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Le positionnement épistémologique retenu : le réalisme critique

SECTION 1 – Le positionnement épistémologique de la recherche

1.3 Le positionnement épistémologique retenu : le réalisme critique

Dans le cadre de cette recherche, nous adoptons le paradigme du réalisme critique proposé par Roy Bhaskar (2013). Dans la suite de ce paragraphe, nous présentons d’abord ce paradigme puis, dans un second temps, nous justifions ce choix.

Le réalisme critique est considéré comme un paradigme aménagé du positivisme logique et s’inscrit dans l’orientation réaliste (Allard-Poesi et Perret, 2014), bien que certains auteurs le conçoivent comme un compromis entre positivisme logique et interprétativisme (Avenier et Gavard-Perret, 2012).

D’un point de vue ontologique, le réalisme critique postule l’existence d’un réel indépendant de son observation, comme le positivisme logique. Toutefois, comme le montre la Figure 17

ci-dessous, il propose une vue stratifiée du réel en trois niveaux encastrés les uns dans les autres : le « réel profond », le « réel actualisé » et le « réel empirique » (Bhaskar, 2014). Le premier

niveau, le « réel profond », comprend les structures et règles stables, qualifiées de

« mécanismes générateurs », qui, selon leur activation ou non, engendrent des faits et

évènements. Ces faits et évènements constitue le deuxième niveau ; le « réel actualisé ». Enfin,

le dernier niveau, le « réel empirique », est encastré dans le « réel actualisé ». Il est constitué

des manifestations de ces faits et évènements sous la forme d’expériences et de perceptions. Cette stratification propose ainsi une définition du réel plus complexe que celle du positivisme

logique qui peut être traduite par un ensemble de « lois ; relations immuables entre des faits

observables et mesurables scientifiquement » (Avenier et Gavard-Perret, 2012, p. 26).

Figure 17 – Les trois niveaux du réel selon le réalisme critique D’après Allard-Poesi et Perret (2014)

D’un point de vue épistémique, le réalisme critique défend l’idée que le réel n’est pas

entièrement accessible pour l’observateur ; ce dernier ne peut accéder qu’au « réel empirique »

au travers d’expériences et d’impressions humaines.

Du point de vue du statut et de la finalité de la connaissance, le réalisme critique s’intéresse à

l’identification des « mécanismes générateurs ». Le chercheur vise alors à remonter les trois

niveaux du réel depuis le « réel empirique » vers le « réel profond ». Le positivisme et le

réalisme critique se mettent tous deux en recherche de régularités et d’éléments stables (Soler,

2009). Toutefois, le premier cherche des « lois » décrivant des relations causales entre objets,

dont la cause et la conséquence sont directement observables, alors que le second recherche des

mécanismes générateurs (non observables) à partir « d’indices » qu’ils laissent dans la partie

observable du réel, le « réel empirique » (Bhaskar, 2014).

Réel profond (règles et structures) Réel actualisé (évènements et états de fait) Réel empirique (expériences et perceptions) Activation des mécanismes générateurs Directement accessible Non directement accessible

Enfin, du point de vue de la validité de la connaissance, le réalisme critique se fonde sur des

mises à l’épreuve successives des « mécanismes générateurs » identifiés dans différents

contextes pour juger de la stabilité de leur pouvoir explicatif. La connaissance produite dans une recherche ne peut être dissociée de son contexte car le chercheur ne peut isoler l’effet de

celui-ci sur les mécanismes générateurs puisque le « réel profond » n’est pas accessible

(Tsoukas, 2000). De fait, le réalisme critique s’accorde bien avec les méthodes qualitatives,

plus contextuelles et « permettant l’élaboration de conjectures et la mise en évidence des

mécanismes générateurs du réel profond ainsi que leurs modes d’activation » (Allard-Poesi et Perret, 2014, p. 31).

Notre choix d’adopter le réalisme critique comme positionnement épistémologique de la recherche repose sur trois arguments principaux.

Premièrement, la conception que nous avons retenu de notre objet de recherche, la performance sociétale, est compatible avec la position ontologique du réalisme critique. En effet, nous défendons l’idée que la performance sociétale repose sur une intégration explicite de la RSE à la stratégie de la firme, et ce, afin d’éviter un traitement cosmétique du sujet ; la performance sociétale a donc une existence propre qui se traduit par des actions entreprises et des résultats concrets et mesurables. La position de Clarkson (1995, p. 105) est d’ailleurs sans

équivoque ; « ce qui compte, c’est la performance. La performance peut être mesurée et

évaluée ». La performance sociétale ne se traduit donc pas uniquement au travers de discours ou de postures. Par ailleurs, comme le montre la Figure 18 ci-dessous, la définition du réel à l’aide de trois niveaux distincts est bien adaptée à la complexité de cet objet et à la conception

que nous avons retenue. Le « réel empirique » de la performance sociétale correspond aux

indicateurs de performance sociétale, aux perceptions des PP et à toutes autres « traces »

témoignant du management de la performance sociétale. Le « réel observable » correspond aux

résultats de la performance sociétale, aux activités de management de la performance sociétale et toutes autres pratiques responsables associées ; ces éléments ne sont pas observables en l’état,

nous pouvons juger de leur présence ou non à partir des observations dans le « réel empirique »

(indicateurs, perceptions des PP, etc.). Enfin, le « réel profond » s’intéresse aux mécanismes

générateurs de la performance sociétale, c’est-à-dire, les éléments qui fondent et façonnent les résultats de la performance sociétale, les activités de management de la performance sociétale et les liens qui existent entre les deux. De ce point de vue, le rôle des PP dans le management de la performance sociétale, au centre de notre problématique, est vu comme un mécanisme générateur crucial de la performance sociétale.

Figure 18 – Les trois niveaux du réel de la PSE dans le réalisme critique

Deuxièmement, la problématique de recherche de cette thèse est adaptée au réalisme critique. En effet, étant donné que le rôle des PP dans le management de la performance sociétale s’apparente à l’un des principaux mécanismes générateurs de la performance sociétale, notre recherche s’intéresse effectivement à l’identification et la caractérisation d’un mécanisme générateur de la performance sociétale.

Troisièmement, la nature des relations entretenues avec l’entreprise d’accueil dans le cadre du financement CIFRE est compatible avec le réalisme critique. Les paradigmes épistémologiques de l’orientation réaliste exigent une certaine objectivité du chercheur (Soler, 2009). Dans le cadre des sciences naturelles, elle est souvent donnée. Dans un contexte social, elle repose sur la distanciation et la position de neutralité du chercheur vis-à-vis de ses terrains d’étude. Tel qu’expliqué précédemment, ce sont donc les clients et prospects de l’entreprise d’accueil qui constituent le terrain de cette recherche et non pas l’entreprise elle-même, ce qui garantit effectivement une certaine distance avec les terrains d’étude.

Rôle des PP dans le management de la performance sociétale

Activités de management de la performance sociétale

Résultats de performance sociétale

Indicateurs de performance sociétale Perceptions des PP

« Traces » de management de la performance sociétale Réel profond (règles et structures) Réel actualisé (évènements et états de fait) Réel empirique (expériences et perceptions) Activation des mécanismes générateurs Directement accessible Non directement accessible