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SECTION 2 – La dimension managériale de la performance sociétale

2.1 Le niveau stratégique : une absence de vision

Le principal constat fait par les PP, au niveau stratégique, est celui de l’absence de vision pour la station. Ce constat est partagé de manière quasi unanime parmi les PP puisque 14 sur les 18 interrogées y font référence.

« Je n’ai pas l’impression qu’il y ait de vision à 10 ans pour [la station]. Et c’est ce qui m’embête le plus. » (PP de la sphère économique, le 13/04/2015).

« [la station] dans 10 ans ce n’est pas une question que les gens se posent. Même cette

année, il n’y a pas eu de neige jusqu’au 27 décembre, tout le monde se pose la question, c’est une catastrophe. Et dès que la neige arrive, tout est oublié. » (PP de la sphère civile, le 14/04/2015).

« Il n’y a pas de vision de station. Ça m’a assez frappée quand je suis arrivée à [la

station]. J’ai l’impression qu’elle est en train de se mettre en marche mais que c’est

assez nouveau. » (PP de la sphère économique, le 13/04/2015).

En l’absence de vision stratégique, il semble que les PP de la station D se concentrent sur des préoccupations plus opérationnelles à court terme.

Dimension « résultats » de la performance sociétale Performance économique Performance sociale Performance environnementale Dimension managériale de la performance sociétale Niveau stratégique Niveau tactique Niveau opérationnel

« Ce qui manque c’est ça, c’est le sens, la vision, la projection. Et après, il y a les projets

[…] pour rénover ceci, créer un nouvel immeuble, etc.» (PP de la sphère économique, le 31/03/2015).

« A court terme [la station] fonctionne mais à moyen et long terme on n’a rien, on n’a aucune vision, on ne sait pas vers où on veut aller. » (PP de la sphère économique, le 31/03/2015).

La Figure 36 ci-dessous illustre les deux causes probables à ce manque de vision stratégique.

Figure 36 – L’étude de cas unique : principal constat au niveau stratégique Entre parenthèses : le nombre de personnes interrogées ayant évoqué ce constat

L’absence de pilote et le manque de management est la première cause identifiée. Ce

constat, posé par la majorité des répondants, renvoie à la question suivante ; « qui crée et

incarne la vision stratégique de la station ? ». Force est de constater que les avis des PP diffèrent et s’opposent à ce sujet.

D’un côté, certaines PP (celles de la sphère civile principalement) avancent que la vision stratégique doit être créée et portée par l’ensemble des PP qui participent au fonctionnement de la station par l’intermédiaire d’une structure ou d’une commission qui les représente. Dans cette

conception, plutôt « collective », la stratégie émerge à partir des PP dans une logique «

bottom-up ». Ce point de vue repose sur l’idée que toutes les PP contribuant au fonctionnement de la

station disposent, de fait, d’une légitimité pour décider des orientations prises par la station. Par ailleurs, ces PP sont également impliquées dans la mise en œuvre de la stratégie ; leur collaboration sera donc d’autant plus naturelle qu’elles ont participé à la création de la vision en amont.

« Mettre les gens autour de la table, c’est leur demander : c’est quoi votre vision dans 10 ans ? Qu’est-ce qu’on fait pour que [la station] soit en avance dans 10 ans ? C’est

Constats Causes probables Absence de vision stratégique (14) Intérêts divergents à l’intérieur de la station Absence de pilote et manque de management dans la station

tout le monde. Le tout chapeauté par la commune et [l’OTE] mais tout le monde a son mot à dire. » (PP de la sphère civile, le 14/04/2015).

« Il n’y a pas de leader défini. Ça doit être une mixité des objectifs que l’on veut atteindre. [L’ORM] n’a pas les mêmes objectifs que la commune ou que [l’OTE]. Donc, je pense que c’est véritablement un consensus à trouver. » (PP de la sphère économique, le 30/03/2015).

En opposition à ce point de vue, d’autres PP, notamment celles de la sphère économique, considèrent que seule une poignée de personnes doit être à l’origine de la vision stratégique. Elles mettent également en avant le rôle clé d’une individualité dotée d’un fort leadership pour

incarner et faire la promotion de la vision stratégique. Dans cette conception, plutôt « centrée

sur le pilote », la stratégie est élaborée par un nombre restreint de personnes sélectionnées pour leurs compétences et leur légitimité.

« Aujourd’hui, il faut une personne qui introduise de la rupture. Il doit avoir un énorme charisme, il ne doit pas avoir un énorme égo. Et surtout, il ne faut pas qu’il mélange ses affaires privées et les affaires publiques. » (PP de la sphère économique, le 31/03/2015).

« Pour se faire entendre, il faut être un chef charismatique. » (PP de la sphère économique, le 13/04/2015).

Toutefois, les partisans de cette seconde position ne s’entendent pas sur l’identité du pilote. La commune, l’OTE, l’ORM et l’école de ski principale estiment qu’il s’agit du maire et évoquent la légitimité liée à son mandat. De l’autre côté, la majorité des PP du tissu socioprofessionnel (commerçants, hôteliers, etc.) pense qu’il s’agit de la direction de l’OTE compte tenu des compétences économiques et des missions confiées à cette structure.

« C’est le maire le patron, il n’y en a qu’un, c’est lui. […] C’est lui qui finance [l’OTE], qui délègue le service public des remontées mécaniques, c’est lui le patron. » (PP de la sphère économique, le 31/03/2015).

« C’est la direction de l’OTE qui définit la stratégie […] Le maire, aussi, a son mot à dire par rapport à l’impulsion qu’on veut donner à la station. » (PP de la sphère économique, le 13/04/2015).

« Pour moi l’économie, c’est le tourisme et aujourd’hui dans le fonctionnement de la station, le tourisme est défendu par [l’OTE]. » (PP de la sphère économique, le 14/04/2015).

« On demande [au directeur de l’OTE] d’avoir une vision pour [la station] sur 10 ans, on lui demande d’avoir les idées claires sur tout le programme de la station. Le maire, il s’occupe des terrains constructibles, du budget communal, etc. […] La stratégie touristique d’une station aussi importante que [la station], c’est un métier à part entière. Il y a des gens qui font des études pour ça. » (PP de la sphère économique, le 31/03/2015).

Toutefois, sur la base d’une analyse plus fine, il ne semble pas que ces deux positions s’opposent à proprement parler ; ceux qui plébiscitent la direction de l’OTE comme pilote ne se concentrent que sur le volet touristique de la stratégie de la station. Dans une conception plus large de la performance et, donc, de la stratégie de la station, la figure du maire semble plus légitime notamment vis-à-vis des problématiques sociales et environnementales. Finalement, dans cette approche, le maire semble être l’individu le plus à même d’endosser ce rôle de pilote qui porte la vision stratégique de la station. Néanmoins, les cycles électoraux peuvent amener

une remise en cause des orientations décidées par les municipalités précédentes. De fait, une vision stratégique à trop long terme serait nécessairement caduque.

« Le mandat du maire va jusqu’en 2020. La prochaine municipalité pourra toujours dire ‘non, on ne veut pas faire ça, on fait autre chose’. » (PP de la sphère économique, le 31/03/2015).

La présence d’intérêts divergents voire contradictoires au sein des PP de la station est la deuxième cause que nous avons identifiée pour expliquer le manque de vision stratégique.

« Non, il n’y a pas de stratégie. D’abord parce que c’est un village géré par sa population […] des gens du pays […] Il y a beaucoup de décentralisation et beaucoup de décisions prises au niveau local mais c’est souvent ‘un petit groupe veut ceci’ ou ‘un petit groupe veut cela’. Ici il y a [l’ORM] qui veut ceci ou cela, il y a le village qui cherche d’autres choses, les moniteurs qui veulent autre chose. » (PP de la sphère économique, le 14/04/2015).

Ces divergences d’intérêts peuvent prendre des formes variées. Nous pouvons citer l’exemple du centre-ville piéton qui emporte l’adhésion de certains commerçants bien situés en bord de la potentielle zone piétonne mais qui déplait à certains habitants. Toutefois, le sujet le plus emblématique est sans doute celui de la clientèle cible, parfois différentes d’une PP à une autre.

« Je trouve ma place mais avec un décalage. Moi, je ne veux pas attirer la clientèle haut de gamme, parce que je n’ai pas le produit qui va avec. » (PP de la sphère économique, le 13/04/2015).

Finalement, le constat du manque de vision stratégique est avant tout celui d’une carence globale de la station D au niveau stratégique. Du fait de cette carence, la station se concentre sur les questions opérationnelles à court terme orientées sur ce qu’elle a toujours su bien faire, notamment l’activité ski. Ce diagnostic au niveau stratégique est résumé efficacement par un

commerçant de la station D (le 14/04/2015). Ce dernier estime que la station est « une très belle

station de ski, pure et dure » mais que cela « ne suffit plus ». Cela n’est pas sans rappeler le

bilan et les recommandations formulées en 2018 par la Cour des Comptes105 à l’attention des

stations de montagne françaises.

2.2 Le niveau tactique : de nombreux projets sur lesquels les perceptions divergent