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1. La Maison Verte accueille en premier lieu les mondes, les enjeux, les engagements de ceux qu

1.7. Marie-Hélène Malandrin, l’éducation au quotidien

1.7.2. Le GRAPE : confier l’enfant aux professionnels

A cette époque, la direction de la Sauvegarde de Paris est donnée à un jeune et dynamique éducateur, Jean Blettner187. Le GRAPE, fondé par lui, est à l’initiative de multiples projets : « L’enfant d’abord. Le journal pour les assistantes maternelles et pour les parents » (1976-1993); les Etats généraux de la petite enfance, premier grand rassemblement (4 000 professionnels, politiques, chercheurs, représentants d’associations) soulevant les questions de la cohérence de la politique et des actions menées dans le domaine de la petite enfance188 ; l’adoption par l’Assemblée nationale du statut des assistantes maternelles189 ; une ligne téléphonique S.V.P. petite enfance ouverte aux professionnels et aux parents, élus locaux, associations ou mouvements ; le Centre national d’échanges et d’information sur la petite enfance et bien d’autres.

Le GRAPE organise des formations et des groupes de paroles pour les familles d’accueil et les assistantes maternelles, mène une campagne d’information et de sensibilisation de l’opinion publique sur l’enjeu que représente pour l’avenir de l’enfant le mode de garde choisi190. Une

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Issu du domaine de la protection des enfants et des familles en difficulté et plus précisément du secteur des placements familiaux, Jean Blettner porte sa question à lui : le besoin aigu d’un statut et d’une formation pour les nourrices auxquelles les enfants sont confiés. Sans avoir aucune formation spécialisée, ces femmes accueillent les enfants selon leurs propres visions et systèmes de valeurs. Il est persuadé qu’il n’y aurait pas de changement radical dans la relation enfant-adulte si les relations pathogènes que les enfants avaient au sein de leur propre famille se reproduisent dans la famille d’accueil. La nécessité de former des nourrices et de les accompagner tout au long du placement est devenue le fil rouge de ses actions qui, par la suite, se sont élargies à tous ceux par qui les enfants sont gardés, car « élever l’enfant des autres est un véritable métier ». Le Groupe d’études et de liaison des placements familiaux spécialisés (GELPFS) qui a réuni, dès 1962, des professionnels de toute la France travaillant auprès d’enfants ou d’adolescents séparés de leur famille, a donné l’impulsion pour la création du Groupe de la recherche d’action pour la petite enfance (GRAPE), en 1966.

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Cf. : L’enfant d’abord, Les Etats généraux de la petite enfance, n° 17-18-19, 1978, Groupe de recherche de l’action pour la petite enfance, Paris.

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La bataille menée par le GRAPE et la Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence pendant deux ans a abouti à la reconnaissance du statut professionnel pour les assistantes maternelles et pour les familles d’accueil en 1978 : ce statut donne accès à la formation organisée par les services de PMI ainsi que par les associations du type GRAPE ; établit des conditions de l’agrément ; prévoit des assurances et des contrats de placement. En 1977, cela concernait 500 000 assistantes maternelles y compris celles qui travaillent en familles d’accueil.

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Sous la forme de rencontres publiques, le GRAPE anime des réunions dans les villes de plus de 30 000

habitants, en 1979, leur nombre est de 120 réunions dans toute la France. Le film « Les 40 heures des tout-petits » que le GRAPE réalise et fait tourner pendant ces rencontres et ces réunions témoigne du problème de la garde des enfants dans les années 1970 pour les femmes qui commencent à travailler en masse.

grande partie de ce travail est proprement éducative : faire entendre les besoins psychologiques de l’enfant, analyser les relations qu’il a avec les adultes et comment elles se structurent. Il est question de l’éducation des enfants, mais aussi des problèmes juridiques, des droits, du partage de l’expérience et de la découverte de nouveaux résultats, des acquis dans les domaines de la psychologie ou de la pédiatrie. Les professionnels s’informent, apprennent à « travailler » au lieu de « garder » les enfants qui leur sont confiés.

Pourtant, si au départ, les membres du GRAPE étaient tous spécialistes de la pratique du placement familial, de la prise en charge d’enfants issus de milieux considérés comme défaillants pour des raisons sociales, économiques ou psychologiques, au fil des années le caractère spécialisé du GRAPE s’est atténué pour s’orienter vers des actions au niveau de toutes les familles avec des jeunes enfants :

« Ces actions s’ordonnent autour de trois objectifs : campagne de sensibilisation et d’information auprès du grand public ; action de formation auprès des assistantes maternelles, travailleurs sociaux et administrateurs ; expérimentation d’équipements nouveaux ayant un caractère attractif pour les enfants et les parents »191.

Le GRAPE s’implique également dans le soutien de l’idée des Centres de la petite enfance. Il s’agit des établissements qui rassemblaient plusieurs services de la petite enfance afin de faciliter la communication entre professionnels et les passages de l’un à l’autre : la crèche familiale ; l’accueil multiple (accueil partiel, mi-temps) ; l’association pour l’accueil de la petite enfance (pour aider le parent-employeur dans ses fonctions administratives, pour réguler les coûts de la garde d’enfants) ; l’unité de loisirs (pour les enfants de deux à six ans, avant ou après l’école) ; l’unité des groupes (pour les adultes-parents, les assistantes maternelles, les professionnels, les futurs parents, les femmes enceintes) ; la coopérative pour l’échange de matériel pour bébés, de vêtements d’enfants ; la crèche collective192.

Le GRAPE mène également une activité de recherche. A titre d’exemple, citons une de ses études lancée en 1976 sur les modes de garde des enfants de zéro à trois ans dans le XVe arrondissement, l’endroit où la Maison Verte sera implantée. Ces recherches ont pointé les difficultés existant dans tous les modes de garde des enfants : quand l’enfant est pris en charge

191 Jean Blettner, « L’éditorial », L’enfant d’abord, décembre 1977, n° 2, p. 11.

par sa mère (dans le cas où elle est contrainte de rester à domicile, les difficultés apparaissent pour organiser des activités d’éveil et socialiser les enfants) ; quand l’enfant est confié à « la famille élargie ou à des personnes salariées au domicile des parents » (détermination forte par la qualité relationnelle des parents, des personnes non-qualifiées pour la prise en charge des enfants) ; au cours de la scolarisation précoce des enfants à l’âge de deux ans (ce qui complique le fonctionnement de l’école et peut être nocif pour l’enfant si elle est pratiquée systématiquement, sans prendre en compte le développement de l’enfant193). L’analyse des modes de garde a montré également une offre très réduite des établissements de petite enfance par rapport aux besoins qui ont fait flamber la liste d’attente (une place pour cinquante-sept enfants), ainsi que l’absence d’agrément pour les assistantes maternelles, « les nourrices n’ayant pas de statut, pas de formation, sont mal représentées, mal reconnues par les parents, le recours à elles est le plus souvent vécu avec culpabilité et gêne »194.

En essayant de changer la situation, la Sauvegarde et le GRAPE est à l’initiative de réunions avec des spécialistes de la petite enfance du XVe, notamment les médecins de PMI, les gynécologues travaillant sur le XVe, les directrices des écoles maternelles, les spécialistes des maternités, les assistantes sociales, les éducateurs, afin de créer un réseau de réflexion et d’action communes. Un groupe d’analyse multidisciplinaire des éléments recueillis lors des entretiens faits par les assistantes sociales de la PMI a été mis en place. Sans aucune grille préétablie, ces entretiens cherchent à faire se rejoindre « le sondage des problèmes et la plus grande écoute des futures mères »195.

Dans le cadre de cette approche novatrice, Marie-Hélène Malandrin participe à plusieurs projets et recherches avec la double casquette de la Sauvegarde et du GRAPE : elle appartient au groupe de recherche auprès des centres de PMI, elle travaille sur la création d’un réseau de professionnels sur le XVe : CAF ; PMI ; Hygiène mentale ; crèches. Certainement, ce sera un

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Ici, nous pouvons citer l’article écrit par Françoise Dolto « Ecole maternelle : combien d’enfants à la fois ? » In :

La difficulté de vivre : articles et conférences, 4, Editions Gallimard, 1995, pp. 383-391.

194

Les objectifs de l’expérimentation, papier de la commission du GRAPE 1976, p. 6. Archive de Marie-Hélène Malandrin.

195

Document du groupe de travail concernant la petite enfance, réunion du 12 mai 1977. Archive de Marie- Hélène Malandrin.

atout pour le futur lieu d’accueil qui sera obligé, comme toutes les nouvelles institutions, de faire sa place dans le paysage institutionnel du quartier.

En 1976, à la commission du GRAPE, Marie-Hélène Malandrin présente un projet de nouveaux types d’accueil des enfants et des parents : « club jeux pour les enfants de 1 à 6 ans » et « haltes jeux »196. Le premier est articulé « avec le jardin d’enfants, la maternelle et les nourrices, les parents étaient associés chaque fois que possible » et le deuxième est un lieu ouvert aux nourrices et aux parents pour des actions ponctuelles de socialisation et d’éveil, deux à trois fois par semaine. « Pour les adultes, le lieu est une possibilité de rencontres en groupe à partir des réflexions portant sur la petite enfance »197. La subvention pour mettre en œuvre cette action a été demandée par la Sauvegarde au ministère de la Santé, au titre des innovations sociales198.

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