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Le lecteur en mouvement (plan de la réception) réception)

Dans le document Michel Butor : du roman à l'effet romanesque (Page 140-143)

~ 137 ~ b) Le récit de voyage

II.2.3.2. Le lecteur en mouvement (plan de la réception) réception)

Sur le plan de la réception, nous découvrons deux moments du lecteur : le lecteur dynamique, et le mouvement du lecteur confronté à une œuvre en mouvement.

a) Le lecteur dynamique

Le travail formel sur le roman génère un questionnement permanent sur sa finalité. C’est pourquoi, Michel Butor constate que :

« Lorsqu’on accorde tant de soin à l’ordre dans lequel sont présentées les matières, la question se pose inévitablement de savoir si cet ordre est le seul possible, si le problème n’admet pas plusieurs solutions, si l’on peut et doit prévoir à l’intérieur de l’édifice romanesque différents trajets de lecture, comme dans une cathédrale ou dans une ville. »279

C’est le problème du lecteur qui est posé une fois de plus ici. En effet, contrairement au roman dit traditionnel, le lecteur possèderait le choix du trajet de lecture280.

Ces arguments valent pour le travail formel dans le roman, car en réalité, peu importe la forme de celui-ci, le lecteur-critique possède le choix de l’angle sous lequel il désire lire l’œuvre. Si lire au XXIème siècle veut dire critiquer, alors il a l’embarras du choix entre les différentes disciplines et méthodes théoriques qui s’offrent à lui. Ici, Butor a opté pour l’approche phénoménologique de la littérature.

279 « Recherches sur la technique du roman », in Répertoire II, p. 98, 9. Structures mobiles. Cf aussi « Individu et groupe dans le roman », pp. 86-87.

280 Nous verrons plus tard que l’introduction des éléments visuels comme la carte dans le paratexte de Mobile par exemple, présentant la carte fracturée du récit établit à sa façon une multiplicité de trajets de lecture, un déplacement visuel, un mobile. Ce qui conforte l’idée de la relation entre la littérature et les arts dans l’œuvre de Butor.

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Ainsi, le lecteur que nous appelons « lecteur dynamique », serait celui qui, assis dans un lieu, réussit à abolir la distance entre la réalité du lieu où il se trouve et celle de l’espace fictionnel. Sa lecture produirait une superposition des espaces, et lui procurerait un plaisir du texte marqué par une évasion mentale à travers les espaces mis en scène par l’écriture. Mais un tel lecteur peut subir un double mouvement de déplacement dans sa lecture.

C’est dans ce contexte que Butor émet la définition suivante :

« Dès qu’il y a lecture, les caractères se mettent en mouvement. Ceci dit, il y a des textes beaucoup plus mobiles, ou actifs, que d’autres. Certains ont un vecteur linéaire qui nous « emporte » d’un bout à l’autre, ou nous « entraîne ». Le mouvement du texte nous happe, tels ces romans policiers dont on ne peut pas sortir avant d’avoir découvert la solution. Dans cet emportement grossièrement rectiligne peuvent se produire toutes sortes de boucles […] »281

Le lecteur peut s’inscrire dans une autre dynamique qui est celle du déplacement. L’essai « Le voyage et l’écriture » dans R4 fait mention de tous les trajets rectilignes et perpendiculaires qu’effectue le lecteur en mouvement (il se produit alors un phénomène de superposition). La présence de moyens de locomotion comme le métro (Passage de Milan,

Degrés), le bus (L’Emploi du temps), ou le train (La Modification) introduit la notion de

mouvement dans l’œuvre.

b) Le mouvement du lecteur et l’œuvre en mouvement

Les lecteurs de Michel Butor se divisent en deux groupes : ceux qui ont suivi l’œuvre dans ses différentes phases et ceux qui se sont arrêtés dans les premiers moments de l’œuvre. S’agissant des premiers, nous retrouvons surtout des universitaires, des critiques, de jeunes chercheurs, animés d’un désir de connaître et de faire connaître l’œuvre, et guidés par le plaisir de la découverte.

281 Société d’étude du XXème siècle, « Du mouvement en littérature. Entretien avec Michel Butor », entretien avec Anne Fabre-Luce et Georges Raillard, Cahiers du XXème siècle, n°1, Mobiles I- essais sur la notion de mouvement, Paris, éd. Klincksieck, 1973, p. 17.

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Quant aux autres, les tentatives de Michel Butor restent un bel exemple de prouesse technique, cependant qu’elles relèvent, pour le lecteur moyen, de l’illisibilité. Guy Belzane peut à juste titre poser la question-titre de son article « Pour une esthétique de la déception ? Lire Butor »282 où il relève les raisons pour lesquelles le public ne lit pas assez ou pas du tout l’œuvre postromanesque de Michel Butor. L’une d’elles serait le jeu entre le formel et l’informel ; l’œuvre de Butor s’attelle souvent à montrer les dessous de sa fabrication, son aspect mécanique. Seuls quelques téméraires auraient la primeur de sa lecture.

La formalisation de la notion d’espace en relation avec le déplacement des personnages laisse dire à Butor que la meilleure lisibilité du texte aurait lieu dans le mouvement même de l’écriture, qui devrait se faire ressentir jusque dans l’espace même de la page. De fait, la notion de mobilité serait de l’ordre du lisible et du visuel.

Contre une représentation littéraire statique, Butor oppose une représentation dynamique à travers le concept de mobilité. En effet, il constitue le meilleur moyen, dans l’ordre de la poétique du récit, pour parvenir auxformes les plus hautes de la composition et du renouvellement du genre.

Le concept de mobilité devient central dans l’œuvre de Butor, dans la mesure où c’est lui qui va fonder toute la poétique et révolutionner l’œuvre qui s’orientera vers un diptyque entre le statique et le dynamique. Ce que nous découvrirons plus tard dans l’étude de l’œuvre postromanesque. Mais cette mobilité ne peut remplir ses fonctions qu’en milieu générique ouvert, que nous avons dénommé hybride générique. Ce qui nous amène à examiner les nouveaux aspects de la poétique butorienne.

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II.3. Nouveaux aspects de la poétique butorienne

Dans le document Michel Butor : du roman à l'effet romanesque (Page 140-143)