Section IV. La présentation des cas détude
Paragraphe 1. Le système juridique américain et espagnol
La structure des systèmes juridiques des pays étudiés présente des différences significatives, notamment à cause de leur appartenance à des traditions juridiques diverses ainsi quau régime de lintroduction des normes internationales ou régionales.
Dun côté, le droit des États‐Unis distingue deux niveaux normatifs : fédéral et étatique. Toutefois, les droits migratoire85 et antiterroriste étant de la compétence de la fédération, cette thèse nanalysera que ce niveau normatif.
La Constitution des États‐Unis de 1788 est le droit suprême de la fédération et divise les fonctions de la fédération en trois branches : exécutive, législative et judiciaire86.
Le droit fédéral est créé par le Congrès et codifié par le Code des États‐Unis (ci‐après « US Code »). Le titre 8 de lUS Code contient les normes sur limmigration cest‐à‐dire
lImmigration and Nationality Act de 1965 (ci‐après « INA ») et la Refugee Act de 198087 ‐
tandis que le titre 18 régule le droit pénal, y compris le droit antiterroriste88.
Les normes de droit international contenues dans les traités internationaux sintègrent au système juridique américain immédiatement, si elles sont dapplication directe, ou grâce à une action législative du Congrès, dans le cas contraire. Si lapplication du traité implique lattribution de fonds publics, son approbation législative est nécessaire. Les traités de droits de lhomme qui créent un devoir dabstention ou qui confèrent des droits spécifiques peuvent sappliquer après leur introduction dans lordre juridique interne.
85 Le gouvernement fédéral des États‐Unis a une compétence législative prioritaire en matière de
migration et dasile. De plus, les tribunaux estiment que les questions migratoires ne sont pas justiciables à exception des questions liées aux droits constitutionnels des immigrants.
86 Le Titre 5, section 551 de lUS Code énonce les procédures à suivre pour ladoption de règles, le
jugement des infractions et limposition de sanctions. Il consacre aussi le droit des parties intéressées à la révision judiciaire des décisions des agences étatiques.
87 Refugee Act 1980, Public Law 96‐212, 17 mars 1980. 88 Voir le titre 18 de lUS Code, chapitre 113 B.
Si aucune norme ne règle le cas concret, les Cours étatiques sont régies par le common law, cest‐à‐dire à un recueil de décisions judiciaires, coutumes et principes.
De plus, lorsque les Cours décident les possibles violations et disputes qui émergent au sujet du droit, elles interprètent le droit en considérant les interprétations déjà réalisées par dautres Cours de la même hiérarchie ainsi que par les Cours de rang supérieur, conformément au principe « stare decisis ». Si les Cours de circuit diffèrent sur linterprétation correcte de la loi, cest la Cour Suprême des États‐Unis qui juge laffaire, soit par compétence légale, soit par
certiorari89.
Les droits de lhomme sont insérés dans le système juridique américain à travers lintroduction de la Déclaration des Droits (Bill of Rights) dans la Constitution américaine le 15 décembre 179190. Plus tard, dautres amendements à la Constitution américaine91 et des lois consacrent
dautres droits fondamentaux92. La portée de ces droits est définie par la jurisprudence, en particulier la Cour Suprême des États‐Unis. Cette Cour peut aussi articuler des droits qui ne sont pas encore reconnus par la loi.
89 Avec le certiorari, la Cour Suprême décide de manière discrétionnaire sa compétence suite à la
pétition dune partie intéressée, même au sujet des décisions des tribunaux inférieurs de justice. Les décisions des Cours dappels ou de circuit peuvent aussi constituer un précédent. Cest le cas de
Hopwood v. State of Texas, 78 F.3d 932, (5e Cir. 1996).
90 Ces amendements limitent les pouvoirs du gouvernement fédéral des États‐Unis et protègent les
droits des citoyens, résidents et visiteurs sur le territoire américain. La Déclaration de droits protège la liberté dexpression, de religion, le droit de détenir et porter des armes à feu, la liberté de réunion et le droit de pétition. Cette déclaration interdit aussi les perquisitions et saisies abusives, les peines cruelles et inhumaines, reconnait le droit de ne pas sauto‐incriminer, à un jugement rapide devant un jury impartial et prohibe la double incrimination. De plus, la déclaration interdit au gouvernement fédéral toute action impliquant la privation de la vie, liberté ou propriété en dehors dune procédure légale.
91 Le treizième amendement établit labolition de lesclavage et la servitude involontaire ; le
quatorzième définit la citoyenneté, contient les clauses dimmunité, dégalité de traitement et de la procédure régulière ; le quinzième établit le droit de vote sans discrimination raciale ; le dix‐neuvième interdit la dénégation du droit de vote fondée sur le sexe et le vingt‐sixième interdit la dénégation du droit de vote des citoyens des États‐Unis qui sont âgés de 18 ans ou plus. 92 Autant la Civil Rights Act (Public Law 88‐352, 2 juillet 1964) que lAmericans with Disabilites Act (Public Law 101‐336, 26 juillet 1990) prévoient des règles de droit de lhomme qui ne sont pas contenues dans la Constitution.
De lautre côté, le droit espagnol, qui fait partie de la tradition continentale ou droit civil, suit la structure consacrée dans larticle premier du Code Civil espagnol qui prévoit lapplication préférentielle des normes légales, laissant lapplication de la coutume et des principes généraux du droit en cas de lacune du droit écrit.
Les normes légales ont aussi une hiérarchie interne, les normes contenues dans la Constitution primant dabord, puis les lois organiques, ensuite les lois ordinaires et finalement, les décrets.
À la différence des États‐Unis, le précédent juridictionnel manque de valeur formelle en Espagne. Cependant, les décisions adoptées par des tribunaux supérieurs de justice, notamment par le Tribunal Constitutionnel, sont respectées et utilisées pour linterprétation des normes légales.
Les traités internationaux, étant donné que lEspagne est un pays moniste, ont la même valeur que la loi dès sa publication dans le Bulletin Official de lÉtat93.
Dailleurs, lEspagne en tant quÉtat Membre de lUnion Européenne, est régie par le droit de lUE. Ce droit se compose du droit originaire qui inclut les traités fondateurs et leurs modifications ‐ et le droit dérivé ou secondaire composé des actes adoptés par les institutions de lUE dans lexercice des compétences conférées par les traités originaires94. Comme on le verra ci‐dessous, une grande partie des normes espagnoles migratoires et dasile trouvent leur origine dans le droit européen.
De plus, les normes constitutionnelles sur les droits fondamentaux et les libertés contenues dans la Constitution espagnole de 1978 doivent être interprétées en conformité avec la Déclaration Universelle des Droits de lHomme de 1948 (ci‐après « DUDH ») et les conventions 93 Article 96 de la Constitution espagnole, BOE Nº 311, 29 décembre 1978. 94 Le droit européen secondaire se compose notamment des règlements et directives. Les règlements sont des actes législatifs contraignants, qui doivent être mis en uvre dans leur intégralité, par tous les États membres de l'Union européenne. Les directives, de leur côté, établissent les buts à atteindre par les États de lUnion, mais laissent à chacun le choix des moyens pour les atteindre.
et traités internationaux sur ces matières, ratifiés par lEspagne, y compris la Convention Européenne des Droits de lHomme de 1950 (ci‐après « CEDH »).
En outre, bien que les décisions de la Cour européenne des droits de lhomme (ci‐après « CEtDH ») ne constituent pas une source de droit, la sentence de 15 juin 1981 du Tribunal Constitutionnel établit que les droits fondamentaux répondent à un système universel de valeurs et de principes établis dans la DUDH et aux différents traités des droits de lhomme ratifiés par lEspagne. Il en résulte ainsi que le droit constitutionnel espagnol doit être interprété en accord avec la CEDH95.
Le droit pénal espagnol est réglé par le Code Pénal espagnol de 1995 (ci‐après « CPE ») et la
Ley de Enjuiciamiento Criminal96. Les infractions pénales terroristes sont établies dans le
chapitre sept du Code Pénal espagnol97.
Le droit migratoire espagnol, assez récent, a été motivé par le processus dintégration européenne. À présent, la loi migratoire en vigueur est la LO 4/2000 du 11 janvier 2000 sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale (ci‐après « LOEX ») tandis que les règles sur la protection internationale se trouvent dans la Loi 12/2009 du 30 octobre 2009, régulatrice du droit dasile et de la protection subsidiaire (ci‐après « LAPS »). 95 STC 21/1981, de 15 juin 1981 (BOE Nº 161, 7 juillet 1981). 96 Real Decreto de 14 de septembre de 1882 por el que se aprueba la Ley de Enjuiciamiento Criminal, BOE Nº 260, 17 septembre 1882. 97 Articles 571 à 580 du Code Pénal espagnol.