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Conclusion du Titre 1 Les principes exclus

Section 1. La définition du principe de subsidiarité

A. Le sens de la maxime lex specialia generalibus derogant

147. Proposition d’ordonnancement des normes. La maxime lex specialia generalibus derogant permet de réguler le champ d’application entre la loi générale et la loi spéciale en imposant une application prioritaire de cette dernière (1), laquelle est justifiée par un souci d’efficacité (2).

1. L’application prioritaire de la loi spéciale

148. Articulation entre loi générale et loi spéciale. La maxime lex specialia generalibus derogant signifie littéralement « la loi spéciale déroge à la loi générale »474. Elle permet de déterminer qui de la loi spéciale ou de la loi générale devra être appliquée, en donnant préférence à la loi spéciale qui connaît un champ d’application plus restreint. Ainsi, alors que l'on use en droit des sûretés du droit général de la preuve (art. 1326 du Code civil), depuis la législation du 1er août 2003, tous les

473 Elle est souvent étudiée dans les manuels d’introduction au droit : J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, PUF, coll. Thémis, 27ème éd., 2002, p. 208, n° 107 ; G. CORNU, Introduction au droit, Domat, Droit privé, Montchrestien, 13ème éd. 2007, p. 185 s., n° 334 s. et p. 154, n° 360 ; J.-L. AUBERT et E.

SAVAUX, Introduction générale au droit et thèmes fondamentaux, Paris, Sirey, 13ème éd., 2010 p. 121, n° 126 ; Ch. LARROUMET, Droit civil, Introduction à l’étude du droit privé, Economica, T. 1, 5 ème éd., 2006, p. 142, n° 235 ; Ph. MALINVAUD, Introduction à l’étude du droit, Manuel, Litec, 2009, p.100, n° 115 et p. 105, n° 125 ; R. CABRILLAC, Introduction générale au droit,Dalloz, Cours, droit privé, 9ème éd., 2011, p. 124, n° 119.

474 H. ROLAND et L. BOYER, Adages du droit français, Litec 4ème éd. 1999, n° 418.

cautionnements souscrits par une personne physique, qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, sont soumis aux dispositions de l’article L. 341-2 et suivants du Code de la consommation. Ces dispositions spéciales doivent prévaloir dès lors que le contrat de cautionnement entre dans leur champ d’application. Mais, d’autres dispositions encore plus spéciales peuvent aussi s’appliquer. La jurisprudence a décidé que le cautionnement consenti par acte authentique échappe aux prévisions de l’article 1326 du Code civil475 et au formalisme du Code de la consommation476. Finalement, affirmer que l’action spéciale exclut l’action générale peut conduire à écarter, outre l’action d’un degré de généralité immédiatement supérieur à celle considérée, la ou les actions par rapport auxquelles cette dernière constitue elle-même une action spéciale477.

2. La justification de l’application prioritaire de la loi spéciale

149. Légitimité de l’ordonnancement proposé par la maxime. On considère que privilégier la règle spéciale revient à respecter la volonté présumée du législateur. Celui-ci, en édictant cette règle, a souhaité soustraire la situation qu’elle régit à l’application de la règle générale à laquelle elle aurait été soumise en son absence478. Plusieurs éléments viennent conforter cette présomption. En premier lieu, le recours à la norme la plus spéciale permet « l’application de la règle de justice selon laquelle les personnes qui appartiennent à la même catégorie doivent être traitées de la même façon »479. Il est ainsi « nécessaire, pour respecter le principe de justice et pour ne pas régler de la même manière le cas de personnes appartenant à des catégories différentes, de déroger à la discipline de la règle générale et d’en établir une spéciale »480. Cette distinction permet d’obtenir, par la règle spéciale, une solution plus adaptée au litige. En second lieu, il s’agit de justifier la règle spéciale par son contenu, plus proche de la matière visée. Il faut ici revenir aux origines de la législation spéciale qui se développe pour deux séries de motifs. Tantôt, c’est l’arrivée de circonstances exceptionnelles qui conduisent le législateur à déroger aux règles de droit commun481. Nul n’ignore qu’il a ainsi dérogé au droit commun du mariage par la loi du 31 décembre 1959 sur les

475 Cass. com, 11 février 2004, Bull. IV, n° 26 ; Defrénois 2004, p. 724, obs. Ph. THERY.

476 Cass. 1ère civ., 24 février 2004, Bull. I, n° 60, p. 47 ; RD banc. et fin. 2004, comm. n° 112.

477 F. BUSSY-DUNAUD, Le concours d’actions en justice entre les mêmes parties. L’étendue de la faculté de choix du plaideur, préface de Jacques Ghestin, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, T. 201, 1988, n° 579, p. 275.

478 F. BUSSY-DUNAUD, op. cit., p. 271, n° 572 ; dans le même sens, R. GASSIN, art. précité, spéc. p. 91.

479 N. BOBBIO, « Des critères pour résoudre les antinomies », in Les antinomies en droit,Travaux du centre national de recherches juridiques, (dir.) Ch. Perelman, E. Bruylant, Bruxelles 1965, p. 237, spéc.

p. 249.

480 Ibid

481 F. LEDUC, « Le droit de la responsabilité civile hors le Code civil », LPA. 6 juillet 2005, n° 133, p. 3, spéc. p. 11. Selon l’auteur, « le législateur n’agit pas selon un plan d’ensemble, il réagit au coup par coup sous l’influence de pressions diverses par une pluie de lois de circonstances ».

130 mariages posthumes après la rupture du barrage Malpasset482. De même que l’article 1384, alinéa 2, du Code civil a été créé par la loi du 7 novembre 1922 pour donner satisfaction aux assureurs de responsabilité, inquiets du coût induit par l’application de l’article 1384, alinéa 1er, aux hypothèses de communication d’incendie. C’est l’affaire dite des fûts de résine de la gare de Bordeaux qui a suscité cette réaction législative483. Pareillement, la loi d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme a été adoptée en 1986 après une vague d’attentats484. Tantôt, c’est l’évolution des besoins de la société qui influe sur la création de ces lois spéciales. On pourrait en donner de nombreuses illustrations. On a, par exemple, créé des lois spéciales pour les entreprises en difficulté afin que celles-ci aient des chances de se redresser. Ainsi, l’article L. 622-13 du Code de commerce exige le maintien des contrats en cours au moment de l’ouverture de la procédure collective et empêche le créancier de résilier le contrat pour inexécution. Cette règle se différencie du droit commun des contrats qui permet la résiliation pour inexécution des obligations du cocontractant485. Semblablement, le législateur a édicté la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation en vue de répondre au mieux aux préjudices subis par les victimes d’un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur. A chaque fois, la volonté qui préside à cette création est celle de répondre au mieux à la réalité sociale qu’elle soit durable ou seulement ponctuelle486. C’est finalement en favorisant une norme au champ d’application plus réduit qu’une solution plus adéquate a été trouvée. Selon Carbonnier, « la loi spéciale est plus énergique, étant la mieux définie »487.

482 L’article 171, alinéa 1er, du Code civil issu de cette loi prévoit que « le Président de la République peut, pour des motifs graves, autoriser la célébration du mariage si l’un des futurs époux est décédé après l’accomplissement des formalités officielles marquant sans équivoque son consentement ».

483 Cass. civ., 16 novembre 1920, DP 1920, I. p. 169, note R. SAVATIER ; S. 1922, I. p. 97, note L.

HUGUENEY.

484 Loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986. On pourrait aussi citer la création du fonds d’indemnisation des transfusés hémophiles suite au scandale du sang contaminé par la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991, article 47, ainsi que la mise en place du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante consécutive à l’affaire de l’air contaminé issu de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, art. 53 et enfin, le vote de la loi Bachelot du 30 juillet 2003 (loi n° 2003-699) relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des préjudices qui fait suite à la catastrophe de l’usine AZF de Toulouse et aux inondations de l’automne 2002. V. A. GUEGAN-LECUYER « Le nouveau régime d’indemnisation des victimes de catastrophes technologiques », D. 2004, p. 17.

485 F. PEROCHON et R. BONHOMME, Entreprises en difficulté. Instruments de crédit et de paiement, Manuel, LGDJ, 8ème éd., 2009, p. 279 s., n° 286 s. ; P.-M. LE CORRE et E. LE CORRE-BROLY, Droit du commerce et des affaires. Droit des entreprises en difficulté, Sirey Université, 2ème éd., 2006, p. 149 s., n°

163 s.

486 Cf. J. CARBONNIER, Essai sur les lois, Répertoire du notariat Defrénois, 2ème éd., 1995, p. 312 :

« Qu’un scandale éclate, qu’un accident survienne, qu’un inconvénient se découvre : la faute en est aux lacunes de la légalisation. Il n’y a qu’à faire une loi de plus. Et on la fait ».

487 J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, PUF, coll. Thémis, 27ème éd., 2002, p. 208, n° 107.

B. L’apport de la maxime lex specilia generalibus derogant au principe