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Inactivation du chromosome X et susceptibilité à la SEP

la polarisation lymphocytaire.

I. Inactivation du chromosome X et susceptibilité à la SEP

I.1. Objectifs

Une des caractéristiques communes aux maladies auto-immunes est que les femmes sont plus affectées que les hommes. Bien que cette différence de susceptibilité demeure encore inexpliquée, plusieurs hypothèses furent proposées comme l’importance du système hormonal. Une autre différence majeure entre les hommes et les femmes est le nombre de chromosomes X présents dans chaque cellule et le mécanisme du XCI que cela implique. Ainsi, les femmes sont composées de deux populations cellulaires en fonction de l’origine du chromosome X exprimé, alors que les hommes n’en sont composés que d’une seule. Plusieurs maladies auto-immunes, comme la sclérodermie et la thyroïdite auto-immune, présentent une modification du profil du XCI. En effet, il fut démontré que dans les cohortes de patients souffrant d’une de ces maladies, une plus grande proportion d’individus présentait un fort biais du XCI (c'est-à-dire que l’expression du chromosome X paternel comparée à celle du chromosome X maternel s’éloignait d’un ratio 50:50 dans les cellules sanguines) comparé à une cohorte de témoins. L’objectif de notre travail était de déterminer si un tel phénomène existait dans la SEP, et s’il pouvait expliquer la discordance de statut clinique pour la maladie observée chez des jumelles MZ. Entre le début de cette étude et l’écriture de cette thèse une autre équipe publia des résultats concernant l’importance du XCI dans la SEP [Knudsen et al., 2007].

Le profil du XCI est mesuré par à une succession d’étapes de digestion et d’amplification par PCR (Figure 48). L’ADN génomique est soumis ou non à une étape de digestion par l’enzyme HhaI, qui est sensible aux méthylations. Le chromosome X inactif est fortement méthylé ce qui empêche la digestion des sites reconnus par l’enzyme. Puis est réalisé une amplification par PCR d’un gène localisé sur le chromosome X : le gène codant pour le récepteur aux androgènes. Les oligomères nucléotidiques spécifiques de ce gène encadrent un microsatellite ainsi qu’une séquence reconnue par l’enzyme de digestion HhaI. Seul le gène présent sur le chromosome X inactif peut être amplifié par PCR après digestion avec HhaI. Le profil d’inactivation du chromosome X est alors calculé en mesurant l’intensité des fragments amplifiés après migration en microcapillaires.

Figure 48 : Protocole expérimental permettant de mesurer le profil d’inactivation du chromosome X chez une femme.

Ce profil du XCI est exprimé en pourcentage. 50% représente une inactivation aléatoire du chromosome X, c’est à dire un nombre égal de cellules exprimant le chromosome X d’origine parternelle et de cellules exprimant le chromosome X d’origine maternelle. Ce profil peut s’échelonner de 50% à 100% s’il ne prend pas en compte l’origine du chromosome X inactivé (ce qui est en général le cas pour les études menées sur des cohortes cas-témoins) ou de 0% à 100% s’il en tient compte. 0% et 100% réprésentent alors des biais complets où toutes les cellules expriment un chromosome X de même origine.

I.2. Résultats

I.2.1. L’immortalisation par l’EBV modifie le profil du XCI

Nous disposons au laboratoire d’une importante collection d’ADNs extraits à partir de cellules issues de patients SEP et de témoins, immortalisées par l’EBV. Afin de savoir si ces échantillons pouvaient être utilisés pour étudier l’importance du XCI dans la SEP, il fallu déterminer si l’immortalisation des cellules par l’EBV modifiait le profil du XCI. Dans ce but,

il fut extrait de l’ADN partir de sang frais de 10 individus puis à partir de cellules issues de ces mêmes individus et immortalisées par l’EBV. Le profil de XCI fut mesuré sur les deux types d’ADN pour chacun des individus (Figure 49). Le profil du XCI fut mesuré par amplification du gène codant pour le récepteur aux androgènes. L’analyse de la corrélation démontra que l’immortalisation des cellules avait pour conséquence de modifier leur profil de XCI. En effet, sur les 10 individus testés, l’immortalisation modifia légèrement le profil de XCI chez 2 individus et fortement chez 4 autres individus. L’immortalisation modifiant le profil de XCI chez certains individus, nous avons décidé d’utiliser pour la suite de l’étude uniquement de l’ADN extrait sur du sang frais.

Figure 49 : L’immortalisation des cellules immunitaires par l’EBV modifie leur profil de XCI. Corrélation

comparant le profil du XCI avant et après immortalisation des cellules immunitaires, pour chaque individu. Le profil du XCI est calculé après amplification par PCR du gène codant pour le récepteur aux androgènes, précédée ou non d’une digestion par l’enzyme HhaI. La ligne noire, de fonction Y=X, représente une corrélation parfaite qui serait obtenue si l’immortalisation ne modifiait pas le profil du XCI. N = 10 individus, et chaque rond correspond à un individu.

I.2.2. Les patientes SEP présentent un profil du XCI moins biaisé que les témoins

Afin de déterminer si une modification du profil du XCI pouvait expliquer la plus grande susceptibilité des femmes à la SEP, une cohorte composée de 68 femmes témoins et de 74 patientes souffrant de SEP fut réunie. Le profil du XCI fut mesuré par une approche standard utilisée pour ce genre d’étude (amplification du gène codant pour le récepteur aux androgènes). Le profil du XCI évoluant lentement au cours de l’avancée dans la vie, il était important que nos groupes de patientes SEP et de témoins soient homogènes concernant leur âge. Ainsi, l’âge moyen calculé était de 33,2 ans pour les témoins et de 33,5 ans pour les patientes SEP, ce qui ne représente pas une différence significative (P = 0,82).

La mesure du profil du XCI permit de mettre en évidence une différence significative entre les témoins et les patientes SEP (Figures 50b). En effet, les témoins présentaient en moyenne un biais du XCI plus important (61%) que les patientes SEP (58,4% ; P = 0,02). De plus, l’observation de la répartition des individus en fonction des classes du profil du XCI démontra un plus fort pourcentage d’individus dans la classe de biais 50%-59% chez les patientes SEP que chez les témoins, avec respectivement 73% des individus contre 57% (Figure 50a). Cependant, pour les forts biais du profil du XCI (plus de 80% des cellules ayant le même chromosome X actif), aucune différence significative ne fut démontrée en comparant les deux groupes (P = 0,72 ; Figure 50b). Contrairement à d’autres maladies auto-immunes, comme la thyroïdite auto-immune et la sclérodermie, dans lesquels les patientes présentaient un biais augmenté du profil du XCI par rapport aux témoins, dans la SEP cela semble être l’inverse. Le biais du XCI était plus faible chez les patientes que chez les témoins.

Figure 50 : Le profil du XCI diffère entre la population de patientes SEP et la population de témoins. Le

profil du XCI est calculé après amplification par PCR du gène codant pour le récepteur aux androgènes, précédée ou non d’une digestion par l’enzyme HhaI. (a) Représentation graphique de la répartition des individus en fonction du profil du XCI mesuré. Les barres blanches correspondent aux individus témoins et les barres noires aux patientes SEP. (b) Tableau résumant l’ensemble des données comparant le profil du XCI mesuré chez les témoins et chez les patientes SEP. N = 68 témoins (CTR) et N = 74 patientes SEP. c.i. intervalle de confiance.

I.2.3. Corrélation du profil du XCI au sein de cohortes de jumelles MZ, établie en fonction du statut clinique pour la SEP

Afin de confirmer les données obtenues en cas-témoins et, plus largement, de valider l’hypothèse qu’une modification du profil du XCI pouvait être associée à la susceptibilité à la SEP, nous avons essayé de reproduire ces résultats sur des cohortes composées de jumelles MZ. En effet, l’utilisation de telles cohortes présente des avantages non négligeables : la sœur de l’individu malade sert de témoin idéal car il est possible de faire abstraction de l’information génétique (partagée à 100% entre les deux individus MZ) et en grande partie de l’environnement. Pour cela, nous avons réuni 29 paires de jumelles MZ saines toutes les deux, servant de population témoin (CTR/CTR), 21 paires de jumelles MZ discordantes pour la SEP (CTR/SEP) et 8 paires de jumelles concordantes pour la SEP (SEP/SEP) (Figure 51). La monozygotie des individus fut confirmée génétiquement par l’analyse d’un panel de plusieurs microsatellites répartis sur différents chromosomes. Les deux cohortes les plus importantes en taille ne démontrèrent pas de différences significatives dans l’âge moyen des individus (35,3 ans pour la population CTR/CTR et 40,8 ans pour la population CTR/SEP, P = 0,24). Pour la cohorte SEP/SEP, seul l’âge de 3 couples d’individus était connu, portant l’âge moyen à 51,7 ans. Cependant, il ne différait pas des 2 autres cohortes (P = 0,14 en comparant avec la cohorte CTR/CTR et P = 0,18 en comparant avec la cohorte CTR/SEP).

Le profil du XCI fut mesuré par amplification du récepteur aux androgènes par PCR, ce qui permit de connaître la corrélation qu’il existait pour ce profil entre les individus composant chaque paire de jumelles (Figures 51a-c). Le coefficient de corrélation calculé pour la cohorte CTR/SEP donna un r égal à 0,68 (P = 0,0002 ; Figure 51d). Afin de déterminer si les différences observées du profil du XCI au sein des paires de la cohorte CTR/SEP étaient associées à une discordance du statut clinique pour la SEP ou alors étaient seulement le reflet d’événements stochastiques, le coefficient de corrélation fut calculé pour les cohortes CTR/CTR et SEP/SEP dont les individus sont cliniquement concordants. Les valeurs sont respectivement égales à r = 0,76 (P < 0,0001 ; Figure 51d) et r = 0,43 (valeur exacte ; Figure 51d). Bien que la corrélation soit moins bonne dans la cohorte CTR/SEP par rapport à la cohorte CTR/CTR, une analyse statistique ne permit pas de mettre en évidence une différence significative entre les deux groupes (P = 0,59 ; Figure 51d). Ainsi, l’utilisation de paires jumelles ne permit pas de confirmer l’association d’une modification du profil du XCI avec le statut clinique pour la SEP. Cependant, la tendance à obtenir une corrélation plus mauvaise au sein de la cohorte CTR/SEP comparé à la cohorte CTR/CTR laisse croire que

l’absence de significativité pourrait être dûe à des tailles de cohortes trop restreintes. Cette faible taille des échantillons ne nous permettrait pas d’obtenir une puissance statistique suffisante pour détecter le faible effet de la modification du profil du XCI sur la susceptibilité à la SEP.

Figure 51 : Comparaison du coefficient de corrélation pour le profil du XCI au sein de cohortes de jumelles MZ, en fonction du statut clinique pour la SEP. Le profil du XCI est calculé après amplification par

PCR du gène codant pour le récepteur aux androgènes, précédée ou non d’une digestion par l’enzyme HhaI. CTR : témoins, SEP : patientes SEP. (a-c) Représentation graphique de la corrélation intra-paire pour le profil du XCI. La ligne noire représente la corrélation linéaire au sein de la cohorte. (a) Corrélation pour la cohorte CTR/SEP. Jumelle a : CTR, jumelle b : SEP. N = 21 paires de jumelles. (b) Corrélation pour la cohorte CTR/CTR. N = 29 paires de jumelles. (c) Corrélation pour la cohorte SEP/SEP. N = 8 paires de jumelles. (d) Tableau résumant l’ensemble des données obtenues concernant les coefficients de corrélation du profil du XCI.

aTest de rang de Spearman, bComparaison des coefficients de corrélation avec le groupe CTR/SEP par

transformation en Z de Fisher, cValeur exacte.

I.2.4. La monosomie du chromosome X dans la SEP

Des études réalisées chez les femmes ont montré que plusieurs maladies auto- immunes, en plus d’être associées à une modification du profil du XCI, étaient associées à une augmentation du pourcentage de cellules sanguines ayant perdu un de leur chromosome X.

Afin de déterminer si les patientes SEP présentaient une augmentation du pourcentage de cellules sanguines ayant une monosomie pour le chromosome X, une cohorte de 10 jumelles MZ discordantes pour la SEP fut réunie. Les cellules du sang périphérique furent

marquées par hybridation in situ à l’aide de sondes fluorescentes spécifiques pour les chromosomes X et Y (Figure 52a). Pour chaque individu, il fut compté dans chaque noyau (pour une moyenne de 750 noyaux) le nombre de chromosomes X et éventuellement de chromosome Y. La monosomie pour le chromosome X fut systématiquement confirmée par l’absence de chromosome Y dans le noyau. Le pourcentage de cellules présentant une monosomie du chromosome X était de à 4,1% chez les jumelles témoins contre 4,3% chez les jumelles souffrant de SEP. La comparaison intra-paire ne permit pas de mettre en évidence de différence dans la monosomie du chromosome X chez la jumelle souffrant de SEP par rapport à sa sœur saine servant de témoin (P = 0,8 ; Figure 52b). Ainsi, une plus forte monosomie du chromosome X ne semble pas être un phénomène associé à la SEP.

Figure 52 : Monosomie du chromosome X au sein de paires de jumelles MZ discordantes pour la SEP. (a)

Image obtenue en microscopie à champ large après marquage des chromosomes X et Y par hybridation in situ. L’image de gauche provient du marquage de cellules du sang périphérique d’une femme. Une cellule présentant une monosomie du chromosome X y est visible (flèche blanche). L’image de droite provient du marquage de cellules du sang périphérique d’un homme. Le noyau des cellules, marqué au DAPI, apparaît en bleu. Les sondes spécifiques des chromosomes X et Y apparaissent respectivement en vert et en rose. (b) Comparaison de la monosomie du chromosome X au sein de chaque paire de jumelles MZ discordantes pour la SEP. Les lignes noires relient chacune des sœurs d’une paire. N = 10 paires de jumelles MZ.

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