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1.3 Les acteurs du secteur éolien en France 88

1.3.5 Les associations

1.3.5.2 Les associations opposées à l’éolien

Dans l’espace public, le développement des énergies renouvelables s’accompagne de partisans mais également d’opposants. Les critiques portent sur leur coût de développement élevé, leur rentabilité ou leur productivité liée à l’intermittence. Finalement les opposants doutent de la capacité des ENR à répondre aux besoins énergétiques nationaux. Les installations éoliennes sont également soumises à de fortes critiques liées aux nuisances sonores et visuelles. La diffusion de technologies renouvelables à grande échelle est alors freinée par des débats techniques, idéologiques, économiques et sociaux, qui font du développement des ENR un processus

« complexe »108.

La société civile s’organise rapidement en associations, soit destinées à protéger un site

en particulier109, soit à refuser les projets menés sans concertation. En effet, malgré tous

les écrits mettant en avant la concertation, elle fait largement défaut sur les premiers projets éoliens menés en France. Pour obtenir les meilleurs sites, les porteurs de projet ne communiquaient qu’avec les maires, certains élus et les propriétaires concernés. Le défaut de communication du public s’est révélé un défaut majeur pour l’acceptabilité des parcs éoliens.

Le manque de transparence des projets s’explique également par le fait que ni les porteurs de projet ni l’ADEME étaient prêts pour affronter des résistances aussi fortes de la part des riverains. Dans les années 1970, l’éolien bénéficiait d’une image positive. L’arrivée massive du nucléaire détrôna l’éolien, grâce notamment aux louanges portées par les médias français. En 1973, le gouvernement français créait l'Agence pour les

107 Mais « on ne mord pas la main qui nous nourrit ». ERELIA subventionne l’association ETAP à hauteur de 50 000€/an : il est donc difficile d’imaginer que l’association s’oppose aux volontés et aux conseils d’un si généreux donateur.

108 DESJEUX D., « L’innovation entre acteur, structure et situation », in ALTER N., 2002, Les logiques de

l’innovation, Paris La Découverte, p. 47.

109 Par exemple, l’Association de Protection des Paysages des Mazeaux de Riotord cherche à protéger d’un projet éolien un site considéré comme exceptionnel.

économies d'énergie dont le slogan était « En France on n'a pas de pétrole mais on a des idées », afin de promouvoir l’énergie nucléaire.

Pour les opposants, l’ambiguïté entre l’écologie et les intérêts purement mercantiles des entreprises privées pour l’éolien n’est pas soutenable. Ce n’est qu’avec l’implication directe des communautés locales dans leur conception que les projets éoliens deviennent plus cohérents aux yeux des opposants. Dès le départ, le débat s’est tourné vers la problématique du paysage, liée aux processus d’industrialisation de l’énergie éolienne (augmentation de la capacité, de la taille et du nombre d’éoliennes).

Les opposants aux éoliennes sont nombreux et généralement organisés en fédération. La plupart se déclare favorable aux énergies renouvelables mais contre l’éolien industriel.

Leur objectif est d’informer les citoyens de « l’arnaque »110 qu’est l’énergie éolienne.

Pour ce faire, ils organisent des forums et des manifestations, écrivent des recommandations et mettent à disposition de toute personne soucieuse de s’informer des dossiers contre l’éolien.

Bien que l’énergie éolienne soit présentée comme une énergie bon marché et facile à exploiter, elle est souvent perçue comme non rentable à long terme et incapable de permettre l’indépendance électrique de la France. Dans l’imaginaire collectif, elle est considérée comme l’énergie « des pays pauvres », ou tout ou plus une énergie destinée aux sites les plus isolés (îles, haute montagne, etc.).

La Fédération Environnement Durable

La FED cherche, en coopérant avec les associations et les particuliers, à influer sur la politique énergétique française. Cette fédération souhaite mettre en avant les technologies d’économie d’énergie et mener une réflexion sur les énergies renouvelables.

Le but de la fédération est d’obtenir un déploiement équitable des gains issus des technologies d’économie d’énergie en direction des populations concernées, dans un respect de l’environnement.

Elle rassemble 788 associations.

Cependant son impartialité peut être remise en cause à la découverte de son organigramme. Valéry Giscard D’Estaing, fervent opposant à l’éolien et initiateur du développement nucléaire en France, préside le Comité d’Orientation Stratégique de la

FED111. Entre autres, ce comité comprend Marcel Boiteux, président d’EDF de 1967 à

1987, considéré encore aujourd’hui comme l’un des artisans du nucléaire français.

Association Vent de Colère

Cette association fonctionne en réseau : elle profite ainsi de l’expérience d’autres associations membres (françaises ou étrangères). En tout, ce sont 300 associations françaises en 2005 qui sont fédérées à Vent de Colère.

Comme la FED, Vent de Colère est une association nationale mais chacune travaille de manière distincte sans actions conjointes.

Selon Vent de Colère, le SER et l’ADEME pratiquent la désinformation vis-à-vis de l’éolien, une désinformation qu’elle souhaite contrer. En effet, les deux instances seraient trop impliquées dans le secteur de l’éolien pour rester objectives. Leurs discours seraient formatés par les professionnels de l’éolien. Nous verrons plus loin que ces critiques sont justifiées si l’on considère que la stratégie de communication en faveur de l’éolien contribue à clore le débat, si possible avant même qu’il n’ait lieu.

111 En 2008 (pas de données accessibles sur l’actuel Comité), sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, le Comité d’Orientation Stratégique de la FED comprend huit membres : Marcel Boiteux, président d’honneur d’EDF (opposant aux éoliennes, il a notamment publié « les éoliennes, belles comme Crésus »), Henri de Raincourt, sénateur de l’Yonne (aujourd’hui vice-président de l’UMP et anti-éolien convaincu), Philippe Marini, maire de Compiègne, sénateur de l’Oise et rapporteur général de la Commission des finances du Sénat (toujours maire et sénateur, il est aujourd’hui président de la Commission des finances du Sénat), Christian Gérondeau, ingénieur général des Ponts et chaussées (aujourd’hui président délégué à la Mobilité et l’Environnement, il est également président de la Fédération française des automobiles clubs et des usagers de la route. Climato-septique, il a écrit plusieurs ouvrages dont « L’Écologie, la grande arnaque » en 2007 et « CO2 : un mythe planétaire » en 2009), Jean-Louis Butré, président de la FED, Christian Stoffaes, ingénieur général des Mines, Didier Wirth, président du Comité des parcs et jardins de France (il a tenu de nombreux propos dans la presse contre l’éolien dont l’article « Frénésie éolienne, le chant des sirènes »), et Madeleine Dubois, conseiller général de Haute Loire.

En organisant l’opposition, Vent de Colère aide grâce à son site internet www.ventdecolere.org, à lutter contre l’aménagement de parcs éoliens : elle donne donc conseils et soutiens, présente des argumentaires anti-éoliens, et archive de nombreux documents (études, articles de presse, etc.) relatifs à l’énergie éolienne. Pourtant le site de l’association n’a pas été mis à jour depuis deux ans.

Association Vent du Bocage

L’association Vent du Bocage est affiliée à la Fédération Environnement Durable et a pour buts :

- de protéger les espaces naturels et les paysages,

- de sensibiliser l’opinion publique aux problèmes d’environnement et de

former ses membres à la connaissance de l’écosystème,

- de défendre l’identité culturelle des paysages ainsi que les intérêts

économiques et sociaux,

- et enfin de lutter contre la dégradation des ressources naturelles.

Le site internet de l’association, http://www.environnementdurable.net/, met à disposition des internautes, vidéos, dossiers, recensement des accidents, textes juridiques, et informations sur les autres énergies renouvelables (lien externe vers Wikipédia pour le solaire, l’hydraulique, le biocarburant et la biomasse).

Les associations ont rarement une expertise scientifique en interne. La raison principale peut en être le manque de compétences ou de ressources internes. C’est pourquoi elles ont plutôt recours à des sources externes. D’une manière générale, peu d’associations remettent en cause les résultats des études commissionnées par les autorités publiques dès lors que le laboratoire qui a mené les recherches a une accréditation officielle pour le faire (institutions nationales de recherche, laboratoires certifiés pour l’analyse des prélèvements, etc.). L’expertise demandée par les associations a cependant quelque fois une dimension locale : les demandes se portent sur des études d’impact locales pour avoir des résultats spécifiques au territoire, et non des études génériques au niveau national.

Les associations ont donc recours à l’expertise « traditionnelle », mais elles y cherchent des réponses à des questions non envisagées par les décideurs. De cette manière, elles font entrer les questions environnementales et sanitaires sur la scène publique. Elles recadrent le débat sur un axe généralement plus local que les décideurs.

Il est intéressant de noter qu’il n’existe pas d’associations pro-éoliennes constituées uniquement de riverains. Il s’agit d’individus qui soutiennent l’énergie éolienne pour mieux contrer le nucléaire. Les riverains qui sont indifférents voire partisans aux éoliennes, ne se regroupent pas pour autant pour soutenir cette énergie. Ils sont donc moins représentés que les anti-éoliens.

L’absence de débat sur l’énergie n’a pas servi le développement des énergies renouvelables. Pour Alain ROUSSET, « La pédagogie sur les énergies renouvelables n’a pas été suffisante. Les citoyens doivent se réapproprier la question de l’énergie qu’ils consomment. : Où est-elle produite ? Avec quels impacts pour l’environnement et quelles perspectives d’évolution de sa facture ? Par ailleurs, la réglementation est tellement complexe aujourd’hui, qu’en quelques clics sur Internet, il est possible de trouver le parfait manuel du recours administratif contre un projet.

Un nombre très important de projets reste bloqué de ces recours qui, neuf fois sur dix, n’aboutissent pas. Il est bien-sûr primordial que toutes les garanties soient apportées

aux citoyens, notamment grâce à l’enquête publique, mais la réglementation doit être

considérablement assouplie si l’on veut réellement développer l’éolien dans ce pays. »112