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Recherche sur l'articulation entre le droit commun et le droit spécial en droit de la responsabilité civile extracontractuelle

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-00705891

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Submitted on 8 Jun 2012

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Recherche sur l’articulation entre le droit commun et le droit spécial en droit de la responsabilité civile

extracontractuelle

Stéphanie Mauclair

To cite this version:

Stéphanie Mauclair. Recherche sur l’articulation entre le droit commun et le droit spécial en droit de la responsabilité civile extracontractuelle. Droit. Université d’Orléans, 2011. Français. �NNT : 2011ORLE0004�. �tel-00705891�

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UNIVERSITÉ D’ORLÉANS

ÉCOLE DOCTORALE SCIENCES DE L’HOMME ET DE LA SOCIETÉ CRJ POTHIER

Recherche sur l’articulation entre le droit commun et le droit spécial en droit de la

responsabilité civile extracontractuelle

THÈSE

présentée par :

STEPHANIE MAUCLAIR

soutenue le : 10 novembre 2011

pour obtenir le grade de : Docteur de l’université d’Orléans Discipline : Droit privé

_________________________________________________________________

JURY:

M. Tristan AZZI (Directeur)

Professeur à l’Université Paris Descartes (Paris V)

Mme Mireille BACACHE-GIBEILI

(Rapporteur)

Professeur à l’Université Paris Descartes (Paris V)

Mme Olivera BOSKOVIC

Professeur à l’Université d’Orléans

M. Philippe BRUN (Rapporteur)

Professeur à l’Université de Savoie

Mme Catherine THIBIERGE Professeur à l’Université d’Orléans.

(Présidente du jury)

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UNIVERSITÉ D’ORLÉANS

ÉCOLE DOCTORALE SCIENCES DE L’HOMME ET DE LA SOCIETÉ CRJ POTHIER

Recherche sur l’articulation entre le droit commun et le droit spécial en droit de la

responsabilité civile extracontractuelle

THÈSE

présentée par :

STEPHANIE MAUCLAIR

soutenue le : 10 novembre 2011

pour obtenir le grade de : Docteur de l’université d’Orléans Discipline : Droit privé

_________________________________________________________________

JURY:

M. Tristan AZZI (Directeur)

Professeur à l’Université Paris Descartes (Paris V)

Mme Mireille BACACHE-GIBEILI

(Rapporteur)

Professeur à l’Université Paris Descartes (Paris V)

Mme Olivera BOSKOVIC

Professeur à l’Université d’Orléans

M. Philippe BRUN (Rapporteur)

Professeur à l’Université de Savoie

Mme Catherine THIBIERGE Professeur à l’Université d’Orléans (Présidente du Jury)

(5)
(6)

L’université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce document.

Ces opinions doivent être considérées comme propres à l’auteur.

(7)
(8)

Merci au Professeur Tristan AZZI de m’avoir accompagnée pendant ces années de recherche. Sa disponibilité et ses conseils me furent précieux.

Merci également à tous mes relecteurs et à tous ceux qui ont contribué à l’aboutissement de cette thèse, par leur soutien et leurs encouragements.

Je tiens enfin à remercier les Professeurs Mireille BACACHE-GIBEILI, Olivera BOSKOVIC, Philippe BRUN et Catherine THIBIERGE d’avoir accepté de constituer mon jury de soutenance.

(9)
(10)

LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS -A-

Act. Actualité

AJDA : Actualité juridique de droit administratif

al. : alinéa

APD : Archives de philosophie du droit art. : article

Ass. Plén : Assemblée Plénière

-B-

Bull. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation

Bull. Joly : Bulletin Joly

-C-

CA : Cour d’Appel CE : Conseil d’Etat

CEDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme

CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes

CJUE : Cour de Justice de l’Union Européenne

C. civ. : Code civil

C. com : Code du commerce

C. conso : Code de la consommation C. env. : Code de l’environnement C. pen. : Code pénal

C. transp. : Code des transports Cf. : Confère

Ch. : Chambre

Ch. réunies : Chambre Réunies Civ. : Chambre civile de la Cour de cassation

Com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation

Com. com. élect. : Communication et commerce électronique

Crim. : Chambre criminelle de la Cour de cassation

Comm. : Commentaire Concl. : Conclusions

Const. urb. : Construction urbanisme

Cont. conc. cons. : Contrats concurrence et consommation

-D-

D. : Dalloz

D. aff. : Dalloz Affaires

DC. : Dalloz critique (de 1941 à 1944) Def. : Répertoire du notariat Defrénois DH. : Dalloz (de 1924 à 1940)

dir. : sous la direction de

DMF. : Le droit maritime français Doct. : Doctrine

Dr. fam. : Droit de la famille Dr. soc. : Droit social

Dr. et pat. : Droit et patrimoine

-E-

éd : édition

-F-

fasc : fascicule

-G-

GAJA : Grands arrêts de la jurisprudence administrative

GAJC : Grands arrêts de la jurisprudence civile

GP. : Gazette du Palais

-I-

ibid : ibidem (cité à la référence précédente) infra : au-dessous de

IR : Informations rapides

-J-

JCP : Juris-Classeur Périodiques (Semaine Juridique)

JDI. : Journal du droit international JP. : Jurisprudence

JO : Journal officiel de la République Française

(11)

JOAN : Journal officiel de l’Assemblée nationale

JOUE : Journal officiel de l’Union européenne

-L-

LPA. : Les petites affiches LP : Légipresse

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

loc. cit. : loco citato (à l’endroit cité)

-N-

n° : numéro

-O-

Obs. : Observations

op. cit. : opere citato (dans l’ouvrage cité)

-P-

p. : page préc. : précité

PUF : Presses universitaires de France

-R-

RAE : Revue des affaires européennes Rapp. : rapport

RCDIP. : Revue critique de droit international privé

RDC. : Revue de droit des contrats RDI : Revue de droit international RD banc. et fin. : Revue de droit bancaire et financier

RD san. et soc. : Revue de droit sanitaire et social

RD Im. : Revue de droit immobilier RDP : Revue de droit public

Rec. : Recueil

RFDA : Revue française de droit administratif

RFAP : Revue française d’administration publique

RGDA : Revue générale du droit des assurances

RIDC : Revue internationale de droit comparé

RJDA : Revue de jurisprudence de droit des affaires

RJEP: Revue juridique de l’économie publique

RJT : Revue juridique Thémis

RRJ : Revue de recherche juridique – Droit prospectif

Resp. civ. Ass. : Responsabilité civile et assurances

RTD. civ. : Revue trimestrielle de droit civil

RTD. com. : Revue trimestrielle de droit commercial

RTD. europ. : Revue trimestrielle de droit européen

-S-

s. : et suivant(e)s S. : recueil Sirey Spéc. : Spécialement Supra : au-dessus de

-T-

t. : tome

T. com. Tribunal de commerce

TCF. DIP. : Travaux du comité français de droit international privé

TGI : Tribunal de grande instance TI : Tribunal d’instance

TPS. : Travail et protection sociale

-V-

v. : Voir

(12)

SOMMAIRE

Première partie : L’articulation des normes de la responsabilité civile à l’aide d’un principe directeur

Titre 1 : Les principes exclus

Chapitre 1 : Le principe d’autorité, principe à vocation hiérarchique

Chapitre 2 : Le principe de temporalité, principe à vocation chronologique Titre 2 : Le principe retenu

Chapitre 1 : L’appréhension du principe de subsidiarité

Chapitre 2 : L’articulation des normes par le principe de subsidiarité

Seconde partie : L’articulation des normes de la responsabilité civile à l’aide d’un principe correcteur

Titre 1 : La recherche théorique du principe correcteur

Chapitre 1 : Le passage d’un principe directeur à un principe correcteur Chapitre 2 : Le fonctionnement du principe correcteur d’intérêt

Titre 2 : La mise en œuvre empirique du principe correcteur d’intérêt

Chapitre 1 : La résolution des concours structurels simples : l’aménagement du principe de subsidiarité

Chapitre 2 : La résolution des autres concours : le dépassement du principe de subsidiarité

(13)
(14)

INTRODUCTION

(15)

2

(16)

« Tout est plus simple qu’on ne peut l’imaginer et en même temps plus enchevêtré qu’on ne saurait le concevoir »1

1. Foisonnement des normes, source d’insécurité. « Heureux ceux qui sauraient se contenter de la Loi qui leur a été donnée en dix articles, ou même – puisque déjà c’était trop pour leur faiblesse – du sommaire qui leur en a été proposé en deux commandements ! Mais c’est des lois humaines qu’il est question ici »2.

La multiplication des règles de droit en général3 et dans la responsabilité civile en particulier n’est plus à démontrer. Le constat est unanime4, cette matière n’apparaît plus à la doctrine que sous la forme du manteau d’Arlequin5. Il s’agit d’un droit éclaté où prolifèrent les législations spéciales. Deux éléments caractérisent cet éclatement : l’éparpillement des sources juridiques des régimes spéciaux et leur très grande diversité au fond6. Ainsi, certaines des règles de responsabilité civile ont fait l’objet d’une codification, dans le Code civil (art. 1382 et s.) ou dans d’autres codes

1 J. W. von GOETHE, Sentences en prose, 1870.

2 J. CARBONNIER, Essais sur les lois, Répertoire du notariat Defrénois, 2ème éd., 1995, p. 307.

3 G. RIPERT, Le déclin du droit. Etudes sur la législation contemporaine, LGDJ, 1949, qui expliquait le déclin du droit en raison notamment de la prolifération des lois ; R. SAVATIER, « L’inflation législative et l’indigestion du corps social », D. 1977, chr. p. 43, spéc. p. 48, n° 3, qui entreprenait une critique des désordres de la législation de la fin des années 1970. Décrivant le siège de l’inflation législative, il relevait que « la natalité des lois n’est nullement balancée par leur mortalité. Le législateur abolit beaucoup moins qu’il ne légifère » ; J. CARBONNIER, op. cit., spéc. chap. 7, p. 307 s., intitulé « L’inflation des lois » ; F. TERRE, « La crise de la loi », in La loi, APD, T. XXV, Sirey 1980, p. 17, spéc. p. 23. L’auteur y explique la désacralisation et la déstabilisation de la loi par la multiplicité des lois, leur prolifération et « le nombre sans cesse accru des lois inutiles, de lois périlleuses, de lois-gadgets » ; G. BLANDIN,

« Interrogations sur les lois nouvelles », in La loi, Bilan et perspectives, Economica, coll. Etudes juridiques, vol. 22, 2005, (dir.) C. Puigelier, p. 17. L’auteur dénonce les dangers de l’ampleur de la variété des lois nouvelles ; J. C. ZARKA, « A propos de l’inflation législative », D. 2005, point de vue, p. 660 s., spéc. p. 660, pour qui « on assiste en France, depuis environ une dizaine d’années, à un accroissement sensible de la production législative » qui « aboutit bien souvent à l’adoption de lois dont la qualité est pour le moins contestable ».

4 Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2010/2011, n° 8054 ; Ph.

BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, Manuel Litec, 2ème éd., 2009, p. 7 s., n° 11 s. ; J. FLOUR, J.- L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, le fait juridique, Université, Sirey, 13ème éd., 2009, p. 96 s., n° 86 s. ; Ph. MALAURIE, L. AYNES et Ph. STOFFEL MUNCK, Les obligations, Droit civil, Defrénois, 4ème éd. 2009, n°26 s. p. 12 s. ; A. TUNC, « Le droit en miettes », in La responsabilité, APD, T. VII, Sirey, 1977, p. 31 ; R. GASSIN, « Lois spéciales et droit commun », D. 1961, p. 91 s., spéc. p. 92, n° 3. L’auteur admet que « tous les juristes s’accordent à reconnaître que les lois spéciales occupent une place capitale dans l’ordre juridique contemporain. Il apparaît que la spécialité devient ordinaire et que le principe est vidé de son contenu ».

5 Y. LAMBERT-FAIVRE, « Dommage corporel : de l’hétérogénéité des systèmes de réparation à l’unicité d’une méthodologie de l’indemnisation », in Responsabilité et Assurance, Mélanges R.-O. Dalcq, Larcier Bruxelles, 1994, p. 349.

6 A. ANZIANI et L. BETEILLE (dir), Rapport du groupe de travail sur la responsabilité civile de la Commission des lois du Sénat, 15 juillet 2009, n° 558, p. 17.

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4 (de l’assurance, de l’aviation, de l’environnement, du commerce, de la santé publique ou encore dans le code rural…). D’autres, non codifiées, sont issues de diverses lois (celle du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique, celle du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation ou celle du 29 juillet 1881 sur la liberté d’expression…). Parallèlement, certaines règles trouvent directement leur source dans des textes internationaux ou communautaires (la loi du 19 mai 1998 portant sur la responsabilité du fait des produits défectueux, issue d’une directive communautaire du 25 juillet 1985, et la Convention de Paris du 29 juillet 1960 portant sur les accidents nucléaires …).

Cet éparpillement des sources s’accompagne d’une grande diversité sur le fond des régimes de responsabilité. Qu’il s’agisse de leur champ d’application : à côté des régimes qui drainent un très fort contentieux – telle la loi sur les accidents de la circulation du 5 juillet 1985 –, certains régimes portent sur des domaines beaucoup plus restreints – comme la loi du 8 juillet 1941 établissant une servitude de survol au profit des téléphériques dont l’article 6 prévoit que « le constructeur ou l’exploitant du téléphérique est responsable de plein droit des dommages causés aux personnes et aux biens par le passage des câbles et cabines ou par les objets qui s’en détachent ». Ou qu’il s’agisse de leurs contenus : responsabilité pour faute, sans faute, avec une présomption de faute… Pourtant, « cette très grande diversité des régimes ne saurait être réduite : elle est le reflet de la très grande diversité des situations créées par la vie en société »7. Il nous faut donc composer avec elle et essayer de proposer des pistes constructives pour l’apprivoiser.

Pourquoi chercher à l’apprivoiser ? Tout simplement parce que cette diversité est inévitablement source d’insécurité juridique8. De nombreux problèmes pratiques se posent du fait de ce foisonnement de normes. On se demande ainsi quelle norme doit être choisie pour résoudre le litige, comment faire et justifier ce choix, ou encore qui doit choisir. L’articulation des normes de la responsabilité civile est ainsi au cœur du problème.

7 A. ANZIANI et L. BETEILLE (dir), Rapport du groupe de travail sur la responsabilité civile de la Commission des lois du Sénat, précité, p. 19

8 Ph. BRUN, op. cit., p. 8 n° 11 ; O. GOUT, « La diversité des systèmes d’indemnisation », Lamy droit civil 2004, p. 55 ; Ph. Le TOURNEAU, « Des métamorphoses contemporaines de la faute subjective », in Les métamorphoses de la responsabilité, Journées R. Savatier, PUF, 1997, p. 19 ; F. LEDUC, « L’œuvre du législateur moderne : vices et vertus des régimes spéciaux », in La responsabilité civile à l’aube du XXIème siècle, Bilan prospectif, Resp. civ. Ass. n° spécial, juin 2001, p. 50 ; du même auteur, « Le droit de la responsabilité civile hors le Code civil, LPA. 6 juillet 2005, n° 133, p. 3 ; B. OPPETIT, « Les tendances régressives du droit contemporain », in Mélanges dédiés à D. Holleaux, Litec, 1990, p. 317 ; F. POLLAUD- DULIAN, « De quelques avatars de l’action en responsabilité civile dans le droit des affaires », RTD.

com. 1997, p. 349 ; C. RADE, « Plaidoyer en faveur d’une réforme de la responsabilité civile », D. 2003, p. 2247 ; G. VINEY, « Rapport de synthèse », in La responsabilité civile à l’aube du XXIème siècle, Bilan prospectif, précité, chr. p. 12 ; C. GRARE. Recherches sur la cohérence de la responsabilité délictuelle, l’influence des fondements de la responsabilité sur la réparation, préface de Y. Lequette, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, vol. 45, 2005.

(18)

Imaginons qu’une personne soit victime d’un dommage dans lequel un cyclomoteur est impliqué, sur quel fondement devra-t-elle agir ? Sur celui de la responsabilité du fait des accidents de la circulation ou sur celui de la responsabilité du fait des choses ? Et si d’aventure l’accident de la circulation est causé par un animal, et que le conducteur du véhicule est mineur au moment des faits, doit-on, outre les deux dispositions précédemment citées, agir sur le fondement de l’article 1382 du Code civil (responsabilité pour un fait personnel), sur celui de l’article 1385 du même code (responsabilité du fait des animaux) ou encore celui de l’article 1384, alinéa 4, du même code (responsabilité des parents du fait de leurs enfants) ? Ces questions ne sont pas anodines puisqu’elles conditionnent le procès en réparation exercé par la victime et révèlent la complexité de la matière. Complexité qui fait écho à la problématique de la sécurité juridique dont il convient au préalable de rappeler le sens si l’on veut ensuite en assurer la protection.

2. Objectifs de la sécurité juridique. Un des principaux impératifs qui régule le droit est justement la préservation de la sécurité juridique. La notion de sécurité juridique est difficile à cerner et les enjeux en découlant ne sont pas toujours clairement établis. Deux grandes problématiques la concernant existent. La première, sur laquelle nous ne nous arrêterons pas, concerne sa nature : la question se pose de savoir si le principe en dérivant a été consacré ou non comme un principe général du droit9. La seconde porte sur son contenu. Ce dernier peut être identifié à l’aide d’une définition de la sécurité juridique. Celle-ci représente, en effet, « une sorte de havre de sûreté, de stabilité et de permanence des situations juridiques. Plus généralement, on peut tenter de définir la sécurité juridique comme une garantie ou une protection tendant à exclure, du champ juridique, le risque d’incertitude ou de changement brutal dans l’application »10. Ainsi, la sécurité juridique traduit deux exigences. D’une part, une exigence sociale en ce qu’« elle constitue un outil d’organisation sociale : il n’est point de société stable sans appareil normatif fixant à chacun, de manière sûre, les règles auxquelles il est soumis »11. D’autre part, une exigence économique. En effet, « l’impératif de sécurité juridique (…) intéresse au plus haut point la vie de l’entreprise. (…). Le flou qui, parfois, entoure ces paramètres juridiques [modalités d’exercice du pouvoir, protection des salariés], rendant difficile la compréhension de la règle posée, démultiplie le risque d’erreur, facteur d’annulation d’accords, d’engagement de responsabilité… et de redressements fiscaux ou sociaux (…) »12. Grâce à cette définition, nous pouvons mettre en évidence les

9 V. notamment, A. CRISTAU, « L’exigence de sécurité juridique », D. 2002, doct. p. 2814 ; P. CASSIA,

« La sécurité juridique, un nouveau principe général du droit aux multiples facettes », D. 2006, chr.

p. 1190 ; A. MET-DOMESTICI, « La sécurité juridique : consécration nouvelle d’une exigence ancienne.

Précisions sur les enjeux de la reconnaissance par le Conseil d’Etat du principe de sécurité juridique », RRJ 2007-4, p. 1873.

10 M. KDHIR, « Vers la fin de la sécurité juridique en droit français ? », LPA. 16 août 1993, p. 9 s., spéc.

p. 9.

11 B. TEYSSIE, « L’impératif de sécurité juridique », in Le monde du droit, écrits rédigés en l’honneur de J. FOYER, Economica, 2008, p. 985 s ., spéc. p. 986.

12 Ibidem.

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6 conditions principales qui permettent de parvenir à la sécurité juridique. Il s’agit notamment de « la stabilité et l’incontestabilité, la garantie, la protection, la permanence, l’assurance, la certitude et la confiance »13. Ces différentes conditions pouvant être rassemblées au sein de deux objectifs primordiaux : la prévisibilité et la cohérence14.

3. Prévisibilité et cohérence. Le premier objectif de prévisibilité « ne peut être satisfait que dans la mesure où les justiciables sont en mesure de prévoir les solutions susceptibles d’être admises ». « L’individu, pourvu de cette faculté de déduire un événement futur à partir de l’analyse de la situation du présent, dispose d’un atout considérable : celui d’orienter son comportement en fonction des effets attendus avec la ferme conviction qu’ils surviendront (…). Lorsqu’elle se trouve garantie dans l’ordre juridique, la prévisibilité conforte la nature du droit puisque ce dernier se veut le triomphe de la stabilité sur le mouvement »15.

Le second objectif de cohérence est plus problématique à définir. Tout système juridique est par principe complet et tend par essence à l’homogénéité16. Dès lors, il semblerait inopportun, voire inutile, de s’intéresser à sa réorganisation puisqu’il postule sa cohérence interne. Pourtant, on ne peut nier qu’à tout instant, apparaissent dans ce système des controverses au sein de la doctrine, des divergences dans la jurisprudence, des lacunes dans la loi, voire parfois quelques contradictions entre les règles. On pourrait objecter que ce désordre n’est que temporaire ou qu’exceptionnel.

Néanmoins, il est bien réel et parfois plus persistant qu’on ne le voudrait. En témoignent « l’émiettement du droit »17, sa parcellisation, sa complexification ou son inflation18. On s’aperçoit alors que la cohérence du droit constitue bien un impératif primordial de l’organisation du système juridique qui reste à atteindre19.

Le principe du nécessaire respect de cette cohérence étant acquis, il reste à définir ce qu’il recouvre. Il se trouve que son contenu est difficile à cerner, car la cohérence du droit constitue une notion floue, rarement définie et susceptible de se prêter à des acceptions très diverses20. Afin de définir la cohérence, on pourrait la rattacher à une autre notion qui est celle de l’ordre. En effet, un système cohérent peut s’entendre d’un système ordonné. L’ordre se définit alors comme « une

13 B. PACTEAU, « La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? », AJDA 1995, p. 151 s., spéc.

p. 151.

14 M. VILLEY, Philosophie du droit, Dalloz, 4ème éd., 1986, rééd 2001, n° 151, p. 185. Pour Villey, « le progrès du droit est d’atteindre au maximum de cohérence : soit pour procurer la sécurité, la certitude des sentences, soit encore l’efficacité du contrôle social ».

15 P. MUZNY, « La prévisibilité normative : une notion absolument relative », RRJ 2006-1, p. 31 s., spéc.

p. 31.

16 V. J.-L. BERGEL, Méthodologie juridique, Paris, PUF, 1ère éd., 2001, p. 25. Selon l’auteur, « ce qui caractérise un système, c’est la cohérence des éléments qui le composent ».

17 A. TUNC, « Le droit en miettes », article précité.

18 Cf. supra n° 1.

19 A propos de la cohérence de la responsabilité civile extracontractuelle, v. C. GRARE, op. cit.

20 F. BUSSY-DUNAUD, Le concours d’actions en justice entre les mêmes parties, préface de J. Ghestin, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 201, 1988, p. 242, n° 508.

(20)

disposition méthodique, un arrangement des choses classées d’après certains rapports, certaines convenances, certaines qualités juridiques »21. Dès lors, pour obtenir un système cohérent de normes, il est nécessaire qu’au terme du processus d’interprétation, les règles de droit, et par là même les actions auxquelles elles donnent naissance, s’ajustent parfaitement les unes aux autres. Or, cet ajustement n’est possible que si chacune des actions conserve son effectivité et son efficacité. Dans le premier cas, il s’agit de vérifier que l’exercice d’une action n’empêche pas l’autre action d’avoir un effet concret22. Dans le second cas, il faut s’assurer qu’en usant d’une des actions, on ne porte pas atteinte à l’effet que l’on attend de l’autre action23.

Cohérence et prévisibilité seront donc les maîtres mots de cette étude dont il nous faut dès à présent cerner plus précisément le champ.

4. Champ de l’étude : la responsabilité civile extracontractuelle. Une première précision terminologique s’impose. L’emploi du terme responsabilité extracontractuelle en lieu et place de celui de responsabilité délictuelle a été opéré pour deux raisons. En premier lieu, on constate que les ouvrages récents utilisent volontiers cette dernière expression ce qui illustre l’actualité de cette terminologie24. En second lieu, le choix fait par la doctrine d’évoquer une responsabilité extracontractuelle n’est pas toujours anodin, le terme étant considéré comme plus englobant25. L’expression de responsabilité extracontractuelle permet d’inclure non seulement la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle fondée sur les articles 1382 et suivants du Code civil, mais également les régimes spéciaux de responsabilité qui transcendent la distinction traditionnelle entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle en réparant les préjudices causés aux victimes qu’elles soient tiers ou parties. Ainsi, le recours traditionnel au terme de responsabilité

21 V. LASSERRE-KIESOW, « L’ordre des sources ou le renouvellement des sources du droit », D. 2006, chr. p. 2279 s. L’auteur rappelle que l’ordre est essentiel dans la pensée juridique parce qu’il est garant de la sécurité juridique.

22 « Effectivité », Le Robert, 2010. On entend par le terme effectif le fait d’avoir un effet concret, positif.

L’effectivité étant la qualité qui en découle. Plus précisément, l’effectivité s’entend, en droit, « du degré de réalisation, dans les pratiques sociales, des règles », « Effectivité », A.-J. ARNAUD, Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ, 2ème éd., 1993.

23 « Efficacité », Le Robert, 2010. L’efficacité s’entend de ce qui produit l’effet attendu. En droit, elle se définit plus spécifiquement comme : « le mode d’appréciation des conséquences des normes juridiques et de leur adéquation aux fins qu’elles visent ». « Efficacité », A.-J. ARNAUD, op. cit.

24 V. notamment, M. BACACHE-GIBEILI, Les obligations. La responsabilité civile extracontractuelle, Droit civil, Economica, t. V., 1ère éd., 2007, p. 2 n° 1 ; Ph. BRUN, op. cit., p. 15 s., n° 22 ; L. CLERC-RENAUD, Du droit commun et des régimes spéciaux en droit extracontractuel de la réparation, sous la direction de Ph.

Brun, Université de Savoie, 2006 ; J. TRAULLE, L’éviction de l’article 1382 du Code civil en matière extracontractuelle, préface de P. Jourdain, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 477, 2007.

25 Pour une approche assimilant les deux expressions v, notamment, le rapport du Sénat mentionnant que « la responsabilité délictuelle est encore appelée responsabilité extracontractuelle », A. ANZIANI et L.

BETEILLE, Rapport du groupe de travail sur la responsabilité civile de la Commission des lois du Sénat, précité, p. 14. Pour une approche considérant l’expression de responsabilité extracontractuelle comme plus englobante : v., notamment, M. BACACHE-GIBEILI, op. cit., p. 2 n° 1 ; Ph. BRUN, op. cit., loc. cit.

(21)

8 délictuelle ne rendrait plus aujourd’hui compte de la réalité du droit positif. C'est pourquoi nous avons choisi, nous aussi, d’adopter cette expression.

5. Définition de la responsabilité civile extracontractuelle par ses fonctions. Traditionnellement, la responsabilité civile extracontractuelle est définie comme l’obligation de réparer les préjudices que l’on cause à autrui26. Pourtant, cette définition trop sommaire ne rend pas réellement compte de tous les aspects du concept de responsabilité civile extracontractuelle puisqu’elle laisse penser que celle- ci n’aurait qu’une fonction réparatrice. Or, une seconde fonction, dite normative, doit lui être ajoutée : celle de dissuader les comportements dommageables27. Cette dernière fonction serait aujourd’hui en phase d’évolution avec l’apparition en droit français de techniques propres aux législations étrangères telles que les dommages et intérêts punitifs28. Pareillement, l’effet préventif de cette responsabilité dissuasive

26 Ph. BRUN, op.cit., p. 1 n° 1 ; M. BACACHE-GIBEILI, op. cit., p. 1 n° 1 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES et Ph. STOFFEL MUNCK, op. cit., n° 22 p. 9 ; Ph. MALINVAUDet D. FENOUILLET, Droit des obligations, Manuel, Litec, 11ème éd., 2010, p. 415, n° 523 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, op. cit., p. 67, n° 61

27 A propos des fonctions de la responsabilité civile, v. notamment Ph. BRUN, op. cit., p. 9 s., n° 12 s. ; M. BACACHE-GIBEILI, op. cit., p. 1 s. n° 1 s. Plus précisément, à propos de ce rôle prophylactique de la responsabilité civile, v. A. TUNC, « Les problèmes contemporains de la responsabilité délictuelle », RIDC 1967, p. 757 ; du même auteur, « Responsabilité civile et dissuasion des comportements antisociaux », in Aspects nouveaux de la pensée juridique, Mélanges offerts à M. Ancel, éd. A. Pédone, 1975, t. II, p. 407.

28 V. Notamment, L. HUGUENEY, L’idée de peine privée en droit contemporain, Paris, A. Rousseau, 1904 ; du même auteur, « Le sort de la peine privée en France dans la première moitié du 20ème siècle », in Le droit privé français au milieu du XXe siècle, Mélanges G. Ripert, LGDJ, 1950, t. II, p. 249 ; B. STARCK, Essai d'une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, préface de M. Picard, éd. L. Rodstein, 1947 ; M. CREMIEUX, « Réflexions sur la peine privée moderne », Etudes P. Kayser, PUAM., 1979 p. 201 ; S. CARVAL, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, préface de G. Viney, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 250, 1995 ; A. JAULT, La notion de peine privée, préface de F. Chabas, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 442, 2005 ; C. GRARE, op. cit., n° 297 ; B. MAZABRAUD, La peine privée, aspects de droit interne et international, Thèse Paris II, 2006 ; S.

PIEDELIEVRE, « Les dommages et intérêts punitifs : une solution d’avenir ? », Resp. civ. Ass., H.S., Juin 2001, p. 68 ; Faut-il moraliser le droit français de la réparation des dommages, colloque Paris V, organisé sous la direction de M. Béhar-Touchais, LPA. n° spécial, 20 nov. 2002 ; G. VINEY, « Quelques propositions de réforme de la responsabilité civile », D. 2009, chr., p. 2944 spéc. p. 2945 ; O.

BOSKOVIC, « Les dommages et intérêts en droit international privé. Ne pas manquer une occasion de progrès », JCP. G. 2006, I 163.

Pour une application de cette théorie : Cass. 1ère civ., 1er décembre 2010, Resp. civ. Ass. 2011, comm. n° 100 ; dans la même revue, étude n° 5, par V. WESTER-OUISSE ; JCP. G., 2011, chr. n°11, obs.

Ph. STOFFEL-MUNCK ; D. 2011, p. 423, note F.-X. LICARI. Dans cet arrêt, la Cour de cassation admet qu’une décision étrangère qui accorde des dommages et intérêts punitifs peut obtenir l’exéquatur, car ces dommages punitifs ne sont pas contraires à l’ordre public. Pour autant, la porte ne semble ici qu’entrouverte par la Cour de cassation puisqu’en l’espèce elle refuse l’exéquatur en tenant compte du fait que le montant alloué au titre des dommages et intérêts est manifestement disproportionné au préjudice subi et au manquement aux obligations contractuelles.

Dans une approche prospective, on note que l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité prévoit la possibilité d’accorder des dommages et intérêts punitifs en cas de faute

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serait aussi renouvelé par de nouveaux principes tels que le principe de précaution29. Ces différents rôles attribués à la responsabilité civile ont pour conséquence de venir accroître les normes chargées de les assurer, favorisant la complexification de la matière. En dehors des fonctions de la responsabilité civile, la définition de cette dernière peut aussi passer par la détermination de son champ d’application.

6. Champ d’application de la responsabilité civile extracontractuelle. On reconnaît classiquement l’existence de trois faits générateurs de dommages30. Le premier, le plus ancien, est le fait personnel posé par l’article 1382 du Code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Les deux suivants, le fait des choses et le fait d’autrui, sont présents dans l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil qui prévoit que l’« on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde »31. Plus récemment, et pour certains auteurs, il serait possible de

manifestement délibérée, et notamment en cas de faute lucrative. P. CATALA (dir.), Avant-projet de réforme du droit des obligations (articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (articles 2234 à 2281 du Code civil), rapport à M. Pascal Clément, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, 22 septembre 2005, p. 162, article 1371.

29 C. THIBIERGE, « Libres propos sur l’évolution de la responsabilité (vers un élargissement de la fonction de la responsabilité civile ?) », RTD. civ. 1999, p. 561 ; du même auteur, « Avenir de la responsabilité civile, responsabilité de l’avenir », D. 2004, chr., p. 577 ; C. RADE, « Réflexions sur les fondements de la responsabilité civile, l’impasse », D. 1999, chr., p. 313 ; du même auteur, « Le principe de précaution ; Une nouvelle éthique de la responsabilité ? », RRJ 2000, p. 75 ; M. BOUTONNET, Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile, préface de C. Thibierge, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 444, 2005 ; C. GRARE, op. cit. ; P. KOURILSKY et G. VINEY, Le principe de précaution ; rapport au Premier ministre, La documentation française, éd. O. Jacob, 2000 ; Le principe de précaution, colloque CRDP Paris I, LPA. 30 novembre 2000 ; G. MARTIN, « Précaution et évolution du droit », D. 1995, chr. p. 300 ; J.-P. DESIDERI, « La précaution en droit privé », D. 2000, chr. p. 238 ; A. GUEGAN, « L’apport du principe de précaution au droit de la responsabilité civile », RJE. 2000, p. 147 ; P. SARGOS, « Approche judiciaire du principe de précaution en matière de relations médecin-patient », JCP. G. 2000, I. 226 ; D. MAZEAUD, « Responsabilité civile et précaution », in la responsabilité civile à l’aube du XXIème siècle, Resp. civ. A.ss., H.S., juin 2001, p. 14.

Le principe de précaution a été consacré par la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement dans son article 5. Ce principe impose aux autorités publiques,

« lorsque la réalisation d’un dommage bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement » de veiller « à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures probatoires proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

30 Ph. BRUN, op. cit., p. 179 s. n° 280 s. ; M. BACACHE-GIBEILI, op. cit., p. 115 s. n° 103 s. ; Ph.

MALINVAUD et D. FENOUILLET, op. cit., n° 553, p. 439 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, op.

cit., p. 109, n° 96 ; R. CABRILLAC, Droit des obligations, Dalloz, Cours, droit privé, 9ème éd., 2010, p. 194, n° 233,. Pour une autre présentation : Ph. MALAURIE, L. AYNES et Ph. STOFFEL MUNCK, op. cit., n°

47 s. p. 27 s. Les auteurs constatent l’existence de deux faits générateurs, la faute et le risque, puis ils évoquent la présence de responsabilités complexes : responsabilité du fait d’autrui, responsabilité du fait des choses et responsabilité du fait des actes collectifs.

31 Cf. infra n° 49, 69 s. et n° 100.

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10 reconnaître l’existence d’un quatrième fait générateur : le trouble de voisinage.

M. Philippe Brun constate ainsi que « loin d’en faire un droit d’exception, la jurisprudence l’a au contraire fondé sur un principe général, qu’elle n’hésite pas à viser en lui-même, et qui semble bien avoir aujourd’hui pris sa place, parmi les normes de portée générale régissant la responsabilité extracontractuelle »32. Autonome par rapport aux autres faits générateurs de responsabilité, il paraît souvent difficile à classer tant ses liens semblent forts avec la responsabilité du fait des choses33. Pour autant, son originalité ne saurait être déniée, de sorte qu’il sera étudié ici comme un quatrième fait générateur.

Si la responsabilité civile extracontractuelle peut se définir à l’aide de ses fonctions ou de ses faits générateurs, il reste un point à éclaircir : celui de savoir comment identifier, parmi l’ensemble des normes existantes, une norme de responsabilité civile.

7. Critère d’identification d’une norme de responsabilité civile. Ce critère d’identification pourrait trouver sa source dans la fonction primaire de la responsabilité : la réparation. A l’origine, les règles de la responsabilité civile ont été instituées afin d’identifier le responsable du dommage redevable de la réparation.

Ainsi, le critère retenu est celui de l’existence d’un responsable désigné en application des règles de la responsabilité civile. Le responsable, personne physique ou morale, est reconnu comme tel du fait de son aptitude à répondre du dommage. A contrario, tous les tiers payeurs qui ne sont tenus à indemnité qu’en vertu de la solidarité nationale et de la volonté d’assurer aux victimes de certains préjudices une indemnisation automatique, sans rechercher de responsabilité, ne sont pas des responsables. Dès lors, sont exclues des règles de la responsabilité civile, les régimes d’indemnisation des préjudices établis en vue de la réalisation de certains risques sociaux et garantis par des fonds d’indemnisation. Parmi eux, on trouve le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO) qui indemnise notamment les accidents de chasse ou de la circulation, l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM), ou encore le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA).

« Dans toutes ces hypothèses, l’organisme payeur est déterminé sur la base de considérations étrangères à la situation dommageable. Le droit ne désigne pas un responsable, mais un simple débiteur d’indemnisation »34.

32 Ph. BRUN, op. cit. p. 318, n° 489.

33 Cf. infra n° 169.

34 P. JOURDAIN, « Du critère de la responsabilité civile », Etudes offertes à G. Viney, LGDJ 2008, p. 553, spéc. p. 556. Dans le même sens, F. LEDUC, « L’œuvre du législateur moderne : vices et vertus des régimes spéciaux », art. précité, spéc. p. 51. L’auteur indique que, si la responsabilité civile suppose la désignation d’un responsable, c’est-à-dire quelqu'un dont l’activité peut être reliée par un lien de cause à effet à la situation dommageable, les dispositions qui mettent en place un mécanisme d’indemnisation se contentent de désigner un « payeur (…) totalement étranger à la situation dommageable ».

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Si ce premier critère permet d’exclure des règles de la responsabilité civile les régimes d’indemnisation, d’autres critères viennent encore en affiner le champ de compétence. Parmi eux, M. Patrice Jourdain propose le critère du lien de rattachement du dommage au responsable35. Pour parvenir à ce choix, l’auteur commence par écarter les deux autres critères couramment employés : celui de l’illicéité et celui de la causalité. Il retient que le premier est trop étroit dans la mesure où certains régimes consacrent une responsabilité pour des activités même licites. Il cite, à titre d’exemple, l’article 1362, alinéa 1er, du projet Catala qui prévoit la responsabilité de l’exploitant d’une activité anormalement dangereuse, licite ou non36. Quant au critère de causalité, il est lui aussi problématique. Il est également jugé trop étroit, lorsqu’il s’agit de tenir compte de responsabilités indirectes où le responsable est désigné non pas pour son propre fait, mais du fait des choses ou du fait d’autrui et trop large puisque la causalité est aussi exigée dans le cadre des régimes d’indemnisation.

Partant de ces constats, M. Jourdain propose d’utiliser le critère du lien de rattachement. Ce dernier désigne la relation nécessaire entre l’activité du responsable et le dommage. Ainsi, le responsable, sans être forcément la cause du dommage, doit par son comportement, par l’activité qu’il déploie ou par l’autorité et les pouvoirs qu’il exerce, être pour quelque chose dans sa survenance. « Précisons. S’il en est l’auteur, le régime de la réparation sera incontestablement un régime de responsabilité civile.

Sinon, si le dommage a été causé par le fait d’une personne ou d’une chose, on sera encore en présence d’une responsabilité civile si le débiteur est désigné en raison des relations qu’il entretient avec l’auteur direct ou avec la chose cause du dommage, c’est-à-dire avec le fait générateur »37. Que penser alors des régimes qui écartent les causes traditionnelles d’exonération comme la force majeure ?38 Ces régimes sortent-ils du domaine de la responsabilité civile ? On pourrait penser que oui, dans la mesure où si la force majeure est démontrée cela tend à prouver que celui dont on recherche la responsabilité n’est en fait pour rien dans la réalisation du dommage. Or, dans un régime qui rejette la force majeure comme cause d’exonération, on pourrait conclure qu’il n’y aurait aucun lien de rattachement entre le débiteur de la réparation et le dommage. Donc, il ne pourrait s’agir d’un régime de responsabilité39. Toutefois, l’auteur considère que dans ces régimes, le débiteur n’est pas étranger au processus dommageable, quand bien même il y aurait force majeure ; peu importe que le dommage puisse ne pas avoir sa cause principale dans le fait du responsable s’il peut cependant être rattaché au responsable. « Ce qui compte, c’est que, d’une façon ou d’une

35 P. JOURDAIN, art. précité, p. 557 s.

36 P. CATALA (dir.), Avant-projet de réforme du droit des obligations (articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (articles 2234 à 2281 du Code civil), rapport à M. Pascal Clément, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, 22 septembre 2005, p. 179.

37 P. JOURDAIN, art. précité, p. 558.

38 On songe par exemple au régime de responsabilité des exploitants d’aéronefs (L. 141-2 du Code de l’aviation civile ou de téléphériques (loi du 8 juillet 1941).

39 P. JOURDAIN, art. précité, p. 559.

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12 autre, le responsable ait été à la source (même non causale) du fait dommageable par son comportement, sa situation ou ses pouvoirs »40. Des régimes, tels que celui de l’exploitant de l’aéronef, sont bien des régimes de responsabilité civile, cet exploitant étant au moins l’initiateur de l’activité dommageable. Pareillement, M. Jourdain constate que la loi Badinter sur les accidents de la circulation a bien institué un régime de responsabilité civile. Selon l’auteur « qu’il s’agisse du conducteur ou du gardien, l’un et l’autre sont à l’origine des risques de la circulation routière et, même si leur véhicule n’est pas la cause des dommages, ils ont au moins contribué, par l’implication de celui-ci dans l’accident, à la réalisation des risques »41. Il en conclut alors qu’il s’agit d’un régime hybride d’indemnisation, par l’esprit de la loi, et de responsabilité, par la technique juridique employée42.

Finalement, en définissant la responsabilité civile par ses fonctions, son contenu et ses critères, on ne peut que confirmer le nombre important de régimes qui entrent dans son giron. Il paraît alors nécessaire d’essayer à ce stade d’opérer une première distinction entre ces régimes afin de mieux cerner le contenu de la responsabilité civile extracontractuelle. A cette fin, il est possible de s’interroger sur la nature des normes et notamment sur une opposition bien connue des juristes entre droit commun et droit spécial.

8. Dialectique traditionnelle du droit commun et du droit spécial. Il ne s’agit pas ici de tout dire sur cette question puisque la différenciation entre le droit commun et le droit spécial est au cœur de notre recherche et trouvera dès lors plus sa place dans le corps de l’ouvrage. Cependant, certains éléments généraux peuvent déjà être évoqués, car ils serviront de base à une réflexion plus spécifique au droit de la responsabilité civile extracontractuelle.

9. Origines de la dialectique : bref aperçu. La distinction entre le droit commun et le droit spécial paraît remonter à Aristote43. Le jus commune romain désigne avant tout le jus gentium, un droit commun à tous les hommes parce que fondé sur la raison commune : le droit naturel44. C’est ce même sens que l’on retrouve

40 P. JOURDAIN, art. précité, p. 560.

41 P. JOURDAIN, art. précité, p. 561. Dans le même sens : J. HUET, « Pourquoi fallait-il en France une loi sur l’indemnisation des dommages consécutifs aux accidents de la circulation », in Responsabilité et assurance, Mélanges R.-O. Dalcq, Larcier Bruxelles, 1994, p. 293, spéc. p. 308.

42 Comp. F. LEDUC, art. précité, loc. cit. L’auteur admet que la distinction présentée entre régimes d’indemnisation et régimes de responsabilité connaît ses limites dans la mesure où certaines dispositions peuvent être analysées comme formulant un régime mixte, entre la responsabilité et la garantie.

43 M. VILLEY, « Deux conceptions du droit naturel dans l’Antiquité », Rev. hist. Dr. 1953, p. 485.

44 M. VILLEY, art. précité, loc. cit. ; P. F. Girard, Manuel élémentaire de droit romain, Dalloz, 8ème éd., 1929, rééd. 2003, p. 2-3, qui souligne qu’au sens le plus précis, le jus gentium est le droit qui s’applique dans l’Etat romain, à la fois aux citoyens et aux étrangers, mais qu’on y voit aussi, dans un sens plus vague, le droit qui, se trouvant à l’identique chez tous les hommes, serait commun à ceux-ci, le jus gentium étant alors désigné par certains comme le jus naturale ou le jus commune.

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au Moyen Age, en France, où le droit commun renvoie le plus souvent au droit romain. On vise aussi par ce terme des adages et des principes généraux qui, dans bien des cas, n’ont rien de spécifiquement romain. Le droit commun représente ainsi l’expression de la raison écrite, c’est-à-dire d’un ensemble de règles valable pour l’ensemble du Royaume45. Ce droit s’oppose alors aux statuts et coutumes particuliers à certaines villes ou à certaines provinces. Après le XVIe siècle – plus particulièrement à partir de Dumoulin46 –, la notion devient un instrument d’unification politique. Le droit commun est coutumier47. L’objectif est d’extraire des coutumes un droit commun de la France. La coutume de Paris est, par exemple, un des modèles de cette entreprise unificatrice48. Le droit commun désigne finalement le droit propre à un territoire donné.

Le Code civil effectue en 1804 la transaction unificatrice entre les coutumes et le droit commun et emporte ainsi un glissement de la notion de droit commun49. Le référentiel choisi n’est plus le territoire, mais une matière, considérée comme servant de « matrice »50 à toutes les autres divisions du droit. La notion de droit commun quitte « le territoire géographique pour se réfugier dans le territoire idéel »51. C’est le droit civil qui est alors reconnu comme le droit commun52.

45 P. OURLIAC et J.-L. GAZZANIGA, Histoire du droit privé français de l’An mil au Code civil, Albin Michel, 1985, p. 139 s. ; M.-F. RENOUX-ZAGAME, « La méthode du droit commun : réflexions sur la logique des droits non codifiés », Rev. d’hist. des facultés de droit et de la science juridique, 1990, p. 133 ; du même auteur « Le droit commun européen entre histoire et raison », in L’Europe et le droit, Droits, n° 14, 1991, p. 27 ; P. PETOT, « Le droit commun en France selon les coutumiers », Rev. historique de droit français et étranger, 1961, p. 414 ; J.-L. THIREAU, « Droit commun », in dictionnaire de la culture juridique, D. Alland, S. Rials (dir.), Paris, PUF, 2003, p. 446 ; B. PARADISSI, « Notes critiques sur le problème du droit commun », Rev. historique de droit français et étranger, 1980, p. 423 ; J.-L. HALPERIN,

« L’approche historique et la problématique du jus commune », RIDC 2000, p. 717 ; J. GAUDEMET,

« Du ius commune au droit communautaire », in Clés pour le siècle, Paris, Dalloz, 2000, p. 1011.

46 Dumoulin entend trouver dans les différentes coutumes des principes communs et souhaite qu’une concorde se réalise entre les différentes coutumes dont il fustige la diversité (Oratio de concordia et unione consuetudinim FranciRTae, Discours sur la concorde et l’union des coutumes en France).

47 P. OURLIAC et J.-L. GAZZANIGA, op. cit., p. 139 ; M.-F. RENOUX-ZAGAME, « La méthode du droit commun : réflexions sur la logique des droits non codifiés », art. précité loc. cit. ; du même auteur « Le droit commun européen entre histoire et raison », art. précité, loc. cit. ; P. PETOT, art.

précité, loc. cit. ; J.-L. THIREAU, « Droit commun », art. précité, loc. cit. ; B. PARADISSI, art. précité, loc. cit. ; J.-L. HALPERIN, art. précité, loc. cit. ; J. GAUDEMET, art. précité, loc. cit. .

48 Bourjon fait notamment de la Coutume de Paris le droit commun de la France, il publie en 1747 Le droit commun de la France et la Coutume de Paris. V. P. OURLIAC et J.-L. GAZZANIGA, op. cit., p. 161 ; J.-L. THIREAU, « Droit commun », art. précité, loc. cit. ; G. LEYTE, « Le droit commun de la France.

Observations sur l’apport des arrêtistes », in Naissance du droit français, Droits, n° 38, 2003, p. 53.

49 J.-P. CHAZAL, « Réflexions épistémologiques sur le droit commun et les droits spéciaux », in Etudes de droit de la consommation, Liber amicorum Jean Calais-Auloy, Paris, Dalloz, 2004, p. 279 s., spéc p. 284.

50 J.-P. CHAZAL, art. précité, spec. p. 284.

51 J.-P. CHAZAL, art. précité, spec. p. 285.

52 Pour une assimilation du droit civil au droit commun, v. par exemple J. CARBONNIER, Droit civil, Les obligations, t. 4, Paris, PUF, 22ème éd., 2000, n° 3, p. 18 ; F. TERRE, Introduction générale au droit, Précis, Dalloz, 8ème éd., 2009, p. 92, n° 104 ; Ph. MALAURIE et P. MORVAN, Introduction générale, Defrénois, 3ème éd., 2009, p. 53, n°64 ; J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Introduction au droit et thèmes

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14 Pour autant, la dualité du terme n’est pas morte. D’abord remise en cause en 1804, l’idée d’un droit commun territorial revient au goût du jour avec la perspective de l’harmonisation européenne53. L’idée d’un jus commune renaît, permettant de redécouvrir la fonction politique du droit commun « puissant ciment social »54.

10. Rapports entre droit commun et droit spécial. Une fois mises en évidence les origines de la notion de droit commun, il nous faut, pour mieux comprendre celle-ci, nécessairement envisager ses rapports avec le droit spécial, les deux formant un tout. Or, il apparaît que l’opposition entre droit commun et droit spécial constitue la base de nombreuses réflexions doctrinales55. On en retire alors plusieurs enseignements.

Le droit commun connaît des acceptions diverses. En voici quelques-unes tirées de la doctrine. Le droit commun serait « une méthode qui crée ses instruments en même temps qu’elle les met en œuvre »56 ; « par droit commun, il conviendrait d’entendre les dispositions qui s’appliquent de façon générale, chaque fois qu’une règle particulière n’y déroge pas »57 ; le droit commun serait le droit auquel on se réfère pour trancher le litige en l’absence de règle spéciale58 ; le droit commun réunirait « toute disposition

fondamentaux du droit civil, Paris, Sirey, 13ème éd., 2010, n° 49, p. 37 ; J.-L. BERGEL, Méthodologie juridique, Paris, PUF, 1ère éd., 2001, p. 191 ; B. SAINTOURENS, Essai sur la méthode législative : droit commun et droit spécial, sous la direction de J. Derrupé, Bordeaux I, 1986, n° 34, p. 71 et n° 135 s. p.

191 s.

Cette assimilation n’est pas sans limites puisqu’en définitive tout dépend en réalité du référentiel choisi. On le verra la notion de droit commun étant relative, un texte peu, même s’il est hors du Code civil, être considéré comme du droit commun par rapport à un autre texte. Ainsi, on peut considérer le droit commercial comme du droit commun par rapport au droit bancaire (…).

53 J.-P. CHAZAL, art. précité, p. 287 ; M. F. RENOUX-ZAGAME, « Le droit commun européen entre histoire et raison », art. précité, p. 27 s. ; J.-L. THIREAU, « Droit commun », art. précité p. 445 ; J.

GAUDEMET, art. précité, n° 1133, p. 1011 s. V. Pour une perspective plus large : M. DELMAS- MARTY, « Réinventer le droit commun », D. 1995, chr., p. 1.

54 C. GOLDIE-GENICON, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats, préface de Y. Lequette, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 509, 2009, p. 5 n° 2. Pour une critique du rapprochement entre jus commune et droit communautaire v. B. OPPETIT, « Droit commun et droit européen », in L’internationalisation du droit, Mélanges en l’honneur d’Y. Loussouarn, Paris, Dalloz, 1994, p. 311 s., spéc. p. 313. L’auteur estime que l’esprit qui les anime et les méthodes que chaque droit emploie diffèrent.

55 V. notamment dans une perspective généraliste : R. GASSIN, art. précité, loc. cit. ; J.-P. CHAZAL, art. précité, loc. cit. ; F. POLLAUD-DULLIAN, « Du droit commun au droit spécial – et retour », in Aspects actuels du droit des affaires, mélanges en l’honneur d’Y. Guyon, Dalloz, 2003, p. 925 ; F. GRUA,

« Les divisions du droit, RTD. civ. 1993, p. 59 ; B. SAINTOURENS, op. cit. Et, pour une approche spécialiste, M. POUMAREDE, Régimes de droit commun et régimes particuliers de responsabilité civile, sous la direction de C. Saint-Alary-Houin, Toulouse I, 2003 ; L. CLERC-RENAUD, op. cit. ; C. GOLDIE- GENICON, op. cit.

56 M. F. RENOUX-ZAGAME, « La méthode du droit commun : réflexions sur la logique des droits non codifiés », art. précité, p. 144.

57 F. POLLAUD-DULLIAN, art. précité, p. 934.

58 J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Paris, Sirey, 13ème éd., 2010, n° 49, p. 21.

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dont l’objet ou le domaine d’application est soit indéfini soit défini, mais servant de texte de référence à des dispositions à objets plus restreints »59. En comparant ces conceptions du droit commun, qu’il semble possible de multiplier à l’infini, on remarque que certains traits ressortent. Le droit commun se définit par son contenu très vaste, c’est par là qu’il se confond avec le droit général, mais aussi par ses fonctions, à la fois théoriques, comme référent, et pratiques, pour pallier les carences du droit spécial.

Par opposition, le droit spécial est alors celui qui, attaché à une matière déterminée, s’appuie sur les notions contenues dans le droit commun pour être applicable.

Les deux notions de droit commun et de droit spécial sont alors bien souvent mises en miroir avec celles de lois générales et de lois spéciales. On entend, traditionnellement, par lois spéciales, celles qui donnent une règle particulière à une série de cas déterminés. Par opposition, les lois générales déterminent les règles applicables à tous les cas qui composent un genre donné de rapports juridiques. Il existe ainsi un lien de filiation entre la loi générale et la loi spéciale, que cette dernière prolonge la première ou qu’elle s’en sépare. C’est donc en mettant la loi spéciale en tension avec la loi plus générale qu’il est possible de comprendre ce que recouvre chacune de ces deux notions.

Au moment de s’interroger plus spécifiquement sur le contenu du droit commun et du droit spécial, c’est de nouveau la très grande relativité de la distinction qui ressort. On remarque ainsi qu’un droit peut faire figure de droit commun, droit référentiel au regard d’un autre droit alors désigné comme spécial, mais peut aussi être considéré comme du droit spécial par rapport à un droit plus général encore. Il existerait, par exemple, un droit commun et un droit spécial des sociétés. Le premier concernant les règles organisant la naissance et la vie des sociétés en général, le second concernant plus spécifiquement les règles propres à chacune des formes de sociétés (EURL, SA, SARL…)60. Or, le droit civil pourrait être considéré lui-même comme le droit commun du droit des sociétés. « En fonction de la question posée, le droit commun peut se trouver dans les règles d’un droit spécial par rapport à un droit encore plus spécial qui en dérive »61.

On retrouve alors cette distinction en droit de la responsabilité civile extracontractuelle.

11. Du droit commun au droit spécial en droit de la responsabilité civile.

Les concepts de régimes de droit commun et de régimes spéciaux ont longtemps été ignorés de la responsabilité civile. Historiquement, le système de responsabilité est très fragmentaire62. Le droit romain s’appuie, en effet, sur une liste de délits spéciaux qui donnent généralement lieu à des actions à caractère à la fois répressif et

59 B. SAINTOURENS, op. cit., p. 17.

60 Pour une présentation en ce sens : A Constantin, Droit des sociétés, droit commun et droit spécial des sociétés, Mémento Dalloz droit privé, 2010.

61 F. POLLAUD-DULLIAN, art. précité, p. 935.

62 J.-Ph. LEVY et A. CASTALDO, Histoire du droit civil, Précis droit privé, Dalloz, 2ème éd., 2010, p. 917 s., n° 610 s.

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