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et la société anonyme

A. Les administrateurs 4

La loi ne prévoit pas expressément, hormis les tantièmes, une rémunération des administrateurs ; la jurisprudence5 et la doctrine6 l’admettent sans beau-coup de discussions ; seul Ruedin7ne se rallie qu’avec une certaine réticence à cette opinion, préférant le recours aux tantièmes, au moins pour la part qu’il qualifie de « prestations à bien plaire ».

De même, est-il incontesté que sous la rubrique rémunération l’on inclue d’éventuelles indemnités de départ.

B. La direction

Le fondement de la rémunération des membres de la direction réside dans les rapports contractuels entre ceux-ci et la société. La loi ne vise ces indemnités qu’indirectement dans les règles sur la transparence dans les sociétés cotées.

3 Décision ZUL/CG/II/06, disponible sur le site précité, accessible par le biais du Commentaire de la DCG, sous 5.1.

4 RuedinR.,Rémunération de ladministrateur de société anonyme, in : « Wirtschaftsrecht zu Beginn des 21. Jahrhunderts, Festschrift für Peter Nobel », Berne (Stämpfli) 2005, p. 313-335.

5 Par exemple : ATF 11 II 480 ss ; 86 II 162.

6 Récemment encore,No be l P.,Board und Management Compensation, Zurich, (Schulthess) 2007, p. 53 ss ;MustakiG.,La rémuneration des administrateurs,in :» De Lege Negotiorum », Etudes en lhonneur de François Chaudet, Genève, (Slatkine) 2009, p. 151-196, 161 ss, 182.

7 Ruedin(2005), p. 325 ss et 333.

C. Compétences

Le conseil d’administration est compétent pour fixer sa rémunération et celle de la direction8. Cette seconde compétence relève à l’heure actuelle des préro-gatives intransmissibles du conseil d’administration, soit au titre de la haute di-rection, soit à celui de la nomination et de la révocation des personnes chargées de la gestion (article 716a I, chiffres 1 ou 4 CO).

L’assemblée générale n’intervient ex legequ’en matière de tantièmes, soit en pratique quasi jamais. Comme le fait remarquer avec pertinence Jean Luc Chenaux,

« la disparition progressive des tantièmes a eu pour conséquence de soustraire à l’assemblée générale la compétence de fixer la rémunération du conseil d’ad-ministration et, partant, de diminuer la transparence des rémunérations du conseil d’administration ».

Pour pallier ce changement de paradigme, il reste cependant possiblede lege latade prévoir par une disposition statutaire ad hoc, ou par une décision du conseil d’administration9, de soumettre à l’assemblée générale à titre consultatif toutes les rémunérations prévues, ou au moins les principes géné-raux qui y sont appliqués10.

Les statuts peuvent aussi prévoir la possibilité de faire fixer par l’assemblée générale la rémunération des membres du conseil d’administration11. Cette possibilité est à ma connaissance très rarement utilisée. En l’état, la fixation par l’assemblée générale des salaires et indemnités de la (haute) direction serait contraire à la répartition impérative des compétences statuées par l’article 716a CO.

D. Transparence

Un moyen devenu traditionnel en matière de gouvernance des entreprises pour faire face à des exigences délicates consiste à prescrire la transparence12; celle-ci est présentée comme un remède aux vices cachés, présumant que la ré-vélation empêche certains abus. Le présent article n’est pas le lieu de vérifier cette présomption, on a toutefois déjà pu remarquer que dans certains cas, en

8 Sous ce vocable, on comprend l’échelon hiérarchique supérieur de la direction, par exemple :Watter R.,MaizarK., Basler Kommentar OR-II, art. 663b bis, N 28 (réf.). Sur les compétences, par exemple, Bö ckliPeter,Schweizer Aktienrecht, Zurich (Schulthess) 2003, § 13 N 369 ss.

9 Comme dans certaines sociétés cotées pour leurs assemblées générales tenues en 2009.

10 Bö ckli(2003), § 12 N 40 ss sur les votes consultatifs ;Nob el(2007), p. 97 ss.

11 Par exemple,Nobel (20 07), loc.cit. note 10.

12 Sur les justifications possibles et l’évolution,Mustaki (200 9), p. 152 ss.

matière de rémunérations, la connaissance de celles versées par des concur-rents a entraîné une surenchère. Toutefois, cet effet pervers peut être limité si l’on ne limite pas la divulgation à des chiffres absolus, mais exige des explica-tions sur les principes qui sous tendent leur fixation et le concept global de ré-munération d’une société.

Dans ce cadre, les règles de la Bourse suisse précitée et l’article 663b bis CO qui les a suivies ont amené quelques progrès, mais aussi beaucoup de ques-tions. Les renseignements fournis ne sont pas toujours lisibles, ni surtout comparables. Les publications ne sont pas toutes aussi bien présentées que l’exemple préparé par les auteurs du commentaire bâlois sur le sujet13.

La transparence reste cependant un élément utile en la matière, qui devrait permettre de satisfaire non seulement la curiosité, mais les intérêts des action-naires, investisseurs et, le cas échéant, des autorités de surveillance. Elle reste malheureusement encore limitée aux sociétés cotées et l’on ne saurait se satis-faire à cet égard de la possibilité pour les autres actionnaires de passer par le

« détour » du droit aux renseignements ou du contrôle spécial pour tenter d’ob-tenir des informations sur les rémunérations dans les sociétés privées14.

III. Quelques propositions E. Le projet du 5 décembre 2008

La discussion en cours a conduit le Conseil fédéral à publier le 5 décembre 200815un message où il ajoute un pan à la révision en cours du droit de la so-ciété anonyme16, révision qui concerne déjà les rémunérations (projet 1). L’occa-sion lui en a été fournie par l’initiative populaire « contre les rémunérations abusives ». Le Conseil fédéral présente ces modifications supplémentaires du CO comme contre-projet indirect à cette initiative (projet 2).

Il ne s’agit pas de discuter les détails17, mais seulement quelques traits in-téressants de ce projet 2 dont la gestation doit probablement battre des records de rapidité.

13 Watter,Maizar(2008), art. 663b bis, chiffre X. Il est vrai que la règle est récente en droit privé.

14 Par exemple,PauliB., CO II, no 10 ad 697a CO.

15 FF 2009, p. 265 ss.

16 Projet du 21 décembre 2007, FF 2008, p. 1407, projet 1 ; discuté parMustaki(2009).

17 BlancO.,Zihle rF.,Die neuen aktienrechtlichen Vergütungsregeln gemäß dem Entwurf vom 5. De-zember 2008, Gesellschafts- und Kapitalmarktrecht 1/2009, p. 66 ss.

1. Les sociétés cotées

Tout d’abord, le projet 2 instaure pour les sociétés cotées l’exigence de l’édic-tion par le conseil d’administral’édic-tion non seulement d’un règlement de rémuné-ration18, mais aussi d’un rapport de rémunération19, rapport annuel à l’atten-tion de l’assemblée générale. Ce rapport doit être communiqué de la même manière que le rapport de gestion.

Ensuite, l’assemblée générale se voit octroyer la compétence impérative d’approuver chaque année le montant global des indemnités du conseil d’ad-ministration20. Cette approbation porte sur les indemnités de base de la durée du mandat à venir et sur les indemnités supplémentaires pour l’année écoulée.

Le commentaire de cette innovation précise qu’en cas de refus de l’indemnité de base par l’assemblée, l’administrateur refusera certainement son élection.

Cette règle suppose ainsi des mandats annuels (projet 1).

Enfin, l’article 731 f prévoit un vote consultatif impératif de l’assemblée gé-nérale sur le montant global des indemnités perçues par les personnes chargées de la gestion pour l’exercice écoulé. Il précise qu’en cas de refus, les montants restent dus.

Prima vista, les deux premières innovations, soit le règlement et le rapport de rémunération, devraient contribuer à remettre quelque ordre dans les dé-bats et à produire des réflexions bienvenues, même si les diverses chartes des comités d’audit de différentes sociétés cotées et publiques donnent déjà quel-ques indications. La publication plus systématique des critères de rémunéra-tion et du concept salarial des entreprises devrait permettre une meilleure comparaison. Si l’on ajoute la formalisation d’une règle pourtant à mon avis déjà évidente21, soit la nécessité pour les administrateurs (de toutes les sociétés cotées ou non) de

«(...) veiller à fixer les indemnités en considération non seulement de la situ-ation économique de l’entreprise mais encore de sa prospérité à long terme », on peut espérer l’instauration d’un meilleur débat. Toutefois, ces proposi-tions impliquent toutes une participation plus active et plus critique des action-naires, des investisseurs si on veut échapper à la simple création d’un rapport de plus, sans contenu réel. La crise facilite peut-être la critique, il conviendrait que celle-ci s’instaure de manière plus permanente.

18 Art. 731 CO; le règlement nest en principe pas soumis à lapprobation de lassemblée générale.

19 Art. 731d CO.

20 Art. 731e CO.

21 Nouvel alinéa 1a à l’art. 717 CO. Il s’applique à toutes les sociétés anonymes.

2. Toutes les sociétés

Il sera loisible selon le projet 2 de prévoir dans les statuts les compétences de l’assemblée générale relative à la fixation de toutes les rémunérations (supra chiffre 1, articles 731a à f)) et même de les étendre, par exemple à la fixation des indemnités particulières22. Des règles qui facilitent la restitution des presta-tions perçues indûment, soit celles qui sont disproportionnées au vu des contre-prestations fournies, sont aussi prévues ; elle sont plus larges que celles du projet 123.

Le projet 2 ne dit rien des éventuels comités de rémunération du conseil d’administration ; on pourrait souhaiter qu’ils soient composés d’administra-teurs indépendants uniquement.

L’on peut regretter le caractère un peu « réactif » de ce projet 2. En particu-lier, la durée annuelle des mandats d’administrateurs et l’approbation annuelle aussi des enveloppes de rémunérations pourraient entrer en conflit avec le juste principe de développement durable maintenant exprimé comme devoir de ces mêmes administrateurs. Il ne faut cependant pas, au nom d’une cohérence qui cacherait d’autres arrière-pensées sur le rôle du législateur dans cette matière difficile, enterrer le projet 2. Il mérite mieux.