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II. Les facteurs de susceptibilité à la sclérose en plaques

II.2. Les facteurs environnementau

II.2.2. Les risques environnementau

2.2.1. Les agents infectieu

Depuis longtemps les agents infectieux sont suspectés comme jouant un rôle dans la SEP [Gilden et al., 2005]. Dans ce contexte, deux grandes théories s’affrontent. Cependant, elles reposent sur un concept commun, à savoir que l’agent pathogène responsable de la SEP serait largement répandu [Ascherio et al., 2007a]. La première hypothèse, appelée « hypothèse de la poliomyélite », pose le postulat qu’il existerait un virus capable d’augmenter le risque de développer une SEP lorsqu’il serait tardivement rencontré durant l’enfance ou à l’âge adulte. Par contre, une infection par ce même virus durant l’enfance serait moins néfaste et pourrait conférer une protection immunitaire. La deuxième hypothèse est « l’hypothèse de la prévalence », qui suggère que la SEP est causée par un pathogène qui serait plus communément répandu dans les zones de grande prévalence de la maladie. L’hypothèse

reprenne par beaucoup d’aspects une théorie plus ancienne, la théorie hygiéniste. Cette théorie est intéressante car elle permettrait d’expliquer le gradient de latitude de la SEP mais surtout l’apparente protection des personnes nées dans les zones de faible risque de SEP et qui migreraient par la suite vers des zones de haut risque.

a. Le virus d’Epstein-Barr

L’EBV est un virus de la famille des herpès qui infecte les lymphocytes B. Il est considéré comme une cause plausible dans le développement de la SEP car : (1) il infecte la quasi-totalité de la population mondiale, (2) il persiste dans la cellule sous la forme de virus dormant, mais peut se réactiver et donner lieu à la production de nouvelles particules virales (3) il peut moduler le système immunitaire. Bien que la quasi-totalité de la population mondiale soit infectée par l’EBV, si on compare des patients SEP à des personnes témoins, on retrouve des différences entre les deux groupes. Presque 100% des patients SEP sont infectés par le virus alors que « seulement » 90% des personnes saines pour la SEP sont séropositives à l’EBV [Ascherio et al., 2007a]. Cette différence est encore plus marquée chez les enfants,

comme l’a montré une étude des formes infantiles de SEP [Pohl et al., 2006].

La mononucléose virale est la manifestation clinique d’une infection aigüe par l’EBV. Cette manifestation est plus commune chez les adolescents et les adultes que chez les jeunes enfants chez qui l’infection primaire par l’EBV est généralement cliniquement silencieuse. Il est intéressant de noter que la SEP et la mononucléose virale partagent des distributions géographiques de prévalence similaires : accroissement de la prévalence avec l’éloignement de l’équateur [Ascherio et al., 2007a]. Une méta-analyse de l’association entre la SEP et la mononucléose infectieuse révéla un risque relatif 2,3 fois plus élevé de développer la SEP chez les personnes ayant eu une manifestation clinique, par rapport à des personnes infectées de manière silencieuse par le virus [Thacker et al., 2006]. Une autre étude reproduisit ce résultat avec un risque relatif comparable, et démontra que ce risque augmentait dans les 5 ans faisant suite à la mononucléose virale, pour rester élevé même 30 ans après [Nielsen et al., 2007]. Si on analyse ces résultats dans leur globalité, cela pose le problème d’un grand paradoxe avec l’hypothèse de la poliomyélite : l’infection par le virus serait plutôt associée à une plus grande susceptibilité à la SEP. Cependant, la proposition d’un modèle de relation entre l’infection par l’EBV et la SEP permit de réconcilier les données avec l’hypothèse de la poliomyélite : même si le risque de SEP est presque nul pour les personnes non infectées par le virus, le risque est intermédiaire pour les personnes infectées par l’EBV durant leur enfance (infection

silencieuse), mais surtout le risque augmente encore plus pour devenir un risque fort chez les personnes infectées durant leur adolescence ou à l’âge adulte (manifestation de mononucléose virale) (Figure 23) [Pohl et al., 2009].

De manière intéressante, une récente étude a montré la présence de lymphocytes B et de plasmocytes infectés par l’EBV dans le cerveau de patients ayant souffert de SEP. De telles cellules ne furent pas retrouvées dans le cerveau de personnes souffrant d’autres maladies neurologiques inflammatoires [Serafini et al., 2007]. Cependant, ces résultats restent à confirmer car certains patients souffrant de SEP avaient reçu des traitements immunosuppresseurs et qu’il n’y avait que peu d’individus témoins souffrant d’une inflammation chronique du SNC. Il est aussi possible de retrouver les traces d’une réaction immunitaire dirigée contre l’EBV dans le SNC de patients souffrant de SEP. La présence d’IgG intrathécales est le reflet d’une réponse inflammatoire localisée dans le SNC, car les Ig ne peuvent pas passer la BBB. Une étude montra que certains anticorps contenus dans les bandes oligoclonales d’IgG de patients atteints de SEP présentaient une spécificité dirigée contre des protéines du virus de l’EBV. Qui plus est, leur quantité était significativement plus importante chez les patients SEP que chez des témoins [Cepok et al., 2005]. Cependant, ce résultat reste à confirmer car il est bien connu que les patients SEP développent une synthèse intrathécale d’anticorps dirigés contre de nombreux pathogènes (herpes simplex, virus de la varicelle…) [Pohl et al., 2009]. Dans le sang aussi, les anticorps dirigés contre l’EBV sont davantage présents chez les patients SEP que chez des témoins, et cette augmentation a lieu bien des années avant que les premiers signes de SEP apparaissent [Levin et al., 2005]. Un autre indice soulignant l’éventuelle implication de l’EBV est la présence d’une réponse immunitaire dirigée contre l’EBV impliquant les lymphocytes T CD4+ [Lünemann et al., 2006] et T CD8+

[Jilek et al., 2008] plus forte chez les patients SEP que chez des témoins. Une infection par l’EBV pourrait initier une réponse auto-immune par une réactivité des lymphocytes T à la fois contre les protéines du virus et contre des auto-antigènes. En effet, la reconnaissance croisée des lymphocytes T pour les peptides de l’EBV et pour des protéines de la myéline a été prouvée. Cependant, il a été aussi montré que la fréquence des lymphocytes T ayant une double reconnaissance, à la fois des protéines du soi et des protéines virales, était similaire entre les patients souffrant de SEP et les personnes saines [Lünemann et al., 2008].

Figure 23 : Représentation schématique de l’incidence de la SEP en fonction de l’infection par le virus

d’Epstein-Barr. D’après Thacker et al., Ann. Neurol., 2006.

b. Les autres pathogènes suspectés

Bien que l’EBV soit l’agent pathogène privilégié dans l’hypothèse d’une implication virale, d’autres pathogènes ne peuvent pas être exclus. Ces dernières années, l’éventuelle implication de deux autres pathogènes fut également favorisée : Chlamydia pneumoniae et le

virus herpétique humain 6 (HHV6). La découverte de l’ADN de Chlamydia pneumoniae

dans le LCR d’un patient souffrant de SEP fit grand bruit [Sriram et al. 1998] mais cette hypothétique association ne dura pas très longtemps par l’absence de confirmation sûre [Bagos et al., 2006]. Au contraire, le rôle de HHV6, virus en partie neurotrope [Braun et al., 1997], est encore fortement supposé comme influençant la susceptibilité à la SEP [Ascherio et al., 2007a]. Chez les patients SEP, l’ADN de HHV6 est plus fortement retrouvé au niveau du SNC comparé à un individu sain. Par ailleurs, la présence de cet ADN viral est augmentée localement au niveau des lésions inflammatoires par rapport à la substance blanche environnante [Cermelli et al., 2003]. Cependant, ce virus est aussi capable d’infecter les cellules immunitaires. Comme la nature des cellules infectées par HHV6 au niveau des lésions n’a pas été caractérisée, on ne peut pas exclure que l’augmentation de l’ADN de HHV6 observée soit le reflet d’un recrutement massif de cellules inflammatoires au niveau des lésions. Une autre étude nota une activité virale de HHV6, avec la production d’ARN, confinée aux oligodendrocytes à la fois chez les patients SEP et des personnes saines. Cependant, cette

activité virale semblerait beaucoup plus importante dans le SNC des personnes souffrant de SEP [Opsahl et al., 2005].

Il est qu’en même important de rappeler que malgré les troublantes associations trouvées entre divers pathogènes et la SEP, on ne peut pas exclure que les changements observés soient tout simplement la conséquence de changements biologiques mis en place lors de l’apparition d’une SEP plutôt que les causes de la maladie.