche de solutions dans l’enseignement

Les contraintes et critères dont on parle, quels sont-ils ? En s’appuyant sur la norme [NFX 50- 150], nous définissons les contraintes externes comme les limitations imposées au concepteur par le client et le marché, et les contraintes internes comme celles imposées par les solutions techniques envisagées et les stratégies techniques de l’entreprise. Ces mêmes normes parlent de critères d’appréciation comme du caractère retenu pour apprécier la manière dont une fonction est remplie ou une contrainte respectée. Nous parlerons donc de critères d’appréciation

externes qui qualifient les fonctions de service, et de critères d’appréciation internes qui qualifient les fonctions techniques. La

notion de critère de conception est, elle, issue de la recherche. Un tel critère permet [Blanco 98], dans une action d’évaluation, une mise en

relation des caractéristiques du produit avec une représentation du problème portée par le concepteur.

Ce que nous montrons, à partir de l’analyse des situations de formation, c’est que fonctions, solutions techniques, besoin perçu, contraintes (externes et internes) et critères (d’appréciation et de conception) s’entre- définissent. Il existe un jeu de construction de relations entre ces éléments. Ce jeu est mené de manière collective (il n’y a pas un concepteur unique) et distribuée (notamment sur les connaissances, les acteurs et les ressources). Il est fonction des objets intermédiaires support des interactions. Ce que nous constatons est donc que le processus n’est pas séquentiel mais se présente suivant un ensemble complexe d’interactions. Le problème de l’enseignement est la mise en relation des objets enseignés dans cet ensemble complexe.