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Facteurs épigénétiques et susceptibilité à la SEP

la polarisation lymphocytaire.

II. Facteurs épigénétiques et susceptibilité à la SEP

II.1. Inactivation du chromosome X et susceptibilité à la SEP

Bien que la SEP soit considérée comme une maladie auto-immune à forte composante génétique dans sa pathogénie, la forte proportion de discordance clinique chez les jumeaux MZ suggère que des facteurs environnementaux et épigénétiques sont aussi impliqués [Willer et al., 2003]. Par ailleurs la SEP, comme d’autres maladies auto-immunes, affecte plus

fortement les femmes que les hommes. Bien que plusieurs hypothèses furent avancées pour expliquer ce phénomène, aucune n’est entièrement satisfaisante. Récemment, des travaux ont montré que le XCI, mécanisme épigénétique mis en place uniquement chez les femmes, était associé à plusieurs maladies auto-immunes telles que la sclérodermie [Ozbalkan et al., 2005], la thyroïdite auto-immune [Ozcelik et al., 2006] et tout dernièrement la polyarthrite rhumatoïde

[Chabchoub et al., 2009]. Notre travail sur le phénomène du XCI dans la SEP s’inscrit dans cette recherche des maladies auto-immunes pour lesquelles ce phénomène épigénétique serait impliqué. Par une étude en cas-témoins nous avons observé une modification significative du profil du XCI chez les patientes SEP. Ces observations sont en contradiction avec celles obtenues par une autre équipe pour qui le profil du XCI était inchangé dans la SEP [Knudsen et al.2007]. Ces résultats discordants peuvent s’expliquer par la méthode de mesure du XCI reposant sur des étapes de digestion et d’amplification PCR, toutes susceptibles d’induire des biais dans les observations faites. De plus la SEP, par son hétérogénéité, peut faire que la cohorte SEP de notre étude présente des différences cliniques comparé à celle incluse dans l’étude de Knudsen et al. Afin d’éviter une possible hétérogénéité entre les patients et les témoins, indépendante de la discordance clinique pour la SEP, nous avons choisi de poursuivre notre travail en étudiant le phénomène du XCI chez des jumelles MZ discordantes pour la maladie. Cette méthode présente l’avantage d’avoir une femme « saine » servant de témoin apparié à sa jumelle souffrant de la maladie. Cependant, bien que les différences intra- paire du profil du XCI soient plus marquées chez les jumelles MZ discordantes pour la SEP (coefficient de corrélation égal à 0,68) que chez des jumelles MZ témoins (coefficient de corrélation égal à 0,76), cette différence n’atteignit pas la significativité (P = 0,59). Le faible poids d’un tel facteur épigénétique dans la pathogénie de la SEP, ainsi que la faible taille de la cohorte de jumelles MZ disponible, pourrait expliquer cette absence de significativité. Si nos données d’épigénétique se voyaient confirmées, la SEP serait la première maladie auto-

immune pour laquelle le profil du XCI serait modifié, non pas vers un plus fort biais mais vers un biais moyen moins important.

Bien que les travaux sur l’association du phénomène du XCI avec les maladies auto- immunes émettent l’hypothèse qu’un fort biais du XCI est un facteur causal dans le développement de la maladie [Stewart et al., 1998], il est important de garder à l’esprit que cette

causalité n’a jamais été formellement démontrée. En effet, même si le chromosome X héberge de nombreux gènes de l’immunité (FOXP3, CD40L, la chaîne α de l’IL-2R) ou des gènes codant pour des antigènes contre lesquels le système immunitaire peut se retourner (par exemple la protéine PLP dans le cas de la SEP), le biais du XCI observé sur les cellules sanguines pourrait être le simple reflet d’un dérèglement général du système immunitaire favorisant l’expansion clonale d’une sous-population cellulaire. Afin de pouvoir considérer le phénomène du XCI comme un facteur potentiellement responsable de la prédominance des femmes dans les maladies auto-immunes, les futurs travaux devront étudier le phénomène dans d’autres maladies auto-immunes, mais aussi mesurer le profil du XCI dans plusieurs types de cellules, dont ceux localisés au niveau du tissu cible et non pas uniquement dans le sang. En effet, l’observation d’un biais du XCI généralisé à l’ensemble des tissus d’un organisme suggèrerait que ce biais est présent avant même le développement de la maladie. Ce mécanisme épigénétique serait alors susceptible d’être responsable, par un mécanisme qui reste à expliquer, de l’apparition de la maladie. A l’inverse si ce biais était observé uniquement dans le sang, le phénomène pourrait être simplement une des conséquences du développement de la maladie.

Par ailleurs, le phénomène épigénétique du XCI s’accompagne parfois d’une élimination du chromosome X inactivé conduisant à une monosomie du chromosome X dans la cellule. Pour deux maladies auto-immunes, la sclérodermie et la thyroïdite auto-immune, l’augmentation du biais du XCI s’accompagne d’une augmentation de la monosomie du chromosome X dans les cellules sanguines [Invernizzi et al., 2005]. L’étude de ce phénomène dans la SEP au moyen de jumelles MZ discordantes pour la maladie ne permit pas de mettre en évidence l’éventuelle implication de la monosomie du chromosome X dans la pathogénie de la SEP.

II.2. Conclusion

L’importante discordance des jumeaux MZ pour la SEP démontre que les facteurs environnementaux et les facteurs épigénétiques ont un effet non négligeable dans la pathogénie de la maladie. Certaines études réalisées sur le lupus érythémateux et la polyarthrite rhumatoïde suggérèrent que les lymphocytes T des patients présentaient un défaut d’activité d’une enzyme intervenant dans la méthylation de l’ADN. Dans la SEP peu d’études se sont interessées à l’importance des facteurs épigénétiques dans le développement de la maladie. Cela est principalement dû à la difficulté d’étudier les facteurs épigénétiques sur de larges cohortes de patients. En effet, les facteurs épigénétiques modifient l’expression des gènes sans pour autant modifier la séquence de l’ADN. L’étude de ces facteurs par des approches d’association conventionnelles, reposant sur une amplification de l’ADN, est donc impossible. Cependant, avec l’apparition de nouvelles techniques permettant d’étudier l’épigénome d’un individu (principe comparable aux puces à polymorphismes mais pour les modifications épigénétiques de l’ADN), on peut espérer que, dans le futur, des modifications épigénétiques dans des gènes soient identifiées comme associées à une susceptibilité accrue à la SEP.