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L'orpaillage nuit à la recherche scientifique ?

Chapitre 2 L’alliance entre tourisme, protection et production de connaissance :

1. La protection de l’environnement est-elle compatible avec un développement touristique en Guyane ?

1.2 Le tourisme et la protection de l’environnement :

Nous avons constaté une vision anxiogène de la part de nos interrogés quand nous évoquons le tourisme. Pour grand nombre d’entre eux, le tourisme est synonyme de destruction de l’environnement.

« Peu de tourisme en Guyane et c’est mieux ainsi … le tourisme de masse abîme et tue la nature »130

Cette crainte peut renvoyer à une certaine logique de confrontation violente, mobilisant une peur ancestrale. Celle-ci est notamment dûe à l’historique du département qui a particulièrement souffert des désastres et rancœurs de la colonisation. Pourtant, au vu des propos expliqués plus haut, le tourisme pourrait

130 Réponse extraite du questionnaire, question : Souhaitez-vous, vous exprimez sur le tourisme en

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représenter une opportunité de développement non négligeable pour le département. Cependant, il semblerait que le tourisme de masse, destructeur de l’environnement, reste une des principales craintes.

« Je pense que chez beaucoup de gens, le tourisme, enfin l’image du tourisme, c’est le tourisme de masse. Même moi, ça, c’est quelque chose qui me dérange. Pourquoi ? Parce que quand j’entends tourisme, je pense tourisme de masse. Je pense même, par exemple aux Antilles ou même à La Réunion, avec des endroits qui sont exceptionnels et qui ont quand même été largement dégradés par le tourisme. En Guyane, on a l’impression que finalement, comme on est un petit peu à l’écart. On est toujours entre guillemets, en retard, mais en fait, on est en retard sur une mauvaise chose qui a été tourisme de masse. Donc finalement, tant mieux. Et je pense que personne n’a envie de voir la côte guyanaise comme, comme le sud de la France. Mais même sans aller jusque-là, comme les Antilles, les gens n’ont pas envie de voir arriver les paquebots avec les touristes qui se déversent. » (Entretien N°3, compagne

de Éric, enseignante en Guyane

Ce rejet du tourisme serait assez récurrent en Guyane, comme nous l’explique un des prestataires du département :

« Vous êtes tous là en train de dire la Guyane si vous êtes tous guyanais avec les autres mais vous voulez aussi que la Guyane se développe sans tourisme vous n’aurez jamais une petite possibilité d'autonomie. Tous les pays du monde se battent pour récupérer des touristes et vous, vous faites tout pour les faire fuir… »131

Cette appréhension n’est pas nouvelle, et de nombreux textes témoignent des ravages d’un développement touristique incontrôlé. Pourtant il faut être prudent dans l’utilisation de certaines notions, telle tourisme de « masse », ce terme est employé quatre fois lors des entretiens semi-directifs. Ce qui signifie que chacun de nos interrogés a employé ce terme au moins une fois lors de l’entretien.

Si effectivement à ce jour, la Guyane ne dispose pas d’une capacité d’accueil suffisante à un tourisme plus massif, l’utilisation de ce terme pose des problèmes moraux. En effet, il sous-entend que la population est une masse, cela est particulièrement péjoratif et correspond à la diffusion sociale du tourisme, surtout quand il est utilisé par des scientifiques et ou chercheurs comme c’est peut-être le cas dans la littérature.

« (…) il suffit de mesurer les masses de touristes qui se déplacent et qui consomment de l’énergie, de l’eau et d’autre matières premières pour réaliser à quel point, le développement touristique – même s’il n’est pas responsable, loin de là, de la majorité des dégradations que

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subissent certaines parties du monde – est un facteur primordial dans la bonne ou mauvaise gestion de l’environnement ». 132

Si effectivement, le terme « massif » assimile les touristes à une masse, les problématiques de conciliation entre tourisme et protection de l’environnement sont pourtant bien présentes sur le territoire. Telle une chasse massive, ou le dépôt de nombreux déchets dans la nature. Pourtant, toute activité économique génère des externalités négatives, mais aussi positives !

Il est donc essentiel de réaliser des études d’impacts, mais également de limiter le nombre de visiteurs sur certains espaces, pour ne pas dégrader le milieu. Mais nous sommes obligés de soulever le paradoxe entre la peur d’un tourisme destructeur et l’utilisation qui est faite aujourd’hui de cet espace. Pour reprendre les propos de Pascal Mao :

« Que ce soit, de toute manière, dans tous les espaces naturels, peu ou pas fréquentés, il y a une prédation. Alors là c’est l’or, en Patagonie c’est l’hydroélectricité ou le pétrole. S’il n’y a pas de fréquentations, soyez-en sûr qu’il y aura d’autres formes de dégradations de l’environnement, qui seront là en lieu et place d’autres choses. » (Entretien N°6, Pascal

Mao133 )

Une large majorité des témoignages montrent que l’exploitation actuelle de la forêt est nuisible, mais ils montrent aussi une certaine peur, de ce qu’elle pourrait devenir. Il faut noter que la conscientisation environnementale fait aussi venir des touristes !

L’avènement des réseaux sociaux à clairement facilite la sensibilisation auprès de tout type de public. Et finalement, a promu, certaines destinations et sites. Un interlocuteur anonyme nous explique :

« Bah il tirait des fois c’est les clients qui disent non, non, non, des fois ils ont pas le temps mais c’est comme ça, ça ne peut pas se faire du jour au lendemain… »134

Ce qui est également souligné par Isabelle Sacareau :

«Il ne faut pas mésestimer la sensibilisation environnementale d’une partie des touristes, particulièrement anglo-saxon, qui se rendent au Népal. Ce sont eux qui souvent les premiers

132 Clémence RATEL, « tourisme et environnement, le grand paradoxe de l’écotourisme. Exemple de

Madagascar et du Costa Rica ». Géographie. Université Angers, page 52, 2014.

133 Pascal Mao est enseignant à l’institut de Géographie Alpine de l’Université de Grenoble Alpes et

chercheur à l’Unité Mixte de Recherches PACTE. Il est directeur du Cermosem, antenne délocalisée de l’Université de Grenoble-Alpes en Ardèche. Il s’intéresse aux questions de développement territorial en lien avec les pratiques touristiques et notamment le tourisme scientifique. Il travaille depuis une dizaine d’années avec des institutions académiques chiliennes.

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ont attiré l’attention de leurs guides et porteurs sur le problème du ramassage des déchets ». 135

La mondialisation a accentué la pensée écologique, l’accès à internet et les informations sur les dérives touristiques notamment en lien avec les animaux. Avec elle, s’accompagne une conscience occidentale de protection des ressources naturelles et de sauvegarde des espèces. La protection des ressources peut donc même venir des touristes.

Nous pouvons donc entrevoir que, le tourisme, s’il est bien pensé, peut être vecteur de protection de l’environnement. Les rencontres qu’il génère en plus de la destination proprement dite, est aussi source de richesse et d’évolution des mentalités ce dont la Guyane aurait bien besoin.

Le tourisme peut apporter à la nature, d’où l’importance de la pensée éco- centrique et non anthropocentrique qui, jusqu’à maintenant, s’est révélée majoritairement destructrice pour les espaces naturels ainsi que pour les populations. C’est pourquoi, le tourisme demande une implication consciente des utilisateurs du milieu, dans notre cas, guides, touristes et scientifiques. Une approche “qualitative” du tourisme, c’est-à-dire en deçà du tourisme de masse actuel, peut être mis en place sans trop de difficulté avec le projet CORACINE et notamment l’emplacement de la réserve des Nouragues.

1.3 Le Costa Rica, un modèle de développement touristique qui développe,