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1. La Maison Verte accueille en premier lieu les mondes, les enjeux, les engagements de ceux qu

1.4. Colette Langignon, le mouvement éducatif à la rencontre de la psychanalyse

1.4.1. Les CEMEA : éduquer par le loisir collectif

Le quatrième membre de ce groupe d’Etienne-Marcel qui participera à la création de la

Maison Verte est Colette Langignon. Avant de venir travailler comme assistante sociale au

CMPP Etienne-Marcel, Colette Langignon a déjà participé à plusieurs réalisations : à l’ouverture d’un CMPP dans une banlieue du nord de Paris défavorisée ; à la création et à l’animation d’un camp de vacances dans le Cantal pour des préadolescents et des adolescents et à celle d’un club pour des jeunes travailleurs en grande difficulté au nord-est de Paris112. De plus, elle a fait partie « des centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active, mouvement en plein essor après la guerre, où se retrouvaient et se formaient de nombreux enseignants désireux de vivre avec des jeunes la période des vacances, et de se former à un autre travail : celui d’éducateur »113.

Dans sa présentation, c’est cette expérience qu’elle a notée comme formatrice pour elle : en effet, l’association des Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA)114 a

111

Françoise Dolto, Enfances, Edition du Seuil, 1986, p. 44.

112

Colette Langignon, « La Maison Verte » (1989), In : Françoise Dolto, Une psychanalyste dans la cité : l’aventure

de la Maison verte, Gallimard, 2009, p. 160.

113

Colette Langignon, Contribution aux Cahiers de la Neuville, n° 3, 1979.

114

L’association des « Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active » (CEMEA) fondée par Gisèle de Failly et André Lefèvre, en 1937, avait pour but initial de préparer des éducateurs bénévoles ou professionnels aux fonctions de moniteur et de directeur de centres de vacances afin que leurs actions soient préparées et soutenues

connu un fort élan dans les années 1950-60, en proposant une nouvelle approche à l’enfant. Avec les Eclaireurs de France et la Sauvegarde de l’enfance et d’adolescence (ARSEA)115, ils furent les premiers à prendre en charge les loisirs des écoliers, mais aussi des enfants qui « échappaient » à l’école et se trouvaient livrés à eux-mêmes, que nous avons évoqués plus haut. Grâce à leur nouvelle méthode de formation et de transmission – les stages – les CEMEA ont réussi à créer un champ qui faisait se croiser des spécialistes du domaine social, de l’éducation et de la santé mentale. Ce champ est devenu un espace bouillonnant d’idées et d’initiatives pour quelques décennies.

De ce mouvement sortira le corps des éducateurs, professionnalisé en diverses spécialités : éducateur spécialisé, éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse, éducateur de jeunes enfants. Cette génération va modifier par ses efforts le climat qui régnait dans les institutions grâce à la rencontre avec la pensée psychanalytique. Pour plusieurs d’entre eux, l’intérêt qu’ils portaient à la psychanalyse les poussera aux études en psychologie, à entreprendre une cure analytique et à participer au mouvement psychanalytique116. Ils composeront ainsi un terrain qui s’appropriera ce langage conceptuel analytique en le reconnaissant comme sien. La adulte, en prenant conscience de son milieu de vie, peut se l’approprier, le faire évoluer, le modifier, dans une perspective de progrès individuel et social ». Pour cela les CEMEA proposent des stages, une nouvelle forme pédagogique si efficace que la diffusion des idées d’Education nouvelle se répand vite dans les domaines éducatif, social et culturel. A titre d’exemple, de 1945 à 1955, le nombre de stages et de regroupements organisés

annuellement passe de 120 à 551 ; le nombre de participants à ces diverses activités passe de 3 600 à 26 584 ; le total des participants aux différentes activités pour l’année 1965 dépasse le chiffre de 50 000 personnes. Les CEMEA offrent une diversité de stages ancrés dans les réalités quotidiennes de l’éducation, de l’animation, de la santé, mais ils interviennent également dans l’organisation concrète des actions culturelles, éducatives et sociales. Cf. : Catherine Sachot-Poncin, « Les centres d’entrainement aux méthodes d’éducation active (CEMEA) et la formation du personnel infirmier » In : Psychothérapie institutionnelle. Aspects de la vie quotidienne à l’hôpital

psychiatrique. La formation des infirmiers. Numéro spécial de la revue Recherches, mai 1970, pp. 199-216.

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Les Associations régionales de Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (ARSEA) sont apparues en 1942- 1944, dans les grandes villes de France, comme la réponse au problème de l’enfance « en difficulté » sans liaison avec l’Ecole et de l’enseignement spécialisé. En étant une institution mi-privée mi-publique, la Sauvegarde a permis la coopération interinstitutionnelle assez large, ceci a donné la possibilité de créer sans délai et gérer des organismes très divers, ainsi ouvrant la voie de réalisation institutionnelle aux initiatives et aux idées des gens, sans peser trop sur le budget administratif. Ces associations ont été chargées par l’Etat de l’ouverture des centres régionaux d’observation et de triage, des établissements de rééducation qui manquaient considérablement. Ils étaient à l’initiative de la création des écoles d’éducateurs. En 1964, ces ARSEA se sont transformés en CREAI – Centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptés. Cf. : Michel Chauvière, Enfance inadaptée : l’héritage

de Vichy, Editions ouvrières, 1980, pp. 62-167.

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Regardez les témoignages des éducateurs de l’époque : Francine Muel-Dreyfus, Le métier d’éducateur : les

rencontre entre la psychanalyse et les nouvelles pratiques éducatives fortement inspirées du travail au quotidien se passe là, avec ses propres découvertes et ses propres déceptions.

Cette rencontre entre la psychanalyse, l’éducation et le social, dont la Maison Verte est un des fruits, est intéressante à retracer de deux côtés. Quand les psychanalystes ont commencé à pénétrer le champ social et éducatif par le biais des postes de médecins et de psychologues dans les institutions des années 1960-70, ils arrivent dans un domaine qui a déjà accumulé une vaste expérience du travail avec les enfants de tous les âges et présentant tous types de difficultés. La diffusion rapide des idées psychanalytiques dans l’éducation et la pédagogie françaises témoigne, non seulement du « levier institutionnel » que le discours analytique a obtenu à un moment précis, mais également de la défaite des idéaux précédents et de la perte du potentiel explicatif des concepts utilisés auparavant. Pour le corps des éducateurs qui ont vécu cette expansion117 dans les années 1960-1980, le nouveau discours psychologique et plus précisément psychanalytique est apparu comme un vrai outil de travail, surtout dans les établissements émergents – Institut médico-pédagogique (IMP), Institut médico-professionnel (IMPro), les internats et les foyers divers. Les professionnels de l’enfance se tournent vers la psychanalyse afin de trouver de nouveaux concepts pour leur pratique institutionnelle et quotidienne dont les psychanalystes n’ont pas connaissance. Il s’agit d’une véritable rencontre, mais qui s’avère complexe et s’est déroulée à plusieurs niveaux.

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Certainement, cette expansion des connaissances psychanalytiques et en conséquence le visage

caractéristique que le corps éducatif obtient en France est le résultat de plusieurs facteurs. Ici, nous développons ceux qui nous semblent en lien avec notre raisonnement. Sur ce sujet regardez : Michel Chauvière, Doiminique Fablet « L’instituteur et l’éducateur spécialisés. D’une différenciation historique à une coopération difficile »,

1.4.2. De l’Education nouvelle au concept de « milieu riche des occasions et

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