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De l’Education nouvelle au concept de « milieu riche des occasions et des découvertes »

1. La Maison Verte accueille en premier lieu les mondes, les enjeux, les engagements de ceux qu

1.4. Colette Langignon, le mouvement éducatif à la rencontre de la psychanalyse

1.4.2. De l’Education nouvelle au concept de « milieu riche des occasions et des découvertes »

Ces pratiques éducatives au quotidien plongent leurs racines dans l’Education nouvelle. Représenté en France par des grandes figures comme Roger Cousinet118 et Célestin Freinet119, le mouvement de l’Education nouvelle est transformé assez vite en « une réalité incarnée dans des individus, assemblés en un mouvement et qui ont à leur actif une œuvre intellectuelle et des réalisations pratiques non négligeables »120. On trouve ces réalisations dans tous les domaines du travail avec les enfants : de la maternelle au secondaire, dans les établissements périscolaires, et dans la formation des professionnels qui commence à apparaître121.

Il est fort possible que cela ait constitué un barrage naturel aux idées de la psychanalyse dans les milieux pédagogiques et éducatifs au moment de leur émergence. En effet, leur rencontre a été tardive si on la compare au mouvement qui a traversé les cercles des éducateurs et des instituteurs d’Allemagne, de l’empire austro-hongrois et de la Suisse germanique imprégnés par les idées de S. Freud, dans les années 1930. Les pédagogues et éducateurs français ont

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Roger Cousinet, instituteur influencé par les idées d’Emile Durkheim. Son intérêt pour l’enfant « libre » – dans ses jeux, dans ses rapports complexes avec des camarades – en parallèle de ses observations des réactions des enfants devant une tâche spécifique et de l’entraide spontané chez eux guident R. Cousinet vers une certitude que les enfants savent s’organiser entre eux et sont capables d’amener leurs efforts jusqu’à l’aboutissement si l’activité les intéresse. En 1925, il publie « La méthode de travail libre par groupes » qui apporte beaucoup de réflexions pédagogiques et marque le début de l’intérêt pour les groupes de plus en plus grandissant dans un milieu éducatif français.

119 Célestin Freinet est la figure unique et majeure du mouvement d’Education Nouvelle. En partant des méthodes

d’Ovide Decroly – l’étude du milieu, travail dans les groupes, méthodes actives – C. Freinet les transforme et les développe dans le contexte d’une école rurale : la vie orientée aux actions concrètes, quotidiennes, insérées dans la vie de la commune et de l’entourage social. Donc, les nouveaux outils découverts par C. Freinet (imprimerie, texte libre, journal scolaire, correspondance interscolaire, visites-échanges), ainsi que l’enseignement-même (lecture, écriture, calcul, l’orthographe, plan de travail individuel) seront repensés et restitués à partir du concept de l’école incluse dans la vie sociale déjà existante (du village), d’un coté, et de l’autre, comme un lieu de

production des communications et des liens nouveaux. L’ouverture vers la vie, vers le sens de l’activité humaine, vers la nature et sa force vitale, vers l’étonnement, vers l’expérimentation et la découverte sont des piliers qui portent la philosophie de l’action de C. Freinet. Il les nomme comme « techniques de la vie » et fonde un nouveau concept de l’Ecole Moderne sur cette base. Cf. : Célestin Freinet, Les techniques Freinet de l’école moderne, Librairie Armand Colin, 1980.

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Antoine Savoye, « L’Education nouvelle en France. De son irrésistible ascension à son impossible pérennisation (1944-1970) » In : Annick Ohayon, Dominique Ottavi, Antoine Savoye (Ed.) L’Education nouvelle histoire, présence,

devenir, Peter Lang SA, Editions scientifiques européennes, Berne, 2004, p. 235.

vécu, semble-t-il, une tout autre aventure, propre à leur histoire. Effectivement, l’irrigation des idées psychanalytiques de l’éducation et la pédagogie française ne sera à l’ordre du jour que dès le retrait de la vague de l’Education Nouvelle122.

De fait, dans l’Education nouvelle123 nous pouvons reconnaître le point de départ de plusieurs pratiques concernant l’éducation des enfants au quotidien. C’est elle qui a fourni le cadre conceptuel et éthique du travail des CEMEA, des centres d’ARSEA, des éducateurs en milieu ouvert que nous rencontrons tout au long notre étude historique.

Véritablement déployée dans l’entre-deux-guerres, l’Education nouvelle a posé la question – totalement inédite à cette époque – de ce que vivait l’enfant. Ces pédagogues insistaient sur l’approche partant « du vécu, de l’acquis » et qui cherchait à ouvrir « la possibilité d’expériences multiples et variées dans tous les domaines »124. S’appuyant sur la masse d’observations du quotidien, ils ouvraient trois niveaux d’articulation : au niveau de l’enfant, à développer et à utiliser ses intérêts et ses penchants ; au niveau groupal, à explorer des potentialités des groupes et des relations entre les enfants ; au niveau des liens avec l’extérieur, à exploiter le milieu « riche des occasions et des découvertes » selon les mots de Fernand Oury, qui donnait un accès direct à la complexité de la vie d’adultes.

Ces découvertes ont donc participé à la création de nouvelles formes d’apprentissage, d’entraînement et de loisir basées sur le collectif d’enfants. L’accent mis sur le milieu et la

praxis tangible et pragmatique – dans la perspective d’établir les liens sociaux les plus riches et

d’acquérir le développement subjectif le plus varié – a façonné les domaines de la rééducation et de l’éducation en milieu ouvert.

122

Jean-Claude Filloux confirme : « les travaux qui ressortissent explicitement à une interprétation analytique de telle ou telle région du champ pédagogique n’apparaissent qu’autour des années 70 ». Cf. : Jean-Claude Filloux, « Psychanalyse et pédagogie ou d’une prise en compte de l’inconscient dans le champ pédagogique », Revue

française de pédagogie, 1987, n° 81, p. 87.

123

En parlant de L’Education nouvelle, nous regroupons ensemble les mouvements assez divers : « L’Ecole active », « Le Self-government », « Le mouvement Freinet », « Les méthodes d’enseignement actives »,

« Pédagogie libertaire », mais qui se démarquent tous de la pédagogie et l’éducation traditionnelle de l’époque. Cf. : Michel Lobrot, La pédagogie institutionnelle, Paris, Gauthier-Villars, 1966, pp. 113-120.

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Remi Hess, « La présentation » In : Raymond Fonvieille, L’aventure du mouvement Freinet vécu par un

A la Libération, l’Education nouvelle a trouvé un deuxième souffle qui a abouti à une véritable « floraison d’expériences éducatives » : le mouvement se précise en plusieurs courants qui couvrent ainsi les secteurs scolaire, périscolaire et celui de l’enfance « inadaptée ». Ces courants, sans être réunis, vivaient leur propre épanouissement et diffusaient considérablement les idées, les approches et les techniques développées.

Dans ces années, le mouvement a trouvé une reconnaissance publique qui a causé son extension et a abouti au « ralliement à L’Education nouvelle d’une partie de la haute administration de l’Education nationale et du corps enseignant qui se manifest[ait] à travers la réforme de l’enseignement secondaire dite des “ classes nouvelles ” »125. Dans le but, tant désiré par les « éducateurs nouveaux », de réformer l’école, les classes nouvelles ont été mise en place à grande échelle, touchant les niveaux de la sixième à la troisième.

Cependant, vers la fin des années 1960, l’ossature théorique et conceptuelle de l’Education nouvelle est rongée par ce qu’Antoine Savoye présente comme une triple crise : la crise de tolérance (haute politisation du mouvement et par la suite scissions multiples), la crise de vulgarisation (extrême banalisation des concepts, leur appropriation par l’appareil administratif et intellectuel de l’Education nationale) et la crise de transmission (l’extinction des initiatives individuelles à s’investir dans de nouvelles expérimentations).

Dans une tentative d’appliquer les méthodes actives à l’enseignement public à grande échelle, le langage de l’Education nouvelle a été rendu stérile. La réduction des principes à des recettes qui tournait à l’application formelle de techniques jadis innovantes, la banalisation des concepts et la dévitalisation de la transmission – sans nouveaux concepts ou approches adaptées aux nouvelles situations – ont, entre autres, causé son déclin. Ainsi, l’expansion rapide des idées de l’Education nouvelle dans les années de l’après-guerre s’est transformée en routinisation aliénante, sans véritable investissement subjectif, devenant ainsi une « expansion flatteuse mais trompeuse »126. Cela fut un exemple d’une transmission échouée. Tout comme l’approche de Frederick Leboyer, l’approche de l’Education nouvelle, elle aussi fondamentalement basée sur l’implication professionnelle et l’adhésion subjective à sa

125

Antoine Savoye, « L’Education nouvelle en France. De son irrésistible ascension à son impossible pérennisation (1944- 1970) », op.cit., p. 245.

démarche, s’est trouvée écrasée par son propre succès et aplatie par les procédés qui tentaient de la rendre connue et pratiquée par tout le monde. Est-ce le destin de toutes les innovations qui apparaissent, de chercher à toute force la reconnaissance et de s’éteindre dès qu’elles l’obtiennent ?

Pour l’Education nouvelle, il s’agissait de surcroît, à notre avis, d’une crise conceptuelle : les changements de la société d’après-guerre accompagnés de la modification profonde du statut de l’enfant et de la famille posaient de nouveaux problèmes. Malgré leur « pragmatisme inspiré »127 et un grand respect pour l’enfant, ces nouveaux éducateurs étaient tous marqués par une touche idéaliste ; l’espoir que ce changement d’attitude éducative serait un moyen puissant de transformation du monde et de la réalité sociale, écrasée par les années de guerre. L’idéal d’« une société moderne », pour lequel ils œuvrent, donne une finalité à ces efforts éducatifs, sans jamais poser la question ni de cet idéal ni de son rôle formateur pour leurs techniques éducatives128. La nature humaine est vue comme une chose maniable, accessible et pénétrable par l’acte éducatif plein d’attention personnalisée à l’enfant. Il n’est pas étonnant qu’ils n’échappent pas à une certaine politisation du mouvement129 et un positionnement intenable du militantisme sans relâche.

C’est à partir de ce moment-là que les scissions se produisent130 et donnent naissance à des groupes qui ne revendiquent plus l’appareil conceptuel de l’Education nouvelle, et marquent plutôt une distance avec cette dernière131. Seul le mouvement de la Pédagogie institutionnelle aura une transmission directe, en prenant racine dans la pédagogie de Célestin Freinet et sa classe coopérative. En même temps, la Pédagogie institutionnelle – qui fournira les modèles

127

Jean-Pierre Bigeault, Gilbert Terrier, L’illusion psychanalytique en éducation, PUF, 1978, p. 29.

128

Maud Mannoni, « Préface » In : Alexandre S. Neill, Libres enfants de Summerhill, Edition de Maspero, 1970.

129

En grande partie ce mouvement était investi et soutenu par les acteurs qui ont été engagé dans le mouvement marxiste et par la suite dans la Partie communiste de France (PCF).

130

En 1961, « le Groupe techniques éducatives » (GTE) qui est sorti du mouvement Freinet a bifurqué pour « la Pédagogie institutionnelle » (Fernand Oury, Aïda Vasquez) qui a déclaré sa conformité à la psychothérapie

institutionnelle et par conséquent a été traversé par le questionnement « thérapeutique » d’un côté, et de l’autre, pour « la Pédagogie autogestionnaire » (Raymond Fonvieille, René Lourau, Michel Lobrot) qui a pris un versant plus social.

131

Antoine Savoye, « L’Education nouvelle en France. De son irrésistible ascension à son impossible pérennisation (1944- 1970) », op.cit., p. 265.

éducatifs qui dépasseront l’école et les classes de perfectionnement où Fernand Oury travaille – renouvellera la pensée de Freinet sur des bases beaucoup plus psychologiques.

En effet, la défaite des idéaux qui a amené l’Education nouvelle à son essoufflement vers le début des années 1970 a laissé ainsi « un vide »132 conceptuel. C’est là qu’arrive le langage conceptuel psychanalytique qui s’est trouvé autant investi par des jeunes professionnels formés à la pratique du quotidien mais sans « outils » pour pouvoir poursuivre son développement. Véhiculées par les médecins-psychiatres qui avaient une assise dans plusieurs établissements de l’éducation et de la rééducation et qui se sont progressivement intéressés à la psychanalyse, les idées freudiennes ont commencé à sortir des cabinets privés pour articuler l’expérience de l’éducation. Les transformations sociales de 68 ont accéléré la diffusion des idées mais déjà, vers la fin des années 1960, les psychanalystes témoignent de cette réalité. En ce sens, à titre d’exemple on peut noter la présentation de l’expérience d’un internat, l’Ecole « des Samuels » à Vieux-Moulin, faite par Xavier Audouard. Il s’agit d’une expérience qui a eu lieu en 1965-1970 et a été initiée et portée par le directeur de l’établissement, Gérard Cramard et sa femme. L’idée magistrale consistait à utiliser la parole comme tiers régulateur de la vie de l’établissement – « une médiation transformante pour toute autre expérience immédiate de la vie quotidienne »133. Ce témoignage porte en soi le signe du temps – l’arrivée des psychanalystes dans les établissements où ils redécouvrent leur propre questionnement, dans les pratiques éducatives, et auquel ils donnent leur propre langage. Pourtant, Xavier Audouard ne se réfère aucunement à une tradition de la pensée éducative qui a certainement nourri le raisonnement de l’équipe.

132

A la mort de Freinet, en 1966, Réné Lourau écrit : « Les limites de la pédagogie Freinet sont celles de l’activisme, du participationnisme. Activer, stimuler l’enfant, ce n’est pas tout à fait accepter l’enfant… Le

problème des relations entre les élèves et entre le maître et les élèves est forcement posé… La solution est laissée à l’empirisme-roi et à une idéologie de la bonne volonté. Un vide est creusé par l’intrusion de techniques

nouvelles et d’une nouvelle conception de la classe. Ce vide, les sciences humaines essaient de le remplir » In : Raymond Fonvieille, op.cit., 1989, p. 229.

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Xavier Audouard, L’idée psychanalytique dans une maison d’enfants. Cinq ans d’écoute éducative. L’Ecole des

La Pédagogie institutionnelle, pour sa part, donne un exemple qui tient aux références à tous les champs qui l’ont nourri : la psychanalyse y sera reconnue comme un des trois piliers – le matérialisme, la sociologie et l’inconscient134.

Vu de l’angle psychanalytique, la vie en groupe s’est avérée très complexe, fondée sur le conflit, traversée par des mouvements libidinaux multiples, tissée de toutes les formes d’identification. L’avancée freudienne sur la nature psychique comme une nature conflictuelle aide à penser et à aborder ces conflits – manifestes, latents, déplacés, refoulés – au sein du groupe. Cette approche lance lumière sur beaucoup de nuances à la vision idéaliste du surgissement « naturel » du travail collectif du « groupe-atelier », ainsi qu’au concept de « l’entraide », cher à Roger Cousinet.

Enracinée dans les techniques C. Freinet, la Pédagogie institutionnelle les inscrit ainsi dans un univers conceptuel nouveau, et par conséquent ces nouvelles coordonnées engendrent une

praxis nouvelle. Les concepts développés dans la psychanalyse, surtout dans sa version

lacanienne – la demande, le besoin, le désir, le transfert, le fantasme, ainsi que la conceptualisation du rapport au Savoir ou au Pouvoir – articulés à l’expérience concrète de l’instituteur, sont retraduits dans un langage accessible aux pédagogues, ce qui les devra un grand succès.

Sans aucun doute, l’influence que la Psychothérapie institutionnelle135 a exercée sur la Pédagogie institutionnelle est cruciale dans l’inclination pour « la thérapeutique » de la pédagogie et de l’éducation. Cependant, il s’agit plus, à notre avis, de la formation d’un champ

de réflexion commune qui avait des applications pratiques diverses – dès domaines de

l’enseignement spécialisé et de la rééducation à ceux du soin et du travail social. Car, nous l’avons vu déjà et nous les évoquerons par la suite, la réflexion sur l’organisation

134

Cf. : Fernand Oury et Aida Vasquez, De la classe coopérative à la Pédagogie institutionnelle, Maspéro, Paris, 1974, p. 689.

135

Les psychiatres François Tosquelles, Jean Oury, Felix Guattari ont participé activement à l’élaboration des fondements de la Pédagogie institutionnelle, dès la création du le Groupe Techniques Educatives (GTE), en 1961, qui a donné lieu aux réflexions des professionnels. Ce soutien conceptuel a été d’autant plus précieux que Fernand Oury travaillait dans les classes de perfectionnement, où se retrouvaient les enfants qui présentaient une difficulté d’apprentissage, résultant souvent de désordres psychiques. Par la suite, il a échangé son poste à l’école contre un poste dans l’Institut médico-pédagogique, où intervenait Jean Oury, et il développait des thèses de plus en plus imprégnées de l’expérience du travail avec les enfants « difficiles ». Cf. : Catherine Pochet, Jean Oury, Fernand Oury, L’années dernière, j’étais mort, signé Miloud, Matrice Vigneux, 1986.

institutionnelle et l’attention aux détails de son fonctionnement a été soulevé dans de nombreuses expériences novatrices – à commencer de l’expérience de la « transformation de la maternité » par ASD, en passant par le travail des pédagogues et des éducateurs des CEMEA, ARSEA vers tout un nombre d’initiatives de professionnels du champ médical, social et éducatif qui vont questionner les conditions institutionnelles de leur pratique136.

Françoise Dolto connaît bien l’expérience de Fernand Oury qu’elle rencontre plusieurs fois lors de rassemblements publics divers. C’est ce dernier qui conseille à Michel Amram, à Fabienne d’Ortoli et à Pascal Lemaitre de s’adresser à Françoise Dolto pour l’accompagnement réflexif de leur expérience à l’Ecole de Neuville. Colette Langignon, en raison de son expérience aux CEMEA et de son intérêt pour l’éducation, s’est associée à ce travail. Pendant des années elle a apporté son concours au développement de l’Ecole de Neuville, dont l’équipe lui a dédié son livre137.

Fille de sa génération, Colette Langignon rencontre la psychanalyse138 et elle s’engage dans des études de psychologie à l’Université Paris-VII, en parallèle de son travail. A cette époque, le Centre Censier rattaché à ce dernier commence à former des psychologues cliniciens et à bâtir l’enseignement spécifique de la psychanalyse dans les murs de l’université. Comme nous l’avons montré plus haut, c’était une issue logique pour de nombreux professionnels des domaines éducatif et social de l’époque : toute une partie de cette génération s’est tournée vers la psychanalyse qui proposait une vraie ouverture d’esprit et était un espace de dynamisme intellectuel inouï. Les éducateurs, les moniteurs de vacances, les travailleurs

136

Le Colloque « Enfance aliénée, psychose et institution » organisé les 21 et 22 octobre 1967 marque un jalon : organisé sous le signe de la psychose il fut un grand moment de la réflexion commune sur l’institution. Le courant anti-psychiatrique (D. Cooper, R. Laing), l’expérience de la psychothérapie et de la pédagogie institutionnelle française (G. Michaud, J. Oury, F. Tosquelles, G. Trastour), l’expérience de travail en institution (J. Aubry, J. Raimbault) vont ouvrir une voie de la réflexion et de la critique des « équipements lourds » et ouvrira la question sur la possibilité et des conditions pour la fonction thérapeutique de ces établissements. In : Enfance aliénée ou société aliénante ? numéro spécial de la revue Recherches, vol. I, septembre 1967 ; L’enfance, la psychose et l’institution, numéro Spécial de la revue Recherches, vol. II, décembre 1968.

137 Fabienne d’Ortoli et Michel Amram, op.cit. p. 18.

sociaux, les infirmiers psychiatriques, les administrateurs139 se sont formés, parallèlement à leur travail, et ont pris par la suite des postes de psychologues dans de nombreuses institutions.

De son expérience tirée de la création et de la participation dans de nombreux projets innovants140, Colette Langignon possédait une large connaissance des champs psychiatriques et éducatifs, elle avait des liens de travail multiples avec les professionnels de tous les niveaux, ce qui était certainement utile dans les démarches du groupe du Centre Etienne-Marcel.

1.5. Le groupe du Centre Etienne-Marcel à la recherche de sa voie

Manifestement, le Centre ne se contentait pas du cadre restreint des consultations et essayait d’étendre plus largement ses actions novatrices et militantes dans des visées de prévention et de travail avec des professionnels qui assuraient l’accueil de l’enfant depuis sa naissance jusqu’à l’école, âge auquel les troubles psychiques et somatiques apparaissaient et forçaient les parents à s’adresser au CMPP. Pour ce groupe de quatre personnes – Pierre Benoit, Bernard This, Françoise Dolto et Colette Langignon – il était évident qu’il fallait repenser l’accompagnement des enfants et des parents avant d’obtenir une consultation pour un symptôme déjà cristallisé. Pour cela ils considéraient qu’il était nécessaire d’affronter

« les problèmes de la petite enfance et aussi ceux de la femme enceinte et de porter ses efforts dans plusieurs directions : auprès d’équipes obstétricales ; auprès des pédiatres ; auprès des

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Dans l’orbite de la Maison Verte ce destin a été celui de Michel Malandrin, Dominique Berthon, Michèle Mexme (les accueillants), et aussi de Jacqueline Garnier-Dupré (administrateur de la mairie de Paris), Marie- France Bertheuil (trésorière).

140

Colette Langignon a participé au développement de la politique de secteur initiée par le docteur Henri Duchesne, médecin-chef du service d’hygiène mentale de la préfecture de la Seine. In : Colette Langignon, « La Maison Verte » (1989), op.cit., p. 163.

médecins généralistes ; auprès des centres de PMI ; auprès des jardins d’enfants et des crèches ; auprès des instances administratives, Sécurité Sociale, DDASS, Santé »141.

A cette époque, il s’agissait d’un vaste projet d’action mais qui avait déjà ses points d’ancrage

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