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Conclusion du Titre 1 Les principes exclus

Section 1. La définition du principe de subsidiarité

B. Le principe de subsidiarité, un principe matériel

132. Dualité du principe matériel de subsidiarité. On admet, d’une façon générale, que le concept de subsidiarité implique toujours l’existence d’un ordre dans lequel différentes interventions sont attendues et que certaines d’entre elles se voient alors reconnaître une priorité logique par rapport aux autres429. Ce concept peut renvoyer à deux distinctions quant aux types d’interventions visés. La première concerne les autorités susceptibles d’intervenir. La seconde porte sur les mécanismes d’intervention. Dans la première perspective, la question est de savoir « qui fait quoi ? » et dans quel ordre logique les différentes autorités sont appelées à intervenir430. On retrouve ici l’usage du principe institutionnel de subsidiarité tel que vu précédemment. La seconde perspective répond non pas à la question : « qui fait quoi ? », mais plutôt à la question : « que fait-on ? ». On peut, ainsi, se demander quelle est l’action applicable. Ces questions amorcent une deuxième distinction entre le concept de subsidiarité du droit et le concept de subsidiarité en droit. Dans le premier cas, il faut déterminer entre deux ou plusieurs droits celui qui doit être employé. Par exemple, se demander lequel du droit pénal, du droit civil ou du droit administratif doit permettre la sanction d’un individu. C’est la question de l’articulation entre droits objectifs qui est ici posée (1). Alors que, dans la seconde hypothèse, le problème est interne à un droit en particulier et tend à établir une hiérarchie entre les différents mécanismes et actions qui le composent. Il faut, par exemple, s’interroger sur la priorité à donner à certaines demandes du plaideur par rapport à d’autres durant le déroulement de l’instance (on songe ici aux demandes principales, subsidiaires ou reconventionnelles)431. Dans cette situation, c’est la combinaison de plusieurs droits subjectifs qui est en cause (2).

1. Le concept de subsidiarité du droit : la combinaison de droits objectifs

133. Rayonnement du concept de subsidiarité du droit. Le concept de subsidiarité est utile pour réguler le champ de compétence de deux ordres juridiques distincts, mais aussi de deux ou plusieurs disciplines différentes au sein d’un même ordre juridique.

Concernant d’abord l’articulation de deux ordres juridiques, on constate, par exemple, qu’il est fait appel à la subsidiarité pour savoir lequel du droit de l’Union européenne ou du droit national français est applicable. Ainsi, alors qu’en principe le droit de l’Union européenne est subsidiaire au droit national, il arrive, par exception,

429 Cf. supra n° 116 s.

430 M. VAN DE KERCHOVE , S. VAN DROOGHENBROECK, « La subsidiarité et le droit pénal:

aspects nouveaux d’une question ancienne », in Le principe de subsidiarité, op. cit., p. 153, spéc. p. 154.

431 V. notamment, L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Manuel, Litec, 6ème éd., 2009, p. 305 s., n° 454 s. ; S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure civile, Droit interne et droit de l’Union européenne, Précis droit privé, Dalloz, 30ème éd., 2010, p. 269 s., n° 299, et p. 271 s., n° 304 s.

118 qu’il jouisse d’une place prioritaire dans ses domaines de compétences exclusives.

Dans ce cas, les rôles respectifs du droit de l’Union européenne et du droit national sont inversés. L’Etat ne peut, dans le cadre des compétences exclusives attribuées à l’Union européenne, agir que subsidiairement comme en matière de pêche432 ou de politique commerciale commune (réglementation des exportations de marchandises)433. « La réglementation nationale ainsi édictée est subsidiaire : elle est à la fois subordonnée aux dispositions communautaires et supplétives de ces mêmes dispositions »434.

Concernant ensuite l’articulation de plusieurs disciplines juridiques au sein d’un même ordre, il est notamment possible d’employer la subsidiarité pour décider laquelle de la responsabilité pénale ou de la responsabilité civile doit être mise en œuvre. En droit belge, par exemple, on admet que la subsidiarité commande de ne pas recourir à la responsabilité pénale « chaque fois qu’il est possible d’atteindre le même but par des moyens plus doux »435. On préfère faire application de la responsabilité civile. Ainsi, « le droit pénal ne devrait être de mise que si une non-intervention de sa part ou l’intervention d’une autre branche du droit moins contraignante ou à effet moins stigmatisant n’est pas susceptible d’atteindre le même résultat envisageable »436.

A chaque fois, on retrouve les deux versants de la subsidiarité à savoir la non-intervention et l’assistance en privilégiant la non-intervention du droit subsidiaire pour laisser la place au droit prioritaire.

2. Le concept de subsidiarité en droit : la combinaison de droits subjectifs 134. Action de in rem verso : action subsidiaire par excellence. Au sein d’une même discipline, on a parfois recours à la subsidiarité pour décider de l’action applicable. Or, c’est justement ce que l’on souhaite faire en droit de la responsabilité civile. Il nous faut donc analyser cet emploi particulier de la subsidiarité.

L’illustration la plus significative en droit privé est l’action de in rem verso dont la subsidiarité a fait, et continue de faire, couler beaucoup d’encre437.

432 CJCE., 10 juillet 1980, Commission contre Royaume Uni, C 32/79, Rec. I, p. 2403.

433 Dans ces domaines, en principe réservés au droit communautaire, l’Etat peut conserver un pouvoir de réglementation en cas d’habilitation par l’Union ou de menace pour la sécurité publique ; CJCE., 17 octobre 1995, Peter Leifer e. a., C83/94, Rec. I, p. 3231.

434 C. DAVID, « Le principe de subsidiarité: droits privé et fiscal français et droit communautaire », in Droit et vie des affaires, Etudes à la mémoire d’A. Sayag, Litec 1997, p. 205, spéc. p. 219.

435 M. VAN DE KERCHOVE et S. VAN DROOGHENBROECK, art. précité, spéc. p. 153 ; G.

SCHAMPS, « La subsidiarité du droit pénal par rapport au droit de la responsabilité civile : la problématique de la responsabilité des prestataires de soins de santé », in Le principe de subsidiarité, op.

cit., p. 161, spéc. p. 161.

436 G. SCHAMPS, art. précité, loc. cit.

437 La plupart des manuels de droit des obligations évoquent les grandes lignes de ces discussions qui portent essentiellement sur les notions de cause et de subsidiarité : J. CARBONNIER, Droit civil, les biens, les obligations, Quadrige Manuel, PUF, vol. II, 1ère éd., 2004, p. 2435 s., n° 1223 s. ; F. TERRE, Ph.

SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, Précis droit privé, Dalloz, 10ème éd. 2009, p. 1067 s.

n° 1073 s. ; Ph. MALINVAUD et D. FENOUILLET, Droit des obligations, Manuel, Litec, 11ème éd., 2010, p. 605 s. n° 777 s. ; Ph. MALAURIE, L. AYNES et Ph. STOFFEL MUNCK, Les obligations, Droit civil,

Traditionnellement réduit à quelques hypothèses (a), le recours à l’action de in rem verso paraissait, ces dernières années, facilité (b). Mais quelques arrêts récents révèlent l’instabilité de la jurisprudence (c).

a. L’utilisation traditionnelle de l’action de in rem verso : la subsidiarité limitée

135. Consécration de l’action de in rem verso. Issue du principe selon lequel nul ne doit s’enrichir au détriment d’autrui, cette action a été consacrée par la Cour de cassation en 1892 dans l’arrêt Boudier438. L’espèce est la suivante : un marchand d’engrais, désappointé par l’insolvabilité du fermier, se retourne contre le propriétaire et lui demande de restituer l’enrichissement qu’il a retiré, puisqu’en congédiant le fermier pour défaut de paiement des fermages, il a levé la récolte accrue par les engrais fournis. Les juges du fond admettant la réalité de cette dette, le propriétaire forme un pourvoi en cassation. Ce dernier est rejeté par la Cour de cassation qui pose le principe d’enrichissement sans cause. Elle ajoute que l’action de in rem verso dérivant du principe d’équité et « n’ayant été réglementée par aucun texte de nos lois, son exercice n’est soumis à aucune condition déterminée ; qu’il suffit, pour la rendre recevable, que le demandeur allègue et offre d’établir l’existence d’un avantage qu’il aurait, par un sacrifice ou un fait personnel, procuré à celui contre lequel il agit ». Or, les juges du fond, en acceptant la preuve par témoins apportée par les défendeurs quant à l’emploi des engrais par eux fournis pour l’ensemencement du domaine du demandeur, ont fait une exacte application des principes de la matière. Par cette décision, la Cour de cassation affirme que l’action de in rem verso peut être engagée sans restriction. La doctrine lui reproche alors d’encourager le justiciable à porter son litige sur ce terrain en passant outre au droit des contrats qu’il devrait normalement solliciter439.

Ressentant les dangers d’une jurisprudence trop imprécise, la doctrine cherche à apporter quelques barrières à l’action. Aubry et Rau proposent de n’admettre l’action que dans le cas où le patrimoine d’une personne se trouverait, sans cause légitime, enrichi aux dépens de celui d’une autre personne. Et que la personne appauvrie ne jouirait, pour obtenir ce qui lui est dû, d’aucune action naissant d’un contrat, d’un quasi-contrat, d’un délit ou d’un quasi-délit440. Cette proposition, reprise par la Cour de cassation dès 1914, marque la naissance de la subsidiarité de

Defrénois, 4ème éd. 2009, p. 572 s. n° 1069 s. ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, le fait juridique, Université, Sirey, 13ème éd., 2009, p. 41 s., n° 37 s.

438 Cass. req., 15 juin 1892, Patureau, GAJC n° 239 ; S. 1893, I. p. 281, note J.–E. LABBE ; D. 1892, I. p. 596.

439A. ROUAST, « L’enrichissement sans cause et la jurisprudence civile », RTD. civ. 1922, p. 35, spéc.

p. 43. Rouast écrit ainsi à propos des termes de la solution : « formules exagérées, et dont les conséquences auraient été inadmissibles… Heureusement, elle n’était qu’une boutade ».

440 C. AUBRY et C. RAU, Cours de droit civil français, 4ème éd., 1869-1876, t. IV § 578.

120 l’action441. Dans un premier arrêt du 12 mai 1914, la chambre civile conclut que l’action de in rem verso ne peut être substituée en cours d’instance à une action différente originairement fondée sur une obligation contractuelle, dont le demandeur serait dans l’impossibilité légale de rapporter la preuve, suivant les articles 1341 et 1347 du Code civil442. Dans un second arrêt du 2 mars 1915, la Cour de cassation affirme que cette action « ne peut être intentée en vue d’échapper aux règles par lesquelles la loi a expressément défini les effets d’un contrat déterminé, ni par suite, par un entrepreneur pour servir à déguiser une demande en supplément de prix, prohibée par l’article 1793 du Code civil, en cas de marché à forfait »443. A l’aide du principe de subsidiarité, non encore défini, ces arrêts permettent finalement d’empêcher l’envahissement du droit par l’action de in rem verso.

136. Détermination du sens de la subsidiarité de l’action. C’est l’étude de Rouast, très complète, qui retient le plus l’attention444. Quatre situations doivent, selon lui, être distinguées :

- Premièrement, le demandeur a encore la disposition d’une autre voie de droit pour obtenir satisfaction et, dans ce cas, le rejet de l’action de in rem verso s’impose. Cette solution fut retenue par la Cour de cassation à de nombreuses reprises445. Ainsi, dans un arrêt de la première chambre civile en date du 24 octobre 1973, la Cour de cassation s’est vue soumettre l’affaire suivante. Un homme règle à la place d’une autre personne des travaux de construction. Il forme une demande de remboursement des six cent mille francs prêtés et produit un reçu du paiement effectué pour les travaux ainsi qu’une reconnaissance de dette. Il estime bénéficier d’une cession de créances régulièrement signifiée au débiteur cédé par l’assignation en paiement. Les juges du fond font droit à sa demande en choisissant de se placer sur le fondement de l’action en enrichissement sans cause. La Cour de cassation rappele alors que « l’action de in rem verso ne peut être admise qu’à défaut de toute autre action ouverte au demandeur ». De sorte que pour faire droit à la demande de remboursement, il aurait fallu agir sur le fondement de la cession de créances446.

441 V. notamment, Cass. civ., 12 mai 1914, Veuve Clayette, S. 1918, I. p. 41, note NAQUET ; Cass. civ., 2 mars 1915, Brianhaut, Inédit, D. 1920, I. p. 102 ; GAJC n° 240. On notera toutefois que certains auteurs considèrent que la Cour de cassation n’aurait fait que préciser sa position précédente sans pour autant en modifier le sens et donc sans véritablement reprendre la formulation d’Aubry et Rau : V. G.

RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, 4ème éd. LGDJ, 1949, p. 267, n° 147.

442 Cass. civ., 12 mai 1914, précité.

443 Cass. civ., 2 mars 1915, Brianhaut, précité.

444A. ROUAST, art. précité, spéc. p. 35. V. pour une étude approfondie des différentes interprétations proposées, P. DRAKIDIS, « La ''subsidiarité '', caractère spécifique et international de l’action d’enrichissement sans cause », RTD. civ. 1961, p. 577.

445 V. notamment : Cass. 1ère civ., 24 octobre 1973, Bull. I, n° 280 ; Cass. 1ère civ., 8 décembre 1987, Bull. I, n° 335, p. 241 ; RTD. civ. 1988, obs. J. MESTRE, p. 745, n° 8 ; RTD. civ. 1997, obs. J. MESTRE, p. 657, n° 6; JCP. G. 1988, IV. 66 ; Cass. com., 15 mars 1988, JCP. G. 1988, IV. 192.

446 Cass. 1ère civ., 24 octobre 1973, précité.

- Deuxièmement, le demandeur jouit d’une autre action, mais celle-ci est devenue inopérante du fait d’un obstacle de droit comme l’écoulement d’un délai de prescription. L’action en enrichissement sans cause ne peut être employée dans ce cas, car on risquerait de « tourner » une règle juridique et de consacrer une fraude à la loi. Cette solution fut notamment consacrée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 avril 1971, dans lequel le demandeur, n’ayant pas pu prouver l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage, cherche à obtenir satisfaction par le biais de l’action en enrichissement sans cause447. Sa demande est rejetée. La Cour énonce que l’action de in rem verso ne pouvait être admise « pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut intenter par suite d’une prescription, d’une déchéance ou forclusion ou par l’effet de l’autorité de chose jugée ou parce qu’il ne peut apporter les preuves qu’elle exige ou par suite de tout autre obstacle de droit ».

- Troisièmement, le demandeur bénéficie d’une autre voie de droit, mais celle-ci est inutilisable en raison d’un obstacle de fait provenant de son propre chef. Il a, par exemple, perdu le bénéfice de cette action par sa faute ou sa négligence. Rouast considère ici que « le caractère subsidiaire s’oppose à ce que l’action de in rem verso soit utilisée comme une bouée de sauvetage par celui qui a fait naufrage par sa faute »448. C’est d’ailleurs la solution que retient la Cour de cassation dans l’arrêt Arratzat. En l’espèce, le crédit foncier avance les fonds nécessaires au désintéressement de deux créanciers hypothécaires, mais néglige de se faire régulièrement subroger dans les droits de ceux-ci. Une hypothèque légale, venant en rang subséquent, est élevée d’un degré et vient surclasser les deux créanciers hypothécaires. La Cour de cassation décide qu’en raison de sa négligence, le Crédit foncier ne peut pas être admis à agir de in rem verso contre les hypothécaires légaux449.

- Quatrièmement, le demandeur dispose toujours d’une autre action, mais celle-ci est inopérante en raison d’un obstacle de fait qui ne lui est pas imputable. Le demandeur a, par exemple, vu son action dépourvue d’efficacité en raison de l’insolvabilité de son débiteur contractuel originaire450. Dans ce cas uniquement, on doit admettre le recours à l’action en enrichissement sans cause. Le fait pour le demandeur de ne chercher ni à contourner les règles de droit normalement applicables, ni à se prévaloir de ses propres erreurs et de subir un phénomène extérieur, justifie la recevabilité de l’action de in rem verso.

447 Cass. 3ème civ., 29 avril 1971, Bull. III, n° 227 ; GP. 1971, 2, p. 544.

448 A. ROUAST, art. précité.

449 Cass. req., 11 juillet 1889, S. 1890, I. p. 97, note J.-E. LABBE ; D. 1889, I 393, note PETITON.

450 Cass. req., 15 juin 1892, Patureau, précité.

122 b. L’utilisation renouvelée de l’action en enrichissement sans cause : la subsidiarité sans limites

137. Portée élargie du principe de subsidiarité dans deux hypothèses. Si jusqu’à présent les controverses portaient essentiellement sur le contenu de la subsidiarité de l’action, la jurisprudence semble aujourd’hui déplacer le débat sur un autre terrain, celui de la portée de la subsidiarité. Ainsi, alors même que la jurisprudence traditionnelle conduisait à conférer une large portée au principe d’exclusion voulu par la subsidiarité, en ne permettant le recours à l’action que dans de rares situations, il paraît désormais que la règle est considérée plus souplement451. Deux des hypothèses dans lesquelles la jurisprudence, à la suite de l’étude de Rouast, estimait qu’il devait exister une fin de non-recevoir à l’exercice de l’action de in rem verso, sont aujourd’hui remises en cause452.

138. Première hypothèse : l’action devrait être fermée au demandeur lorsqu’une autre voie de droit existe pour satisfaire sa demande, même si un obstacle de droit l’empêche d’en bénéficier. C’est l’hypothèse que l’on retrouve dans un arrêt rendu le 15 octobre 1996 par la première chambre civile de la Cour de cassation453. En l’espèce, une concubine fonde son action principale sur la création d’une société de fait entre elle et son ex-concubin et, subsidiairement, elle réclame une indemnité au titre d’un enrichissement sans cause. La Cour de cassation retient que la concubine peut se prévaloir, à titre subsidiaire, d’une demande fondée sur l’enrichissement sans cause, même si sa demande principale est rejetée, faute pour elle d’avoir prouvé l’affectio societatis et l’intention de partager les bénéfices comme les pertes454. Peu importe alors que l’impossibilité pour la concubine de prouver la

451 A.-S. BARTHEZ, note sous Cass. 1ère civ., 4 avril 2001, JCP. G. 2002, I. 134, n° 18 s.

452 N’est, en effet, pas remise en cause l’hypothèse selon laquelle le rejet de l’action de in rem verso s’impose lorsque le demandeur a à sa disposition une autre voie de droit pour obtenir satisfaction. Il s’agit là du principe même de la subsidiarité de l’action.

453 Cass. 1ère civ., 15 octobre 1996, Bull. I, n° 357 ; RTD. civ. 1997, obs. J. MESTRE, p. 657 ; D. 1997, som., comm., p. 177, par R. LIBCHABER. Dans le même sens, Cass. 1ère civ., 14 mars 1995, Bull. I, n° 130 ; JCP. N. 1996, II. p. 417, note F. ROUSSEL, la Cour admet l’action de in rem verso d’une belle fille qui avait aidé ses beaux-parents agriculteurs alors qu’elle ne pouvait obtenir satisfaction sur le terrain de la créance de salaire différé, son mari n’ayant pas lui-même participé à l’exploitation. On aurait pu dans cette affaire considérer, comme l’avaient fait les juges du fond, que la perte par le mari de la qualité d’aide familiale, entraînant l’absence de droit au paiement d’un salaire différé, constituait un obstacle de droit ne permettant pas l’ouverture d’une action de in rem verso ; Cass. 1ère civ., 5 mars 2008, Inédit, n° 07-13902, la Cour de cassation constate que « le rejet de la demande fondée sur l’existence d’un contrat de société rendait recevable celle, subsidiaire, fondée sur l’enrichissement sans cause ».

454 Une solution similaire se dégage d’un arrêt du 25 juin 2008 rendu par la même formation. Dans les faits, un homme assigne une femme, avec laquelle il a entretenu pendant plusieurs mois des relations, en remboursement du solde d’une somme de 120 000 euros qu’il lui a remise. La cour d’appel, constatant qu’il n’était pas en mesure de prouver le contrat de mandat de gestion allégué, rejette sa demande subsidiaire fondée sur l’enrichissement sans cause dans la mesure où celle-ci n’est pas ouverte pour suppléer la carence de preuve d’une partie. La Cour de cassation casse cet arrêt et admet

société créée de fait ait pu être considérée par la jurisprudence antérieure comme étant constitutive d’un obstacle de droit à l’ouverture de l’action455. Quoique l’on aurait pu penser que l’absence de preuve de la société créée de fait456 constituait un obstacle de droit à la recevabilité de l’action en enrichissement sans cause, la Cour en affirme la recevabilité.

139. Seconde hypothèse : l’action en enrichissement sans cause ne devrait pas être ouverte dès lors que le demandeur dispose d’une autre voie de droit, mais que celle-ci est inutilisable en raison d’un obstacle de fait qu’il a lui-même provoqué. Cette solution est aujourd’hui remise en cause par la Cour de cassation.

Par un arrêt du 5 juillet 2006457, la première chambre civile contredit sa jurisprudence antérieure458. Dans les faits, une banque prétend avoir consenti un prêt d’une somme d’argent sans en avoir été entièrement remboursée. Mais elle ne peut prouver l’existence du prêt puisqu’elle a négligé de vérifier la signature du présumé

Par un arrêt du 5 juillet 2006457, la première chambre civile contredit sa jurisprudence antérieure458. Dans les faits, une banque prétend avoir consenti un prêt d’une somme d’argent sans en avoir été entièrement remboursée. Mais elle ne peut prouver l’existence du prêt puisqu’elle a négligé de vérifier la signature du présumé