• Aucun résultat trouvé

Partie 3 Analyse des représentations et de la formation collective

2. Déroulement de la formation

L’analyse du déroulement de la formation s’est faite à partir de commentaires réalisés par la formatrice post-formation (voir annexe 23 p 154). Ces commentaires sont donc subjectifs et essaient d’examiner les interrogations et cheminements réflexifs de ces enseignantes. L’objectif n’était pas d’analyser le travail du formateur mais bien de présenter les démarches qu’il a choisies et comment il a perçu cette formation.

2.1. Activités : les notions abordées et réactions des enseignantes

De nombreux éclaircissements théoriques ont été nécessaires durant toute la formation. La première activité a permis une « mise en bouche » avec un quizz du plurilinguisme réalisé à partir de l’ouvrage « Le plurilinguisme en questions » Abécédaire quizz de Kremp et Adam-Maillet. L’aspect ludique et humoristique de cette entrée en matière a été apprécié par les enseignantes. Cet ouvrage de « vulgarisation » de notions complexes a permis de définir des notions clés comme la distinction entre un allophone et un étranger, les compétences métalinguistiques chez les sujets plurilingues (et notamment l’alternance codique), la mise en parallèle entre la langue et le dialecte etc … En outre, les enseignantes ont pu trouver des réponses à des questions qu’elles se posaient : peut-on traduire dans la langue de l’élève en classe ? Combien de temps un individu plurilingue « mélange-t-il » ses langues ? Alors nous aussi nous sommes plurilingues puisqu’on a des compétences partielles ? etc …

38https://carap.ecml.at/CARAPFrance/Unkitdeformationpourlesenseignants/tabid/3416/language/fr-

La deuxième activité sur les représentations a suscité de vives réactions d’autant plus que ces représentations étaient très personnelles et réelles puisque les termes exacts donnés par les enseignantes dans les questionnaires avaient été reproduis. Il s’agissait de projeter une diapositive « représentations » et de la faire suivre d’une diapositive « apports théoriques issus de la recherche » pour créer le conflit socio-cognitif et le débat. Les diapositives 5 et 6 sur le cerveau plurilingue ont permis de se rendre compte de la vision cloisonnée de la compétence plurilingue qu’avaient les enseignantes et des liens/ponts qu’elles auraient pu matérialiser entre les langues. Les diapositives 7 et 8 sur les représentations concernant la maîtrise des compétences sont vite comprises car c’est une notion qui avait été abordée dans la première partie et permettent de rassurer certaines enseignantes sur leurs compétences. Les diapositives 9 et 10 sur les représentations de l’enseignement des langues avaient pour but de continuer à rassurer les enseignantes qui se sentaient en insécurité sur les langues même si certaines enseignantes semblent dubitatives. Les diapositives suivantes 11 et 12 sur les conseils donnés aux parents, avec une citation de la fiche repère d’Éduscol sur les 10 idées reçues (idée reçue n°3), créent aussi certaines réactions dubitatives. Les enseignantes ne comprennent pas que conseiller aux parents de parler le français au maximum est aussi néfaste que de leur demander de ne plus parler leurs langues (L3 avoue l’avoir fait au début de sa carrière). Ces dernières réactions montrent les résistances qu’il peut exister lorsqu’il s’agit de représentations.

L’activité suivante permet d’apporter une assise théorique avec l’intervention de Candelier dans la vidéo. Elle fait aussi une synthèse de ce qui a été dit sur cette compétence plurilingue et réaffirme la volonté de rassurer les enseignantes. Les enseignantes sont attentives et ne disent rien, semblent réfléchir. Les diapositives suivantes sur le prescrit créent la même réaction d’écoute et de silence.

La dernière activité permet de s’organiser pour la mise en place des ateliers. Une description brève des ateliers est faite et les enseignantes choisissent leur atelier en fonction de ce qu’elles ont envie de faire. La formatrice fait un lien entre certaines activités et ce qui a été dit durant la formation mais par manque de temps n’a pas le temps d’aller plus loin. L’outil de Kevran est laissé aux enseignantes pour qu’elles se l’approprient. Un envoi du diaporama sera ensuite réalisé pour leur laisser une trace de cette formation et dans lequel d’autres outils ont été listés dans la diapositive 18 du diaporama.

2.2. Différentes postures du formateur

Il a été au début difficile pour moi de me positionner en tant que formatrice et de passer du statut d’enseignante à formatrice avec mes propres collègues à cause d’un sentiment de manque de légitimité. Cette gêne a disparu durant la formation. En outre, pour faire susciter la réflexion, j’ai dû adopter des postures particulières au formateur qui impliquent plusieurs gestes professionnels. En effet, parmi les nombreuses postures qu’adopte le formateur dans l’exercice de son métier décrites par Jorro (2016), j’ai adopté une posture de contradicteur :

En cherchant à entendre la parole de l’enseignant, le formateur s’intéresse aux non-dits, aux significations cachées. Cette posture renvoie à l’art de la parezzia (Foucault, 2009) ou art du questionnement qui cherche à interpeller les évidences, les idées préconçues de l’enseignant (2016, p. 124)

La posture du traducteur est une posture importante car elle explicite auprès de l’enseignant des notions ou aspects qui échappent à la compréhension du professionnel : « Le traducteur rend accessible des points non problématisés, il peut débusquer des impensés ou encore identifier des représentations erronées à propos d’un champ disciplinaire, d’une notion à enseigner » (2016, p. 124‑125)

Les gestes professionnels qui traduisent ces différentes postures sont nombreux : gestes de désignation, explicatifs, d’institutionnalisation de questionnement, de problématisation. Dans notre situation, les gestes de désignation et explicatifs ont été particulièrement étoffés dans la mesure où le formateur a pu désigner des points précis, lancer la réflexion et les clarifier. L’explication des notions clés s’est faite en partie à partir de la désignation des représentations des enseignantes, par exemple l’approche holistique des langues à partir des dessins sur le cerveau qui montrent un cloisonnement. En outre, les gestes de questionnement et de problématisation ont permis d’incarner une posture de recherche, qui par une attitude de « non-savoir » (Paul, 2012), permet l’approfondissement de la réflexion.

La dimension éthique de la professionnalité du formateur est aussi à considérer. J’ai essayé, comme le définit Mairesse, de me positionner sur « une éthique du risque et du conflit et de la responsabilité » (2014, p. 90) en contribuant à dévoiler les mécanismes cachés, implicites inconscients qui nuisent à l’inclusion réussie des EANA. Mairesse ajoute qu’il faut aussi faire attention à « une dérive du formateur trop militant et rédempteur des causes bloquées » (2014, p. 90). Durant cette formation, j’ai montré un engagement tout en essayant

de ne pas tomber dans cette dérive et ce, afin de permettre une co-construction des savoirs avec les enseignantes.