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L'orpaillage nuit à la recherche scientifique ?

Chapitre 2 L’alliance entre tourisme, protection et production de connaissance :

2. Le tourisme scientifique est-il une solution viable pour ce territoire isolé qui accueille une station de recherche du CNRS ?

2.2 A qui s’adresse cette forme de tourisme ?

Dans la première partie de ce mémoire, nous avons identifié les différentes formes de tourisme scientifique. Dans l’exemple de la Papouasie Nouvelle-Guinée, West, on distingue 3 groupes :

● Le premier groupe de touristes scientifiques, concentre des post-diplômés, venus effectuer une recherche en particulier dans cet espace. L’objectif étant d’apporter quelque chose à la recherche.

● Des voyageurs, venus mener des recherches scientifiques et publier leurs résultats dans des magazines.

● Le dernier groupe décrit par l’auteur sont des étudiants venus dans le cadre d’un voyage parrainé par l’université.

Chacun des groupes identifiés dans son article est, d’une façon ou d’une autre, affilié au monde de la recherche. Leur objectif est de venir sur le terrain pour collecter des données afin de promouvoir la connaissance.

En revanche, dans le second exemple en Patagonie Chilienne, ce sont des volontaires qui n’ont pas nécessairement de connaissances scientifiques. Ce tourisme s’adresse à des passionnés amateurs, comme pourraient l’être nos interrogés. A partir de là, on comprend la complexité de mettre en place cette forme de tourisme et la nécessité d’une synergie entre les différents acteurs. Dans son

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article « Tourism as science and science as tourism, environment, society, self, and other in Papua New Guinea », West explique la complexité de mettre en place une organisation quand les différents mondes des acteurs se croisent. Cette difficulté de faire cohabiter tout le monde est aussi soulignée par Tierry GARCIA Responsable de la réserve Rio Bigal en Equateur :

« Moi, ça n’a jamais vraiment marché essayer de proposer à des scientifiques des volontaires de les aider, ça ne les arrange pas du tout. Mais moi quand je les aide, les mecs, oui en gros ils ne veulent pas qu’on les emmerde. Ils viennent faire la recherche. En gros pour beaucoup de scientifiques c’est leurs vacances, c’est ce qu’ils aiment le plus tu vois, donc ils n’ont pas envie voilà qu’on vienne les emmerder, et perdre du temps parce qu’ils n’en ont pas beaucoup de temps sur le terrain. Donc oui ça ne marche pas. Par contre, on peut mettre des scientifiques et des volontaires ensemble si tu veux, ce n’est pas un problème du moment que chacun fasse son activité de son côté. Sans gêner l’autre si tu veux. Et c’est génial le soir, oui tout le monde se retrouver raconte sa journée. Il y a des échanges qui se passent, des échanges humains qui se passent très bien. Mais au niveau du travail je pense que c’est mieux de séparer à moins d’avoir un programme vraiment super bien ficelé. » (Entretien

N°5, Thierry Garcia, Responsable de la réserve Rio Bigal en Equateur)

La mise en place d’un certain volontariat à dimension scientifique semble plus facile à exploiter. En effet, les volontaires sont « recrutés » via une association et le séjour est organisé par eux. L’accueil et les activités sont réalisés par la réserve, ses agents et parfois des scientifiques. Cependant, pour que ce type de tourisme soit qualifié de tourisme scientifique il est indispensable que la méthodologie ait été validée par des scientifiques, comme nous l’explique Pascal Mao :

« Oui, si jamais le protocole, à la base, est mené par une équipe de recherche, ou un scientifique. Par exemple, je prends l’exemple de Vigie-Nature, vigie Nature, comme plein d’autres. À la base, c’est le Muséum d’histoire naturelle qui a monté le protocole. Donc il y a un protocole à dimension scientifique, il y a une méthodologie, pour faire un peu jargonner. Et à partir du moment où on engage des volontaires, à venir renseigner l’information, ça devient du tourisme scientifique. (…) c’est-à-dire qu’un moment pour que ce soit scientifique, il faut qu’il y ait les éléments méthodologiques, et la base et le fondement de la démarche. Et donc, la personne responsable de la méthode doit être un scientifique. Comme si vous transmettez, de la Découverte naturaliste scientifique, donc du tourisme culturel et scientifique, si vous transférez une connaissance, le fondement de la connaissance doit être issu d’un scientifique. Pour se faire, la connaissance doit au moins être évaluée par ses pairs, c’est ce qui fera la différence entre du tourisme culturel. Vous amenez un éco garde, aussi compétent soit-il, qui vous nomme les noms d’oiseaux par exemple. Où la faune et la flore ce que vous voulez. C’est du culturel, à partir du moment où vous rentrez dans une démarche de collecte d’information, pour un scientifique. Où que vous vous appuyiez sur les travaux d’un scientifique pour comprendre l’écosystème, ou le fonctionnement de l’écosystème, ça devient du tourisme scientifique. » (Entretien N°6, Pascal Mao)

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Si la difficulté réside dans la rencontre et la vulgarisation scientifique, dans une station comme les Nouragues. Il parait possible de mettre en place une méthodologie de collecte de données naturalistes, qui pourraient être bénéfique aux chercheurs.

En effet, la forêt tropicale est un milieu complexe et il faut réaliser des suivis sur plusieurs années afin d’obtenir des résultats concluants et exploitables. Ces suivis naturalistes demandent beaucoup de temps et de moyens financiers. Les volontaires pourraient donc permettre de pallier à ces problèmes. C’est le cas dans la réserve Rio Bigal en Equateur, des suivis naturalistes sont effectués par des volontaires. Leurs données sont répertoriées sur des tableaux et sont ensuite diffusés sur des plateformes ou transmises aux scientifiques. Ce qui leur permet d’avoir une idée sur l'état de santé de l’écosystème. C’est une aide précieuse, qui fait vivre des villageois puisque les volontaires se déplacent sur un site où, d’ordinaire, personne ne prendrait le temps de s'arrêter.

2.2.1 Quel apport pour l’espace protégé et les scientifiques

Pour le territoire, le tourisme scientifique est un axe de développement original. Toutefois, ce type de tourisme reste un tourisme de niche et ne permet pas de régler les problématiques de pauvreté de certains territoires. La présence des scientifiques génère tout de même une activité économique non négligeable. C’est aussi une aide précieuse pour les décideurs, ayant accès à des données en temps réel et pouvant prendre des mesures si nécessaires. La diffusion des recherches et des découvertes est également un moyen d’être reconnu dans le monde et donc d’apporter une certaine notoriété au territoire.

De plus, le tourisme scientifique permet une amélioration des connaissances sur la biodiversité. Ce qui permet, in fine, de mettre en place des actions de protection, lorsque c’est possible, ainsi que des actions de sensibilisation efficaces.

Les communautés peuvent ainsi bénéficier des avantages associés à l’écotourisme et à la recherche scientifique : avoir une autre source de revenu tout en apprenant sur leur territoire. Cela peut aussi être un moyen de les encourager à participer à la collecte des données sur leur environnement, afin de favoriser leur implication sur les programmes de protection.

C’est aussi, selon Pascal MAO, une opportunité de financement pour la recherche :

« En même temps ce que l’on n’a montré en Patagonie, avec l’archéologie, c’est qu’il n’y a pas de moyen pour les fouilles archéologiques. Il y a l’obligation d’avoir des archéologues chiliens parce que sinon, pour pas qu’il y ait du pillage des ressources archéologiques. Et que

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dans bien des cas, il y a des travaux qui ont été menés, que parce qu’il y avait un apport financier extérieur des volontaires qui participent à faire des recherches. Donc il y a certaines recherches qui n’ont jamais été menées, non qui n’aurait jamais été mené, s’il n’y avait pas eu de produit de tourisme scientifique, qui est associé d’un côté des touristes volontaires et des archéologues chiliens. Et troisièmement des ONG et des parcs nationaux privés ou publics. Qui s’investir c’est sur cette connaissance-là. Donc c’est une espèce d’interdépendance, entre les trois. (…) Le nerf de la guerre il reste quand même le moyen de financement des recherches. »

Si les volontaires peuvent apporter leur aide à la récolte de données, c’est aussi un moyen de financer les recherches qui n’auraient pas été effectuées autrement. De plus, c’est un moyen de créer des ambassadeurs du territoire. Nous l’avons vu, en Guyane, la majorité des interrogés sont des résidents. Ainsi, durant leurs séjours, la participation à des missions de récolte de données pour des suivis naturalistes, donne les moyens et l’envie d’approfondir leurs connaissances. Bien que le territoire soit particulièrement vaste et difficilement contrôlable. Un espace qui n’est pas fréquenté est un espace qui finira par être détruit.

« Que ce soit, de toute manière, dans tous les espaces naturels, peu ou pas fréquentés, il y a une prédation. Alors là c’est l’or, en Patagonie c’est l’hydroélectricité ou le pétrole. S’il n’y a pas de fréquentations, soyez-en sûr qu’il y aura d’autres formes de dégradation de l’environnement, qui seront là en lieu et place d’autres choses. Donc déjà pour protéger il faut faire connaître. Parce que faire protéger quelque chose qu’on ne connaît pas, objectivement moi je n’y crois pas. Pour faire connaître, il faut créer de la connaissance, et pour créer de la connaissance il faut qu’au minimum, il y ait au moins de l’observation, ou au moins un protocole de recherche qui se développe. Donc dans les deux cas, moi je n’imagine pas d’espace protégé, protégé de manière formelle en tant que tel, ou au moins qu’il y a un collectif qui s’intéresse et qui développe une logique de préservation quelle qu’elle soit. Formelle ou informelle, s’il n’y a pas de connaissance. Et en fait, on se rend compte quand même qu’à l’échelle mondiale, il y a plus d’espace inconnu que d’espace connu. C’est un peu l’idée de la boule Darney et donc de fait, si on ne connaît pas, on va sur, la déforestation, l’hydroélectricité, l’exploitation minière... » (Entretien N°6, Pascal Mao)

Ce qui confirme une de nos interrogations, le tourisme scientifique apporte une autre occupation de l’espace qui ne peut qu’être bénéfique au territoire. De par le fait qu’il est organisé en amont il permet de lui-même une régulation des flux de touristes sur les espaces protégés. De plus, cette forme de tourisme est peu développée et touche des particuliers intéressés, elle peut permettre de développer une petite économie sans dénaturer le territoire, comme certains peuvent le craindre. C’est aussi un moyen d’apporter des fonds à des projets de recherche qui, comme nous l’avons vu avec l’exemple de la Patagonie, n’auraient pas lieu autrement.

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C’est donc un moyen efficace d’occuper l’espace, tout en permettant de récolter de la donnée et d’apporter une justification à des suivis naturalistes ou autre projet de recherche qui n’auraient pas lieu d’ordinaire.

2.3 Pourquoi le tourisme scientifique est-il adapté à ce type de territoire et quel