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Implication du CMH-II dans la susceptibilité à la sclérose en plaques

II. Les facteurs de susceptibilité à la sclérose en plaques

II.1. Les facteurs génétiques

II.1.6. Importance du complexe majeur d’histocompatibilité dans la susceptibilité à la sclérose en plaques

1.6.1. Implication du CMH-II dans la susceptibilité à la sclérose en plaques

Dès 1972, une association entre le locus du CMH et la SEP fut détectée. Cette association était le premier rapport d’une association génétique entre le CMH-II et une maladie humaine. Bien que d’abord rattachée au CMH-I, l’association s’avéra par la suite être sous la dépendance du CMH-II et en particulier de l’haplotype HLA-DR2 [Ramagopalan et al., 2009a] (Figure 17). Par la suite, lorsque le typage du sérum fut possible, il apparu que le déterminant DR2 incluait deux sous-types sérologiques : HLA-DR15 et HLA-DR16. Plus tard, les gènes correspondant aux sous-types sérologiques furent clonés. Il fut démontré que chaque sous-type pouvait également être séparé en deux : HLA-DRB1*1501 et 1502 pour DR15, HLA-DRB1*1601 et 1602 pour HLA-DR16. Aujourd’hui, nous savons que le facteur

critique dans l’association entre HLA-DR2 et la SEP est l’allèle HLA-DRB1*1501 [Svejgaard et al., 2008].

Mais, en réalité, la situation est un peu plus compliquée que cette vision simpliste. Cette situation est principalement due à un fort LD présent dans le domaine du CMH. En effet, la chaîne bêta de HLA-DR est codée par deux loci HLA-DR qui contiennent chacun plusieurs allèles. L’allèle HLA-DRB5*0101 est retrouvé en déséquilibre complet de liaison avec l’allèle HLA-DRB1*1501. Ces deux allèles sont présents ensemble dans un même haplotype associé à la SEP [Fogdell et al., 1995]. Un travail récent essaya de dissocier les effets

respectivement portés par les loci HLA-DRB1 et HLA-DRB5 [Caillier et ail., 2008]. Cette étude

suggéra que le locus HLA-DRB1 était le locus directement responsable de la susceptibilité à la SEP alors que le locus HLA-DRB5 aurait, quant à lui, un rôle dans l’atténuation de la sévérité de la SEP.

Deux allèles supplémentaires, localisés dans deux autres loci, sont en déséquilibre complet de liaison avec les allèles HLA-DRB1*1501 et HLA-DRB5*0101. Il s’agit des allèles HLA-DQA1*0102 et HLA-DQB1*0602. Bien que le LD soit complet entre l’allèle HLA-DRB1*1501 et l’allèle HLA-DQB1*0602 chez les Européens, les personnes d’origine africaine présentent une diversité haplotypique plus importante. Cette diversité accrue fait que ces deux allèles ne sont pas toujours retrouvés dans le même haplotype. Caballero et al. utilisèrent une population afro-brésilienne afin de dissocier les effets des loci HLA-DRB1 et HLA-DQB1 [Caballero et al., 1999]. Dans cette population, l’allèle HLA-DQB1*0602 fut trouvé comme associé à la SEP en l’absence de l’allèle HLA-DRB1*1501. L’allèle HLA- DRB1*1501, peu présent dans cette population, était remplacé par l’allèle HLA-DRB*1503. Oksenberg et al. réalisèrent un travail similaire dans une population d’afro-américains

[Oksenberg et al., 2004]. Dans cette seconde étude, le résultat obtenu allait en faveur d’un effet du locus HLA-DRB1 associé à la susceptibilité à la SEP de manière indépendante de l’allèle HLA-DQB1*0602. Enfin, une troisième étude associa l’allèle HLA-DQB1*0602 avec une susceptibilité à la SEP chez les Brésiliens d’origine africaine, alors que l’allèle HLA- DRB1*1501 fut associé à un risque augmenté de SEP dans la population brésilienne d’origine européenne [Alves-Leon et al., 2007]. En conclusion, malgré des résultats parfois contradictoires,

on peut dire que l’allèle HLA-DRB1*1501 et/ou l’allèle HLA-DQB1*0602 sont presque toujours associés à la susceptibilité à la SEP. De plus, il existe un effet dose visible pour l’allèle HLA-DRB1*1501. Si on compare des personnes ne possédant pas d’allèle HLA- DRB1*1501 à des personnes possédant une seule copie de cet allèle, on observe un risque

relatif augmenté pour la SEP (OR = 2,7). Cependant, cette augmentation du risque est moins importante que chez les personnes homozygotes pour HLA-DRB1*1501, avec une différence de plus de 2 fois (OR = 6,7). Cet effet dose pourrait s’expliquer par une présentation plus efficace de l’antigène chez les personnes homozygotes pour cet allèle, chez qui la protéine serait deux fois plus présente [Barcellos et al., 2003].

Figure 17 : Allèles de l’haplotype du HLA-DR2 associés à la sclérose en plaques (l’implication des marqueurs

entre parenthèse semble due à un déséquilibre de liaison). D’après Svejgaard et al., Immunogenetics. 2008.

Cependant, il existe une exception au monopole de l’haplotype HLA-DR2 dans la susceptibilité à la SEP. Dans la population sarde, l’association avec la maladie implique le HLA-DR3 et le HLA-DR4. Les haplotypes respectifs sont les suivants : HLA-DRB1*0405 DQA1*0501 DQB1*0301 et HLA-DRB1*0301 DQA1*0501 DQB10201 [Marrosu et al., 1998]. Dans cette population, l’haplotype HLA-DR2 classiquement associé à la SEP (HLA- DRB1*1501 et HLA-DQB1*0602) est plus rare (3%) que dans le reste de la population européenne (15%) [Lernmark et al., 2002]. Par ailleurs, l’haplotype DR2 le plus fréquent contient l’allèle HLA-DRB1*1601 ne prédisposant pas à la SEP.

En plus des allèles agissant seuls sur la susceptibilité à la SEP, il peut exister des phénomènes d’épistasie entre les différents loci présents dans le domaine du CMH (Figure

18). En effet, certains allèles ont peu d’effet sur la susceptibilité à la SEP lorsqu’ils sont

retrouvés seuls, mais entraînent une modification du risque lorsqu’ils sont en combinaison avec un autre allèle. Ces modèles d’épistasie peuvent avoir soit un effet de synergie augmentant alors la susceptibilité à la SEP, soit à l’inverse un effet de dominant négatif sur le risque [Ramagopalan et al., 2009b]. Par exemple, l’effet de synergie peut être retrouvé avec l’allèle HLA-DRB1*08. En effet, cet allèle, lorsqu’il est seul, n’augmente que modestement le risque de SEP (OR = 1,2). Cependant, lorsqu’il interagit avec l’allèle HLA-DRB1*1501 présent en trans, le risque est fortement augmenté. Le risque est presque doublé par rapport à celui conféré par une seule copie de l’allèle HLA-DRB1*1501 (OR passant de 1,64 à 2,39)

[Dyment et al., 2005]. La situation inverse peut être démontrée avec l’effet dominant négatif conféré par l’allèle protecteur HLA-DRB1*14 [Ramagopalan et al., 2007a]. La présence d’un

allèle HLA-DRB1*14 en combinaison avec un allèle HLA-DRB1*15 diminue d’environ 3 fois le risque conféré par l’allèle HLA*DRB1*15.

Figure 18 : Risque génotypique relatif pour la sclérose en plaques en fonction des combinaisons d’allèles

contenues dans le locus HLA-DRB1 (le risque basal de valeur 1 est arbitrairement donné au génotype HLA- DRB1*X/X). D’après Ramagopalan et al., Neurology, 2009b.

L’utilisation du modèle animal de la SEP, l’EAE démontra l’implication directe de l’haplotype HLA-DR2 dans la susceptibilité à la maladie. Ceci fut démontré en utilisant des souris humanisées exprimant le HLA-DRB1*1501 soit seul, soit en combinaison avec le HLA-DRB5*0101, et possédant des lymphocytes spécifiques d’une protéine de la myéline (la protéine MBP, pour protéine basique de la myéline) [Gregersen et al., 2006]. Les animaux exprimant seulement l’allèle HLA-DRB1*1501 développaient une maladie spontanée très sévère. Par contre, l’ajout de l’allèle HLA-DRB5*0101 en combinaison avec l’allèle HLA- DRB1*1501 diminuait à la fois l’incidence et la sévérité de la maladie. Ces données confirment les résultats d’association obtenus chez l’Homme. De plus, il fut suggéré que l’effet de protection partielle conféré par l’allèle HLA-DRB5*0101 ne provenait pas d’une tolérance centrale (élimination ou inactivation des cellules auto-réactives lors de leur maturation dans le thymus), mais plutôt de leur délétion en périphérie. Par ailleurs, il fut démontré qu’un TCR provenant d’une personne souffrant de SEP avait la capacité de

reconnaître d’une part la MBP présentée par l’allèle HLA-DRB1*1501, d’autre part un peptide du virus d’Epstein-Barr (EBV) présenté par l’allèle HLA-DRB5*0101 [Lang et al., 2002]. Ces résultats laissent penser qu’une infection par l’EBV permettrait l’activation, via la présentation de peptides viraux par HLA-DRB5*0101, de cellules réagissant contre la protéine MBP présentée par le HLA-DRB1*1501. Cela pourrait conduire à une réaction auto- immune [Svejgaard et al., 2008]. Nous reviendrons par la suite sur l’éventuelle existence d’une association entre la SEP et l’EBV.