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Partie 3 Analyse des représentations et de la formation collective

1. Un accompagnement dans une école de REP

Professeur des écoles depuis 2001, j’ai enseigné dans différents contextes et notamment en REP durant plusieurs années. Depuis 2018, j’enseigne en UPE2A sur deux écoles situées l’une en REP et l’autre en REP+ dans une agglomération de l’Est-lyonnais.

1.1. L’école et le dispositif UPE2A

L’école élémentaire dans laquelle a eu lieu cette recherche est une école à effectif élevé (14 classes) et se situe dans un quartier situé à la fois à Lyon et dans l’agglomération dans laquelle je travaille. Ce quartier est situé en REP et bénéficie d’un PRE27 (Projet de réussite Éducative) inscrit dans un projet de territoire. La population vivant dans le quartier est caractérisée par une forte présence de familles, notamment de familles atypiques (monoparentales ou plus de 3 enfants) avec le plus fort taux de Lyon. Par ailleurs, ce territoire concentre une population à faible revenu, fragile au regard des données de santé et principalement constituée de personnes sans diplôme, de niveau CAP/ BEP et de niveau BAC/Brevet professionnel (taux similaires pour ces trois niveaux).28Le projet de territoire

de ce quartier souligne sa diversité sociale et culturelle et la nécessité de valoriser la diversité culturelle et promouvoir l’interculturalité.

En outre, le dispositif UPE2A est installé dans cette école depuis septembre 2016 et une enseignante UPE2A occupait le poste jusqu’en 2018 (elle avait une formation FLE et

27 Le programme de réussite éducative a été défini dans le plan de cohésion sociale qui vise à promouvoir la solidarité face à l’exclusion, le chômage et les discriminations, en mobilisant l’ensemble des acteurs économiques et sociaux.

28 Informations concernant le projet de territoire et le PRE sur le site

la certification FLS). Aucune formation du pôle allophone du CASNAV n’a été réalisée dans cette école auprès des enseignantes de classe ordinaire faute de temps et de moyens. C’est donc l’enseignante UPE2A qui est intervenue lors de conseils des maîtres pour installer le dispositif. Une première intervention a permis de fixer le cadre général de l’UPE2A et de l’allophonie, et la deuxième intervention de donner des pistes d’adaptation pour le travail en classe ainsi que le recours aux langues premières des élèves. À mon arrivée, j’ai poursuivi le travail d’accompagnement de l’équipe. Ayant le souci d’une prise en charge globale de l’élève allophone, il m’a semblé essentiel d’apporter à l’équipe pédagogique, des éléments culturels, historiques, linguistiques utiles pour l’aider à mieux connaître les EANA ainsi que des outils pédagogiques appropriés aux projets individualisés et faire le lien entre les attentes de l’École et celles des familles des EANA. Cet accompagnement a suscité des questionnements à l’origine de mon projet de recherche.

1.2. Observations et naissance du projet

Les élèves EANA fréquentent dans les classes ordinaires des élèves descendants de migrants majoritairement issus de familles arabophones et nés en France. Les relations de collaboration que j’ai pu entretenir avec toutes ces familles plurilingues m’ont permis de constater que les usages de la langue familiale varient beaucoup d’une famille à l’autre. Les langues de ces élèves plurilingues se côtoient mais sont rarement visibles à l’école, elles sont exclues des moments d’apprentissage. La non prise en compte des langues des élèves (EANA et descendants de migrants) dans l’espace scolaire peut s’expliquer par le statut de ces langues dans la société lié aux Idéologies du Langage et des Langues (Costa et al., 2012) évoquées dans la partie théorique. Pourtant, Moro (2012) nous dit que la reconnaissance des cultures plurielles des élèves descendants de migrants permettrait de résoudre des questions identitaires et de place de ces populations dans la société.

1.3. Projet initial

Ayant la volonté de valoriser ces différentes langues et réunir tous les élèves plurilingues autour d’un projet commun, l’Éveil aux langues s’est présenté comme être l’approche la plus appropriée. J’ai donc proposé à deux classes de CM2 de cette école de REP durant l’année scolaire 2018-2019 de réaliser des ateliers d’Éveil aux langues et ce,

durant la Semaine des Langues29. Les maîtresses ont accepté et nous avons utilisé les ressources tirées pour la plupart du projet québécois ELODIL (voir annexe 1, p 87).

Pour les élèves, cela a été un moment rare durant lequel certains enfants ont pu évoquer leurs compétences plurilingues pour la première fois à l’école ce qui révèle d’une portée symbolique forte. Ils ont été investis dans les ateliers et ont beaucoup appris sur les pratiques langagières des autres élèves. Les enseignantes ont pu vivre une relation positive avec les langues et tout particulièrement avec les langues de leurs élèves. Elles ont mieux cerné le répertoire verbal de leurs élèves et leur ont laissé un espace pour visibiliser leurs langues. Ces apports correspondent au premier niveau de l’éducation au plurilinguisme qu’évoque Causa sur la formation initiale des enseignants « niveau de prise de conscience de la notion générale de « plurilinguisme » - doit mener les futurs enseignants à reconnaître comme des valeurs positives la pluralité des langues/des cultures et les répertoires plurilingues » (2012b, p. 64). Elle évoque deux autres niveaux, le deuxième sera ciblé dans ma recherche.

1.4. Limites et perspectives

Certaines représentations qu’ont les enseignantes de la compétence plurilingue m’ont paru être des obstacles à la mise en place du projet. Par exemple, lorsque les compétences partielles des élèves ne sont pas reconnues, l’objectif de valorisation des répertoires plurilingues est compromis. En outre, d’autres représentations sur les élèves allophones et leur inclusion peuvent aussi entraver cette démarche, par exemple, une vision déficitaire des compétences des élèves allophones. Thamin (2015) fait bien la distinction entre difficultés d’apprentissage langagiers et processus normal d’acquisition d’une langue. Cette vision de la compétence plurilingue et interculturelle de leurs élèves est en partie expliquée par l’insécurité que vivent les enseignants et les difficultés qu’ils rencontrent dans l’inclusion de leurs élèves allophones.

Il m’a paru essentiel de partir de ce que savent/se représentent les enseignantes pour modifier certaines idées reçues ou représentations. Thamin (2015) marque bien la nécessité d’intégrer à la formation initiale et continue des connaissances issues de la recherche et ajoute qu’il faut travailler avec les enseignants leurs représentations de ces élèves en situation de développement langagier bi-plurilingue. Dans le cadre de ce projet d’Éveil aux langues, j’ai voulu permettre à mes collègues d’adopter une posture réflexive qui permettrait

de transformer leur posture professionnelle et ce, pour une plus grande ouverture au plurilinguisme. J’ai voulu partir de leurs représentations en ayant comme objectif d’atteindre le deuxième niveau de la formation des enseignants au plurilinguisme décrit par Causa :

(…) la prise de conscience individuelle d’une compétence plurilingue, doit permettre aux futurs enseignants de se reconnaître en tant que « plurilingues » et les aider à contrecarrer une idée diffuse selon laquelle le fait d’enseigner une langue étrangère signifie en maitriser toutes compétences ou encore d’avoir une compétence de « natif » dans cette langue (2012b, p. 64) .

Orienter le contenu de la formation à partir des représentations des enseignants et de leurs biographies langagières semble pertinent comme le soulignent Stratilaki-Klein et Nicolas (2020) . Ce dispositif de formation ne peut être qu’un processus long alliant apports théoriques et pratiques selon Causa (2012).