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1. CHAPITRE 1 : Contexte

1.3. Le travail des cadres

1.3.1. Les activités et le travail réel des cadres

Barbier (2011) explique que l’analyse du travail du dirigeant s’appuie sur leurs trajectoires personnelles et leurs vécus. Bien que son étude ne porte pas sur le travail des cadres en général, cette référence est pertinente pour décrire le travail de gestion et pour mieux comprendre la réalité de ceux qui prescrivent le travail et dont les cadres intermédiaires sont directement tributaires. Les dirigeants ont comme principale tâche de faire réaliser le travail par d’autres et ils doivent par conséquent savoir comment pensent les travailleurs, avoir l’expérience de leurs expériences. Selon Barbier (2011, p. 64), « la construction de l’expérience d’autrui requiert des cadres interprétatifs, mais elle requiert également des phénomènes d’identification » avec leur histoire personnelle et professionnelle. Non seulement le travail des dirigeants est un métier d’intervention sur autrui, mais il tend principalement à agir sur l’engagement des travailleurs, le but étant de les faire travailler en imposant des limites dans le travail. Selon Chauvigné (2011), pour amener les différents acteurs de l’organisation à contribuer individuellement et collectivement à l’atteinte des objectifs, les dirigeants vont agir sur la structure et l’environnement de l’activité, ainsi que

21 sur le sens que les acteurs donnent à leur activité. Les dirigeants peuvent favoriser ou non le déploiement de l’activité de travail en prenant les décisions qui touchent à l’organisation formelle du travail, la délégation des tâches, la circulation de l’information et l’attribution des ressources. Par exemple, afin de maintenir l’engagement de l’activité de ses troupes, un dirigeant peut décider de filtrer ou modifier des informations telles que les profits réels qu’a faits l’entreprise. Les dirigeants peuvent aussi agir sur le sens que les acteurs donnent à leur activité en utilisant divers moyens pour convaincre, influencer ou manipuler autrui afin d’obtenir son adhésion. Par exemple, le dirigeant peut jouer sur l’image de soi positive ou négative du travailleur dans le but d’obtenir un comportement en particulier. L’activité du dirigeant, en ayant pour but de susciter l’activité d’autrui, renvoie à la question du pouvoir, qui est centrale quand on regarde le travail des cadres. En effet, selon Mintzberg (1989), c’est la personne qui occupe le plus haut poste de la hiérarchie (président, PDG, directeur général) qui détient le plus de pouvoir et qui a le plus d’influence dans l’organisation. Aussi, l’image que projette le dirigeant est primordiale pour lui : comme son travail est associé à sa personne, il n’est donc pas rare qu’il veuille afficher publiquement son pouvoir et se montrer en contrôle afin d’évacuer les doutes et les incertitudes. Prenant appui sur les théories de la psychodynamique du travail, Wolf Ridgway (2010) soutient que le travail du dirigeant est « ce qui se rajoute à la prescription de pouvoir, de maîtrise et de contrôle de l’organisation, de l’environnement et de soi-même et trouve un arrangement avec le “réel” qui s’y oppose en tous points » (p. 243).

Comme le travail des dirigeants, le travail des cadres est caractérisé par l’hétérogénéité et la superposition des activités, passant constamment et rapidement d’un registre de préoccupation à un autre (Barbier, 2011, Mispelblom Beyer, 2006). Conséquemment, la charge cognitive liée au traitement des informations est très importante (Carballeda et Garrigou, 2001). Selon ces ergonomes, les postes de cadres sont soumis à une rotation très importante, les cadres restent généralement très peu de temps au même endroit et ils doivent constamment se familiariser avec une nouvelle organisation du travail, une nouvelle équipe, de nouvelles priorités, etc. Ils passent en général de très longues heures dans le milieu de travail et amènent du travail à la maison; l'envahissement de la vie personnelle par la vie professionnelle étant considéré par les cadres comme normal pour atteindre la performance attendue. Les auteurs mettent aussi en évidence le manque de

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précision du travail prescrit par la haute direction. Les tâches sont souvent sous forme d’objectifs, de résultats ou d’indicateurs de performance attitrés à leur équipe entière, mais à partir desquels ils sont eux-mêmes jugés et évalués. Ils doivent souvent fixer leurs propres limites de leur travail et certaines tâches sont largement sous-estimées, telles que les tâches administratives et les réunions, ce qui vient alourdir leur charge de travail. De surcroît, les cadres doivent généralement se tenir à jour au niveau de la technique afin d’être en mesure de répondre aux difficultés rencontrées sur le terrain, ainsi que de soutenir et évaluer leur personnel et définir les tâches de travail. Leur travail quotidien est très changeant et irrégulier selon les urgences du moment, mais en même temps, ils ont à prendre en compte les objectifs à courts, moyens et longs termes dans leurs pratiques de gestion, ce qui les amène à devoir constamment jongler avec des dynamiques temporelles changeantes. Ils éprouveraient aussi des difficultés à comprendre le travail réel de leurs employés, soit à prendre en compte la complexité et la variabilité des situations de travail des personnes sous leur responsabilité (Carballeda et Garrigou, 2001). Néanmoins, concernant leurs relations avec les employés, les cadres se disent responsables autant des travailleurs que des personnes elles-mêmes, c’est-à-dire que les déterminants intimes, subjectifs et relationnels constituent aussi le travail de l’encadrement. Prenant cette information en considération, il peut alors sembler étonnant de constater la tenue de certaines conduites vues précédemment de la part des cadres envers leur personnel.

1.3.2. Les difficultés liées à la position intermédiaire et au rôle