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CHAPITRE II : CADRE CONCEPTUEL

1. LA LECTURE EN TANT QUE CONCEPT GÉNÉRAL

2.5 LA LECTURE CRITIQUE AU SEIN DES MODÈLES DE LECTURE RETENUS

Nous n'avons pas ici la prétention de proposer un modèle de compréhension en lecture critique ; notre objectif général de recherche est plutôt d’en développer les habiletés chez des apprenants de FLE. Nous croyons que l'exploration des éléments constitutifs des modèles exposés ayant trait au lecteur expérimenté nous apportent des éléments de réponse et guident notre réflexion telle qu'exposé aux prochains paragraphes. Donc, à la lumière des deux modèles présentés auparavant, soit ceux d’Irwin (1986) puis celui de Giasson (1990), nous situerons la lecture critique, notamment ses processus.

Autrefois, on pensait que le sens se trouvait dans le texte et que le lecteur devait le « pêcher » (comme dans les modèles ascendants). Aujourd'hui, on conçoit plutôt que le lecteur crée le sens du texte en se servant à la fois du texte, de ses propres connaissances et de son environnement de lecture (Giasson, 2000). Dans la même perspective, Fayol (2002) décrit la compréhension comme un processus intellectuel. Il affirme en effet que « comprendre un discours ou un récit, c’est construire une représentation mentale intégrée et cohérente de la situation décrite par ce discours ou ce texte » (p. 10).

La lecture critique est un niveau supérieur de la lecture en général, qui ne se limite pas à comprendre le texte en global mais qui met l’accent sur le fait de saisir le sens implicite (McDonald, 2004). La lecture critique est un niveau mental supérieur où le lecteur distingue entre les idées principales et secondaires, entre les faits et les opinions (Carrell, 1998), saisit le sens implicite dans le texte, déduit, évalue, donne son opinion, juge ce qu’il lit (Collins, 1994 ; McDonald, 2004). En plus, la lecture critique nécessite la compréhension à la fois littérale et déductive (Corry, 2002).

À la lumière des deux modèles exposés, les habiletés de la lecture critique peuvent être appartenir sous les catégories indiquées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 4- Les processus de lecture critique

Les processus de lecture critique

L es p roc essu s Processus d’intégrat ion

Macro-processus Processus d’élaboration Processus métacognitifs

Fon ction -Trouver des liens entre les phrases. La distinction et la comparaison. - L'inférence. -Contrôler la compréhension en s’ajustant au texte. L es sou s- p roc essu s - Interpréter le sens exact de chaque paragraphe. -Déterminer la relation entre les idées.

-Distinguer les idées principales des secondaires. -Déterminer le genre du texte. -Distinguer la fantaisie de la réalité. -Distinguer la réalité de l’opinion personnelle. -Mettre en ordre logique les événements contenus dans le texte.

-Faire des inférences - Se poser des questions pendant sa lecture. -Interprétation (déchiffrer en expliquant et clarifiant le texte).

-Effectuer des relations entre des parties du texte afin de construire du sens. -Déduire les relations entre les causes et les

conséquences.

-Déduire les conséquences qui pourraient avoir lieu.

-Déduire le but de l’auteur -Déduire l’idée principale de chaque paragraphe -Déduire les sens implicites.

- identifier les techniques de manipulation.

-Juger de la validité et de l’adéquation des idées. - Juger de l’objectivité de l’auteur.

- Juger des ressources auxquelles l’auteur avait recours.

-Évaluation. (Basé sur des études relatives à la lecture critique dont Amer (2004) et Paul et Elder (2008)

Selon Irwin (1986 et 1991) et Giasson (1990 et 2003), les processus de lecture sont expliqués comme étant les habiletés mises en place pour réaliser une tâche demandée. Ces différents processus sont mis en place de façon simultanée et non séquentielle. Les microprocessus font référence aux habiletés nécessaires pour comprendre une phrase (microsélection, reconnaissance des mots, décodage, etc.). Les processus d’intégration permettent de comprendre les relations entre les phrases (connecteurs, inférences logiques, référents). Les macroprocessus visent une compréhension du texte dans son

ensemble (idées principales, résumé, structure du texte). Les processus d’élaboration amènent le lecteur à sortir du cadre présenté par l’auteur (prédictions, imagerie mentale, liens avec les connaissances antérieures). Les processus métacognitifs, pour leur part, permettent au lecteur de gérer sa compréhension, de s’autoréguler et de s’ajuster au cours de sa lecture.

Les stratégies de lecture associées aux macroprocessus favorisent la compréhension générale du texte lu (Giasson, 2003 ; Irwin, 1991). Il s’agit de la coopérativité lectorielle16, de l’identification des

idées principales, de la relecture partielle, du résumé, des stratégies de relation de texte et de la stratégie du plan. En lecture critique, il s’agit de faire des liens entre les idées du texte pour déduire les idées principales. Identifier les idées principales est le fait de savoir « distinguer clairement les points importants des détails superflus » (Boucher et De Koninck, 2001-2002, p. 71). L’idée principale peut se trouver dans une phrase du texte (Giasson, 2011). Dans le cas de l’idée principale implicite, il s’agit d’une idée principale à produire, car elle n’a pas été explicitement écrite dans le texte. À ce moment, le lecteur doit se poser la question à savoir : « Quelle est la chose la plus importante que l’auteur veut nous dire dans son texte ? » (Giasson, 2003, p. 234).

Également, le lecteur résume les paragraphes afin de dégager les idées principales dans le texte en entier (Khabiri et Pakzad, 2012). Le résumé (ou analyse) permet de faire la synthèse du texte en décomposant, « concrètement ou en pensée un tout en ses éléments constitutifs en cherchant à établir la hiérarchie et les rapports existant entre ses éléments » (Legendre, 2005, p. 60). En d’autres mots, le lecteur doit savoir distinguer l’information importante de l’information secondaire d’un texte pour en faire la synthèse (Giasson, 2000 ; Irwin, 1991).

La lecture critique consiste, également, à juger de la qualité du matériel lu. Ceci s’accorde avec les deux modèles exposés en ce qui concerne les processus d’élaboration. Ceux-ci permettent d’aller plus loin que ce qui est écrit littéralement en faisant des liens avec les connaissances antérieures du lecteur (Giasson, 2003 ; Irwin, 1991). Deux stratégies sont associées aux processus d’élaboration, soit la

16 La coopérativité lectorielle est une stratégie permettant de construire le sens d’un texte dans le but de retrouver un ordre, une logique (Balpe, 1990).

prédiction et la déduction. L'élève décide d'abord des critères de ce qui est bon ou mauvais et, à la lumière de ces critères, il peut arriver à juger de la qualité du texte (Irwin, 1991).

En outre, la lecture critique favorise la déduction comme habileté chez le lecteur. Il s’agit ici de déduire le but de l’auteur et des sens implicites (Decker, 2003 ; Vivanco, 2012). Ceci est en lien avec les modèles d’Irwin (1986) et de Giasson (1990) lorsqu’ils ont mis l’accent sur les processus rétablissant la compréhension : ces processus guident la compréhension et peuvent être employés lorsque le lecteur se rend compte qu’il a une perte de compréhension (Irwin, 1991). La consultation, l’évaluation, la planification et la relecture sont des stratégies associées aux processus rétablissant la compréhension. Ceux-ci sont propres à la lecture critique (Facione, 2011).

Cela étant dit, nous déduisons que les habiletés de lecture critique peuvent être regroupées, comme dans le tableau déjà indiqué, sous les catégories des processus de compréhension en lecture précisés par Irwin et Giasson. Même si ces chercheurs ne l’ont pas explicité de manière directe, les composantes de la lecture critique, bien qu’elles présentent un niveau mental supérieur de compréhension, ont été soulignées, implicitement, par les deux modèles.