• Aucun résultat trouvé

2.1 L ES PRINCIPAUX MODELES THEORIQUES DU STRESS AU TRAVAIL

2.1.6 Le modèle «demande /autonomie» de Karasek

Dans les années 1980, deux modèles sur le stress au travail ont émergé de l’approche

causaliste. Ce sont le modèle Demande/Autonomie au travail de Karasek et le modèle

Efforts/Récompense. En 1979, Karasek développe un modèle théorique pour analyser les

situations professionnelles sources de tension. Il s’inscrit dans une approche causaliste dans

laquelle il atteste de l’effet direct des caractéristiques environnementales et sociales du travail

sur la santé de l’individu. Les effets rétrospectifs sur le développement de plusieurs maladies

sont indéniables.

Ainsi, s’inscrivant dans le domaine de la recherche sur la santé au travail, le modèle de

Karasek est le plus utilisé pour évaluer les situations à risque. A la suite des changements

organisationnels et la mise en place des nouvelles technologies, de nouvelles formes de travail

sont apparues affectant de manière considérable la santé. D’abord, ce modèle met en relief les

effets pathogènes des métiers contraignants sur la santé émotionnelle et physique. Les

postulats de base se regroupent en trois concepts fondamentaux liés au stress :

 La demande psychologique, variable indépendante qui mesure les exigences

psychologiques du travail, sources du stress,

 La latitude décisionnelle est un contrôle sur le travail, est tributaire du pouvoir

d’intervention et d’action,

33

Le statut des deux composantes détermine la tension psychologique ou stress lié au travail.

Une situation de tension est définie par rapport à la combinaison de la demande

psychologique et la latitude décisionnelle.

2.1.6.1 La demande psychologique

Selon Karasek (1979) et Karasek et Theorell (1990), la demande psychologique est

déterminée par la quantité de travail à réaliser et par la complexité des tâches. Les exigences

mentales et les contraintes temporelles liées au travail. En général, elle renvoie à trois types de

demandes : la demande liée au temps, la demande liée à l’effort attentionnel et la demande

liée à la résolution de problèmes.

2.1.6.2 La latitude décisionnelle

Dans la vie professionnelle, la latitude décisionnelle accordée à l’individu, renvoie

concrètement aux marges de manœuvre dont le travailleur juge à sa disposition. Ainsi, il peut

avoir le contrôle sur son travail en cherchant des moyens adéquats pour l’accomplir. Cela

conduit l’individu à utiliser ses compétences et à en développer de nouvelles (Karasek et

Theorell, 1990). La latitude se rapporte aussi à l’autorité décisionnelle à propos du choix de la

manière de faire son travail et de participer aux prises de décisions qui lui sont associées.

Les auteurs précisent que la latitude décisionnelle est envisagée selon deux sous-dimensions,

à savoir l’utilisation des compétences et l’autonomie décisionnelle

4

. Dans ce sens, l’une

correspond à l'autorité et la seconde correspond à l'accomplissement de soi. Ainsi, la

combinaison des deux dimensions donne lieu à une typologie des activités professionnelles

référant à quatre situations de travail.

Dans le domaine de travail, les situations professionnelles sont en général, sources de tension

(cf. figure 2). Pour Karasek, une situation de travail est dite «détendue» lorsqu’elle est

caractérisée par une combinaison d’un faible niveau de demande psychologique et un niveau

élevé de latitude. Les individus qui vivent ces situations professionnelles ont un niveau de

formation élevé et travaillent à leur rythme (scientifiques, ouvriers spécialisés). Elle est

«active» quand de fortes demandes sont accompagnées d'une latitude élevée. Cette situation

correspond aux organisations publiques (infirmiers, ingénieurs, responsable). Une situation de

travail est perçue comme «passive» quand elle est associée à une combinaison d’une demande

faible ainsi qu’un niveau faible de latitude. L’exemple des employés de bureau, des

34

concierges reflète cette situation. Lorsque la situation est caractérisée par une demande

psychologique élevée et une faible latitude, elle correspond à la pire des situations, «tendues»

ou «stressantes». C’est le cas des opérateurs de machine, des opérateurs téléphoniques, des

caissières, et des aides soignantes et des enseignants.

Figure 2: Modèle de Karasek du stress au travail (Karasek et Theorell, 1990)

En référence à ce modèle, les fortes contraintes professionnelles engendrent un déséquilibre.

Grâce à l'autonomie décisionnelle il peut mobiliser son énergie et retrouver son équilibre.

Cette situation et les marges de manœuvre favorisent le développement des compétences et la

motivation professionnelle (Karasek et Theorell, 1990). Inversement, par absence d'autonomie

des effets délétères se révèlent, laissant apparaître des risques dans la sphère professionnelle

pouvant porter atteinte à la santé mentale, physique et de forte prévalence des symptômes de

maladies cardiaques. Nombreuses études ont montré que la santé mentale est affectée dans

certains cas et des maladies se déclarent notamment la dépression, la détresse psychologique,

l’épuisement professionnel, une consommation accrue de médicaments, de tabac et d’alcool et

des pathologies ulcéreuses (Bourbonnais, Brisson, Dion et Vézina, 1995 ; Karasek et

Theorell, 1990 ; Velin et Michetti, 2006 ; Vézina, 2003a ; Rascle, Cosnefroy et Quintard,

2009).

35

2.1.6.3 Le soutien social

Le modèle de Karasek (1979) a fait l’objet de différentes recherches dans le domaine de la

santé au travail et une nouvelle dimension lui a été intégrée. Il s'agit du soutien social

5

au

travail. Celui-ci regroupe l’ensemble des interactions sociales et des aides dont peut bénéficier

le travailleur de la part de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques et de leur

reconnaissance. De façon plus spécifique, cette dimension fait référence au degré

d’intégration sociale, émotionnelle et de confiance entre les collègues et les supérieurs

hiérarchiques. Elle favorise l’installation d’un esprit d’équipe et d'un degré important de

cohésion dans le groupe de travail. Le soutien instrumental, quant à lui, représente

l’importance de l’aide et de l’assistance données par les autres dans l’accomplissement de la

tâche.

Généralement, le soutien social est perçu comme ayant un effet tampon, il atténue la pression

du travail et le déséquilibre entre les exigences psychologiques du travail et l'autonomie

décisionnelle (Van der Doef et Maes, 2002).

Ainsi, dans ce modèle, l'absence de cette troisième dimension entraine un état d'isolement au

travail et d'épuisement professionnel. La situation de «Job strain» associée à un faible soutien

social devient une source supplémentaire de tension professionnelle et dégrade la qualité de

vie et la santé des travailleurs. De ce fait, les manifestations pathologiques s’expriment à

travers la baisse des performances, de la productivité et de l’absentéisme, et l'isolement

apparaît comme un facteur de mortalité (Bruchon-Schweitzer, 2002).

Toutefois, même si l'importance du support social semble déterminante dans le modèle de

Karasek (1990), il ne pourrait compenser tous les effets des contraintes. Quelques années plus

tard, le modèle «Demande/Autonomie» de Karasek a été repris par Siegrist qui l'a enrichi en

intégrant une nouvelle dimension modulatrice.