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Les aspects

3. Les compétences de l’enfant

3.2. Les compétences langagières

et fait le mouvement de se hisser)) alili ...

((avec hochement de tête)) 5), en continuant de hocher la tête. La stagiaire la regarde et lui demande : « Toi aussi ? » (ligne 6).

ANN acquiesce en répondant « oui » (ligne 7), tout en hochant la tête et en levant les bras.

Simultanément à l’acquiescement d’ANN, la référente s’adresse à la stagiaire : « T’as vu comment elle s’appelle ? » (ligne 8). Par cette intervention, la référente attire l’attention de la stagiaire sur la façon de l’enfant de se nommer et de prononcer son prénom. L’ostension des processus d’observation et de catégorisation effectués par la référente fait référence aux compétences linguistiques d’ANN. La référente s’engage ainsi dans un niveau réflexif avec la stagiaire, ce qui peut s’inscrire dans la construction d’une collaboration en équipe et, de façon simultané, ouvrir vers la dimension formative de la situation. La référente n’effectue pas l’ostension des processus d’observation et de catégorisation dans la situation, mais sur la situation en cours et ne parle pas à l’enfant directement mais parle d’« elle ».

La stagiaire ratifie l’énoncé de la référente (« Ouais », ligne 9). Elle s’adresse ensuite à ANN : « Tu t’appelles comment ? » (ligne 9). Elle enchaîne et nomme elle-même le prénom de l’enfant, en accentuant sa prononciation : « ANNELIse » (ligne 10). En même temps que la stagiaire s’aligne sur l’énoncé de la référente et aborde la question du prénom de l’enfant, elle répond de façon non verbale à ce qu’elle a interprété comme une demande de la part de l’enfant. Elle soulève ANN et la pose dans le cylindre. De cette manière, la stagiaire répond en même temps à la référente et à ANN. Elle intègre les processus d’observation et de catégorisation rendus manifestes par la référente dans la situation, en changeant l’adressage et en impliquant ANN. La stagiaire, par la prononciation accentuée du prénom d’ANN, souligne le fait que l’enfant ne parvient pas encore à prononcer son nom de façon correcte, tout en offrant un modèle. Ce qui aurait pu donner lieu à une interaction entre professionnelles sur les compétences linguistiques d’un enfant est repris dans l’interaction entre la stagiaire et l’enfant. De cette manière, la stagiaire rend ostensible pour ANN que les deux professionnelles ont observé le fait qu’elle cherche à se nommer, même si la prononciation n’est pas encore assurée. La référente ratifie cet énoncé de la stagiaire et le rend plus explicite : « C’est dur à dire ANNELIse » (ligne 11). Cette intervention de la référente n’est plus adressée à la stagiaire uniquement, mais semble plutôt s’adresser à la stagiaire et à ANN, en même temps. La référente valorise le fait qu’ANN cherche à dire son prénom même si c’est encore « dur » et catégorise la prononciation approximative de l’enfant comme étant liée au prénom et non à une difficulté de l’enfant.

Dans une situation collective, les modes de participations à l’interaction peuvent évoluer sans cesse.

Qui parle à qui se négocie par l’ajustement réciproque des différents participants. Dans cette séquence d’interaction, les différents adressages entre ANN, la stagiaire et la référente se succèdent comme suit :

R1 S1

ANN

Changements d’adressages lors du déroulement de l’interaction A travers ces changements d’adressages, l’ostension des processus d’observation et de catégorisation concernant les compétences linguistiques d’ANN, effectuée par les deux professionnelles, s’inscrit en même temps dans une interaction avec l’enfant et forme de cette façon-là une valorisation de ses conduites et de ses compétences.

3.2.2. La mise en visibilité des compétences langagières dans un contexte collectif

L’extrait suivant concerne également une interaction portant sur les compétences langagières d’un enfant.

Au début de la matinée, cinq professionnelles se trouvent dans la grande salle de jeux avec huit enfants. ELI se trouve près de la stagiaire et tient un jouet à la main. LOR et SOF se trouvent à côté d’ELI. Avec une voix forte, ELI commence à faire des bruitages, d’abord des répétitions de « mien mien mien » (ligne 1) avant de s’approcher plus distinctement d’un son correspondant à « le mien » (ligne 2). La stagiaire lève la tête, suite à ce dernier énoncé, regarde ELI et s’adresse à elle : « C’est le tien ? » (ligne 3). Son attitude et sa prosodie sont marquées par la surprise et par sa reformulation elle semble vouloir vérifier si ELI a effectivement dit ce qu’elle a compris. La stagiaire regarde la référente et lui dit : « Eh ben ! » (ligne 4). Elle rend ainsi manifeste qu’elle considère bien qu’ELI a dit

« le mien » et que c’est inattendu pour elle. La stagiaire change ici d’adressage. Elle ne parle plus avec ELI mais parle sur les conduites et les compétences d’ELI avec la référente. La stagiaire enchaîne : « Elle voulait lui prendre » (lignes 4-5). Par cet énoncé, elle montre ce qu’elle vient d’observer et qu’elle considère que le contexte justifie son interprétation de l’énoncé d’ELI. La stagiaire continue : « Mais elle commence à dire des petits mots comme ça » (lignes 5-6). Cette ostension généralise les processus d’observation et de catégorisation effectués et ne porte pas seulement sur les conduites d’ELI, mais sur ses compétences langagières plus généralement. Cette catégorisation justifie également l’interprétation de l’énoncé d’ELI. La fin de ce que la stagiaire dit n’est plus audible, étant donné qu’un des enfants à côté d’elle se met à vocaliser fortement, sans qu’il soit possible d’identifier clairement dans l’extrait audio-vidéo s’il s’agit d’ELI ou de SOF. La référente répond à la stagiaire, en élargissant la thématique. Elle ne parle pas des compétences langagières d’ELI, mais de celles de SOF : « Et aussi … SOF hier » (ligne 8). La référente annonce le changement de thématique à venir et l’introduit par l’énonciation du prénom de SOF et une référence temporelle.

La référente commence ensuite à faire le récit de ce qui se passait la veille : « Je fais , elles sont où tes pantoufles » (lignes 8-10). La référente s’adresse ensuite à SOF. Elle lève la voix et parle d’une voix haut perchée : « SOF elles sont où tes pantoufles ? » (lignes 10-11). La référente regarde SOF, lève sa main tournée vers le haut, dans une attitude de questionnement. Après son annonce du changement thématique, la référente ne continue pas son récit mais interpelle SOF pour « rejouer » la séquence de la veille. Les regards de toutes les professionnelles sont focalisés sur SOF. SOF s’approche de la référente et demande : « Hum ? » (ligne 12), dans une attitude interrogative. La référente répète sa question antérieure, en pointant les pieds de SOF : « Elles sont où tes pantoufles ? » (ligne 13). Par son geste de pointage, la référente contextualise sa question et facilite sa compréhension pour SOF.

Cette fois, SOF répond à la question : « Pas ci ! » (ligne 15). Par son attitude surtout, SOF mime sa réponse. Elle hausse ses bras, en tournant ses mains vers le haut, et hausse sa voix de façon marquée. Une des éducatrices, en regardant la référente, énonce : « Au vestiaire ? » (ligne 17). Par sa prosodie, l’éducatrice mime la prosodie de SOF. (Ceci est indiqué dans la transcription par le signe

%). Le débit de son énoncé est hésitant et semble proposer une « traduction » de ce que SOF a dit en inférant selon le contexte. La référente regarde l’éducatrice et imite l’attitude et la prosodie de SOF en disant : « Pas là ! » (ligne 18). Elle rit et, de cette manière, elle fait ressortir que c’est cet énoncé-là de SOF qu’elle a voulait montrer. La référente s’oriente de nouveau vers SOF et reformule : « Elles sont pas là ! » (ligne 20). Cette fois encore, la référente reprend tout à fait l’attitude de SOF et parle en imitant la voix d’une petite fille. SOF répond, en pointant et en faisant des vocalises, sans qu’il y ait des mots compréhensibles dans ce qu’elle dit. La référente ratifie par « ouais » (ligne 23).

Lors de cette interaction également, les changements d’adressages sont multiples. Les modes de participation à l’interaction changent et impliquent tant les enfants, ELI et SOF, que les professionnelles, la stagiaire, la référente et une éducatrice. Les autres personnes présentes à l’interaction y assistent en tant que témoin ratifié et la photo illustrant la séquence montre bien la focalisation de tous les regards sur SOF. Dans cette séquence, à partir de l’ostension des processus d’observation et de catégorisation effectués par la stagiaire concernant la conduite d’ELI et ses compétences langagières, la référente construit une sorte de mise en scène de l’interaction entre SOF et elle qui s’était déroulée la veille. De cette façon, elle rend visible l’observation qu’elle avait effectuée concernant la conduite de SOF et attire l’attention de toutes les professionnelles sur SOF et ses compétences langagières. La focalisation de toutes les professionnelles sur ELI d’abord, sur SOF ensuite, et la mise en commun des processus d’observation et de catégorisation portant sur les « p’tits mots » qu’elles savent dire rend publiquement manifeste l’attention que les professionnelles portent sur le développement langagier des enfants et la valorisation de leurs compétences linguistiques.