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Partie 3 Analyse des représentations et de la formation collective

2. Le travail réflexif sur les représentations

Cambra Giné définit la notion de représentation comme « un savoir qui est socioculturellement construit et qui tout à la fois a une fonction dans la construction de la réalité sociale » (2003, p. 211). Elle souligne son caractère social, son aspect à la fois éclectique et dynamique, sa nature inconsciente mais aussi des éléments conscients préélaborés et le lien entre les représentations des enseignants et leurs comportements. Causa souligne l’importance de faire prendre conscience aux enseignants de

(…) la pluralité des langues, des répertoires plurilingues et de leur complexité – de prendre en compte les variations inter et intra culturelles liées aux différents usages et aux différents statuts de chaque langue – d’intégrer l’idée de « compétence partielle et plurielle. (Causa, 2012b, p. 65)

2.1. Les représentations liées à la compétence plurilingue

Comme nous l’avons vu plus haut, les variations de langues sont peu prises en compte dans les systèmes scolaires et notamment dans le contexte REP où les langues présentes sont

méconnues et non valorisées voire pour certaines langues minorées. Auger nous dit que « le flou représentationnel qui recouvre le lien entre le nom, par exemple de la langue et la réalité linguistique même de ces langues enracine encore ce manque de légitimité et de sécurité linguistique » (2020, p. 136). Elle insiste sur le rôle des représentations qui peuvent être des freins à cette inclusion : elles peuvent être partagées par les élèves et leurs parents ainsi que par les enseignants. Considérer ces élèves issus de minorités linguistiques comme des « semi-lingues » participe à une conception restrictive du bi-plurilinguisme comme nous le précise Billiez (2011). Elle ajoute : « une telle conception rejoint des représentations très courantes sur les bilinguismes acquis en contextes de migration, considérés alors plutôt comme sources de handicaps linguistiques, et donc sociaux, que comme des atouts » (2011, p. 145).

Ces représentations sont liées aux idéologies du langage et des langues (désormais ILL). Ces ILL regroupent l’articulation entre les discours et les pratiques liées aux langues et à toute variété linguistique mais aussi aux pratiques langagières communicatives et interactionnelles (Costa et al., 2012). Elles tendent à minorer ou stigmatiser des variations inter et intralinguistiques et ne reconnaissent pas les compétences partielles de ces élèves. Elles peuvent aussi percevoir les alternances codiques comme des erreurs de langue d’où l’intérêt de didactiser ces alternances codiques comme le suggère Causa (2012a). Blanchet évoque l’idéologie de « la maîtrise de la langue » dans l’Éducation nationale qui fait référence à un français standardisé, scolaire et normalisé qui « engendre un appauvrissement de la langue, un amoindrissement des pratiques, des ressources et des potentiels linguistiques et des capacités relationnelles par l’école » (2016, p. 57).

2.2. Les croyances sur les langues

Les croyances sont des représentations subjectives (Cambra Giné, 2003), elles sont situées au niveau des individus elles ne sont pas soumises au consensus général contrairement aux représentations sociales. Behra et Macaire (2018) recensent plusieurs croyances des enseignants en formation initiale et notamment une vision additive des langues : les interactions sont négligées, la vision additive sépare les langues en les caractérisant chacune pour elle-même. Cette vision est en contradiction avec une vision compréhensive des langues qui organise dans un système dynamique et fluctuant comme nous l’avons plus haut.

Le mythe du locuteur idéal « natif » versus « non-natif » fait aussi partie des croyances des enseignants de langue. Behra (2019) fait une synthèse de ce qui a été écrit sur le sujet. Le mythe selon lequel le natif serait le modèle de la langue cible présente plusieurs écueils : on oublie que le locuteur est toujours natif d’une variété de langue, le locuteur- expert peut être pris dans une norme monolingue avec une position de domination. On retrouve ce mythe essentiellement dans l’enseignement d’une LVE mais concerne aussi les langues des élèves plurilingues. Causa (2012a) précise que le fait d’être spécialiste dans les langues étrangères signifie avant tout s’identifier en tant que « plurilingues » et accepter le « plurilinguisme » comme un phénomène courant et non exceptionnel. Cela signifie également accepter l’idée de compétence plurielle, partielle et fonctionnelle.

2.3. Les savoirs et les modèles

Au niveau des savoirs, Cambra Giné (2003) distingue les savoirs d’enseignement (perspective du professeur sur la matière à enseigner), des savoirs savants (élaborés par l’activité académique), des savoirs ordinaires (élaborés à partir des pratiques d’enseignement et d’apprentissage). Causa (2012a) ajoute que ces savoirs, qui sont élaborés au sein d’une communauté/profession/culture particulières sont soumis à une certaine interprétation. Tout en restant des connaissances scientifiques, ils ne sont pas complètement « neutres ».

Causa (2012a) développe l’idée de modèles en partant des modèles d’enseignement et des modèles d’apprentissage. Elle distingue les modèles de référence socioculturel aux modèles de référence scolaire. Les modèles socioculturels sont partagés par les membres d’une société, entre autres, les différentes branches professionnelles et donc aussi le métier d’enseignant. Les modèles de référence scolaire sont plus personnels et sont liés au fonctionnement scolaire auquel un individu a été confronté, ce sont des modèles forts dans la mesure où le métier d’enseignant est le modèle auquel les enseignants ont été le plus exposés au cours de leur vie : en tant qu’élèves, membres d’une société et ensuite en tant qu’enseignants eux-mêmes (Cadet, 2006). Causa montre aussi à quel point les modèles FLM interviennent dans la mise en place d’activités en classe et de la nécessaire conscientisation de ces modèles afin de déplacer et réajuster ses actions dans un contexte d’enseignement à des élèves plurilingues.

3. Démarches pour la mise en place d’une éducation plurilingue et