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3.2 C ULTURE ET CLIMAT ORGANISATIONNELS : CONCEPTIONS THEORIQUES

3.2.2 Le climat organisationnel

L’origine du mot « climat » revient à la psychologie industrielle dans les années 1930 selon

Savoie et Brunet (2000). A cette époque, on parlait de « climat social » tel que figurait dans

les travaux de Lewin, Lippit et White (1939). Ce n’est que quelques décennies plus tard, au

milieu des années 1960 que le climat organisationnel a connu un grand essor auprès des

entreprises (Tagiuri et Litwin 1968).

Il est reconnu que l’apport de Lewin était considérable. En effet, les expériences réalisées à

l’époque, ont donné au climat un fondement scientifique consistant. Appréhendé comme

ayant un effet sur les comportements des individus, il est donc un construit mesurable. On lui

reconnaît depuis, son immuabilité face au temps et ses caractéristiques perceptuelles par les

membres de l’organisation. A partir de là, le climat est défini comme une quantité intrinsèque

à l’environnement interne d’une organisation, déterminant les comportements et les attributs

de l’organisation.

Nous nous référons également à la définition de Moran et Volkwein (1992). Les auteurs

précisent que le climat organisationnel est une caractéristique relativement permanente de

l’organisation qui le distingue d’une autre organisation : il inclut les perceptions collectives

des membres à propos de leur organisation en regard des dimensions comme l’autonomie, la

confiance, la cohésion, le soutien, la reconnaissance, l’innovation et l’équité ; il est le produit

par l’interaction des membres ; il sert comme base pour interpréter la situation et agit comme

source d’influence pour le modelage du comportement (p.20).

Ces définitions se complètent et soulignent clairement ce qui distingue le climat en mettent

l’accent sur la perception permanente de l’environnement organisationnel. Ceci montre bien

ses enjeux sur le comportement des individus, les systèmes de valeurs et de signification.

Depuis les années 1960, il existe une diversité considérable de définitions du climat

organisationnel, qui a toutefois fortifié les divergences de conceptualisation et d’évaluation.

A cet égard, trois catégories de courants de pensée ont été répertoriées. Pour certains, le

climat est conceptualisé comme une mesure multiple d’attributs organisationnels objectifs qui

se rapportent à un ensemble de conditions structurelles. Pour d’autres, il correspond à une

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mesure perceptive d’attributs individuels, en termes de réactions communes d’acteurs. Pour la

troisième catégorie, le climat reflète une mesure perceptuelle des attributs organisationnels en

termes de processus fonctionnels qui influencent les comportements du groupe (Savoie et

Brunet, 2000).

 L’approche structurelle fondée sur une configuration d’attributs

organisationnels objectifs

Dans cette approche structurelle, le climat reflète une manifestation purement objective de la

structure. Schneider et Reichers, (1983) soulignent que la structure, en tant qu’ensemble de

caractéristiques propres à l’organisation, paramètres liés à la taille, au mode de

communication, au degré de centralisation, au style de leadership, sont autant de déterminants

structurels du climat organisationnel. Les recherches de Lawler, Hall et Oldham (1974) ont

confirmé les liens prévisionnels entre les attributs organisationnels objectifs et le climat de

travail perçu.

 L’approche subjective fondée sur la réaction commune d’acteurs

Au vu de cette approche subjective, le climat est déterminé par des évaluations purement

interprétatives des situations ayant un sens pour l’individu et selon des caractéristiques

individuelles. Selon Savoie et Brunet (2000), l’individu interprète et répond à des variables

situationnistes d’une manière qui lui est avant tout psychologiquement signifiante, et non sur

la base de conditions externes objective.

Cette subjectivité que se fait chaque membre de la réalité organisationnelle porte à confondre

entre climat et satisfaction au travail. Toutefois, cet amalgame est aujourd’hui écarté et le

cloisonnement entre ces deux concepts est bien évident. Il est admis que l’un renvoie à la

perception que l’individu a de son environnement de travail et l’autre correspond à la

perception commune d’attributs organisationnels (Roch, 2008). Dans le sillage de cette

approche, Schneider et Hall (1972) soulignent l’importance de la perception dans

l’identification du climat de l’organisation et le définissent comme l’ensemble des

perceptions, globales ou additionnées, que se font les individus à propos de leur organisation.

Ces perceptions reflètent les interactions entre les caractéristiques personnelles et celles de

l’organisation (p. 447). Toutefois, reconnaître l’effet de la personnalité sur la perception

conduit à confondre entre « climat collectif ou psychologique » et climat organisationnel. La

désignation de collectif ou psychologique renvoie aux mêmes perceptions de l’environnement

par des individus qui ne travaillent pas forcément dans la même organisation. Un exemple

illustratif montre que des individus, travaillant dans des milieux différents, ont un vécu au

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travail identique. Des individus méfiants, vont inéluctablement percevoir l’environnement de

travail menaçant même s’il ne l’est pas réellement (Joyce et Slocum 1984, cité par Savoie et

Brunet, 1999, 2000). Cette confusion découle d’un manque de consensus quant à la précision

de l’unité descriptive du climat organisationnel liée aux différentes écoles de pensée.

 L’approche interactive fondée sur la perception commune d’attributs

organisationnels

L’approche interactive conçoit le climat comme un ensemble d’attributs de l’organisation

décrivant la relation entre les acteurs et l’organisation telle que mesurée par la perception que

se font la majorité des acteurs de la façon dont ils sont traités et gérés (Roy, 1989, cité par

Savoie et Brunet, 2000). De ce point de vue, l’évaluation du climat se fait autant par la

perception des éléments objectifs liés aux caractéristiques structurelles de l’organisation

(taille, structure, leadership) que par leur interaction avec les individus en réponse à leur

environnement de travail.

Cette approche a l’avantage d’être globale ; elle tient compte aussi bien des facteurs

organisationnels que des caractéristiques subjectives et individuelles. Le climat

organisationnel perçu dépendra donc, des perceptions de l’environnement de travail.

Dans ce contexte, marqué par un progrès scientifique important dans le domaine

organisationnel, la conception des outils de mesure demeure limitée, autant à cause des

variations d’opérationnalisation de climat qu’à l’absence de dimensions communes du travail.

Dès lors, des modèles de typologies sont apparus en mettant l’accent sur des caractéristiques

liées au fonctionnement des organisations tels le contrôle et le dynamisme (Lemoine, 1998).

De Witte et De Cock (1986) ont élaboré une typologie du climat organisationnel en quatre

cadrans : support, innovation, règles et objectifs. D’autres modèles de climat sont construits

sur le concept d’éthique dans l’organisation à travers le système de récompenses/sanctions

établi par les dirigeants (Victor et Cullen (1988). Les modèles de typologies offrent l’avantage

d’aborder le climat comme un tout intégré et de l’évaluer d’une manière adaptée.

En résumé, la complexité dans la conceptualisation de climat témoigne de la richesse de cette

notion. La volonté des auteurs à vouloir l’appréhender sous différents aspects, montre que le

climat est un concept global. Toutefois, ils nous ont conduite à connaître le fondement de base

de ce concept : la perception et la description des caractéristiques de l’environnement de

travail. Bien que les approches diffèrent selon les écoles de pensée, certaines reconnaissent

néanmoins, que la perception du climat organisationnel dépend autant de l’individu, de

l’organisation que de l’interaction entre les deux. La théorie de Lewin comme « référent »

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constitue un facteur déterminant dans le développement de la théorie et la modélisation du

climat organisationnel.

3.2.2.1 Le modèle théorique de Quinn

Le modèle théorique de Quinn (1983, 1988) a le privilège d’être synthétique et

multidimensionnel. Il permet d’apprécier les valeurs organisationnelles, appelées Competitive

Values Framework ou valeurs concurrentes. Pour positionner ce modèle, nous proposons de

le rapprocher de la typologie de Handy (1986). Cet auteur a défini quatre types de cultures

d’entreprise qu’il a nommées par noms issus de la mythologie grecque. Il s’agit de :

 La culture Zeus ou la culture de club : Elle a des relents de paternalismes et de culte

de l’individu, de propriété et de pouvoir personnels (p.22).

 La culture Appollon ou culture de fonction : elle est caractérisée par la stabilité et la

prévisibilité, la fixation des rôles et où les pièces humaines sont interchangeables,

c’est une image de bureaucratie (p.23).

 La culture Athéna ou culture de projets : c’est une culture dans laquelle la contribution

au groupe s’appuie sur le talent, la créativité, des approches innovantes et de

nouvelles institutions (p .27).

 La culture Dionysos ou culture existentielle : c’est une culture rencontrée dans les

organisations du consentement où le responsable gouverne avec le consentement des

gouvernés et non avec l’autorité déléguée par les propriétaires. C’est peut être la

démocratie, mais c’est très difficile et épuisant à faire fonctionner» (p.32). C’est aussi

une culture où l’individu aide l’organisation à atteindre ses objectifs, mais cette

dernière l’aide à son tour à réaliser ses desseins (p.31).

En fait, les travaux de Quinn et Rohrbaugh (1983) présentent une configuration du construit

de l’efficacité organisationnelle à partir des valeurs concurrentes. Dans cette perspective, les

résultats de leurs recherches font ressortir les valeurs sur deux axes orthogonaux. Le premier

axe horizontal met en évidence un vecteur qui oppose une orientation du travail vers l’interne

versus externe (procédures, communication interne versus centration sur les produits, les

clients). Le deuxième axe vertical oppose la flexibilité versus le contrôle en termes de quantité

et de fréquence. Le croisement de ces deux axes donne lieu à quatre cadrans permettant de

situer l’organisation selon le style privilégié renvoyant à quatre modèles théoriques de

l’organisation : le respect des règles, l’innovation, les buts, et le soutien auxquels

correspondent quatre dominantes telles que la flexibilité, le contrôle, l’orientation interne et

l’orientation externe (cf. Figure 6).

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 Le cadran «soutien» renvoie à une orientation interne alliée à un faible niveau de

contrôle. L’organisation ayant cette structure assure une certaine flexibilité. Elle est

proche du style « relations humaines » favorisant un bon climat relationnel et le

bien-être. La direction institue l’esprit d'équipe, en aidant et soutenant les employés dans un

climat de confiance. Ce climat correspond à la culture Dionysos selon le modèle de

Handy (1986).

 Le cadran «règles» est caractérisé par une orientation interne valorisant le contrôle, ce

qui limite le dynamisme chez les salariés. Le mode de fonctionnement est proche du

style traditionnel et bureaucratique mettant l’accent sur la rationalité des procédures, le

respect de l’autorité et communications formelles. Les règles sont écrites et précisent

les étapes de réalisation du travail et définissent la relation entre les niveaux

hiérarchiques. Ce climat concorde avec la culture Apollon de Handy.

 Le cadran «objectifs» représente une orientation externe associée à un haut niveau de

contrôle. L'attention est portée sur la mesure du travail et la performance, gage de la

réalisation des objectifs fixés. Dans ce type de climat, les activités sont planifiées au

préalable et les salariés sont impliqués. C’est un climat de type pareil à celui de la

gestion par objectif.

 Dans le cadran «Innovation», l’orientation est vers l’externe avec un faible niveau de

contrôle. L’organisation offre des opportunités à la créativité et l’évolution

(compétition et dynamique personnelle). L’ouverture au changement développe

l’esprit d’initiative (autonomie) et la génération de nouvelles idées. Dans ce contexte,

un espace de communication entre l’interne et l’externe est privilégié. Ce type de

climat rappelle la culture Athéna de Handy.

Cette vision favorise une représentation globale de l’organisation en termes de climat et de

culture. Néanmoins, dans la réalité organisationnelle, ces cadrans ne sont pas décomposés de

manière autonome mais peuvent apparaître à des degrés différents avec une tendance

générale.

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Figure 6: Typologie des climats selon le modèle de Quin (1988)

3.2.2.2 Climat organisationnel dans le contexte scolaire

Actuellement, tous les types d’organisations, notamment scolaire, accordent un intérêt

particulier au climat et à la culture organisationnels, car les normes implicites et l'atmosphère

perçue par les membres d'une organisation sont d’une importance telle que certaines

personnes se sentent acceptées et d'autres se sentent négligées. Son impact peut atteindre la

satisfaction au travail, l’engagement envers son travail, la motivation et la performance

individuelle. Toutes les définitions présentées permettent d’éliminer les confusions situées

entre climat de travail, culture organisationnelle, climats organisationnels, climat

psychologique et climat scolaire. Pour faire la distinction entre culture et climat scolaire,

Ashforth (1985) précise que la première renvoie à des valeurs, des convictions, des opinions

partagées, alors que le climat scolaire est une perception sur des comportements.

D’autre part, le contexte organisationnel, varie naturellement d'une organisation à une autre, il

influe différemment sur les individus ou les groupes œuvrant au sein d'une même organisation

(Mowday et Sutton, 1993).

Dans les différentes définitions du climat scolaire, il est possible de dégager nombreuses

typologies se rattachant à différentes mesures de dimensions de climat. Halpin et Croft (1963

cité par Hoy, Tarter et Bliss, 1990 ; Sweetland et Hoy, 2000) ont élaboré un questionnaire

relatif au domaine scolaire, la typologie dégagée se situe sur un continuum ouvert-fermé. Les

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six dimensions s’étalent de « ouvert, autonome, contrôlé, familial, paternel et fermé ».

L’objectif de cette typologie étant d’évaluer le degré d’ouverture de l’organisation avec un

outil précis qui est l’OCDQ (Organizational Climate Descrption Questionnaire). Un climat

d’ouverture fait référence à un intérêt notable pour les tâches scolaires et une coopération

remarquable entre les membres de l’institution, ainsi qu’un leadership positif. En revanche, un

climat fermé est noté d’une communication altérée, d’une direction autoritaire et un certain

désengagement des enseignants.

La typologie établie par Likert (1974, cité par Corriveau et Brunet, 1993, Savoie et Brunet,

1999) classifie, aussi bien le climat organisationnel que scolaire, en quatre différents types

mesurant la relation existante entre la direction et les enseignants. Le « climat autoritaire »

peut prendre deux formes correspondant soit à un climat exploiteur ou à un climat paternaliste

où l’atmosphère est dépeinte par des menaces et des comportements de méfiance puisque le

sentiment de confiance est absent. De même, le processus de récompenses et de punitions est

employé comme étant un moyen de motivation. Dans ce type de climat, l’environnement de

travail semble immuable et structuré pour les employés.

Le «climat participatif» pouvant être « consultatif » qui se caractérise par une atmosphère

dynamique ou tous les acteurs participent, aux décisions, selon la fonction qu’ils occupent. Ce

type de climat motive les employés et fortifie leur implication. Crozier et Friedberg (1999),

dans ses travaux de recherche évalue la santé de l’école (organisationnelle) en employant un

instrument qui mesure les relations sociales saines et positives sur la base de la perception des

enseignants (Hoy et Feldman, 1999, cité par Uline, Tscannen-Moran, 2007). D’après cette

étude, le climat scolaire peut être classé sur un continuum allant de sain à malsain en fonction

de dix dimensions à savoir : l’accent sur l’académique, l’affiliation des enseignants, la

collégialité du leadership, le support et les ressources matérielles, l’influence du directeur,

l’intégrité de l’institution.

La typologie développée par Moos (1979) est orientée vers une approche socio-écologique

mettant en exergue l’influence du climat social et ses inférences sur les facteurs

organisationnels, les composantes physiques de l’environnement et les caractéristiques

individuelles des membres de l’organisation (Insel et Moos, 1974, in Walsh, 1978). Certains

domaines ressortent à travers les différentes explorations environnementales. Chacun est

mesuré par des dimensions particulières.

Le domaine relationnel est mesuré d’après trois dimensions à savoir le degré d’engagement,

l’affiliation et le degré de soutien, le sentiment de cohésion et la spontanéité. Concernant le

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domaine de la croissance ou le développement personnel, il se mesure par l’autonomie,

l’orientation des pratiques, la compétition et la mentalisation. Enfin, le domaine de la

maintenance et du changement est mesuré par la clarté des règles de l’environnement, le

contrôle et l’innovation. Toutefois, des divergences ont été notées suite à l’emploi de cet

instrument qui concernent des variabilités considérables à travers les dimensions générales

(Moos, 1979 ; Insel et Moos, 1974, in Walsh, 1978).

La typologie de Janosz, Georges et Parents (2004) stipule la présence de cinq climats

scolaires :

 le climat éducatif sert à déterminer la valeur accordée à l’éducation dans le milieu

scolaire.

 le climat relationnel concerne le recueil des perceptions relatives au respect mutuel

entre les individus et le soutien d’autrui.

 le climat de sécurité vise la perception de l’ordre et la tranquillité du milieu.

 le climat de justice, il réfléchit les attitudes de reconnaissance et le respect des règles

de l’école et de leur application.

 le climat d’appartenance, indique l’importance accordée à l’école, l’adhésion des

individus aux valeurs de l’école et leur engagement dans l’institution.

Dans cette typologie, les auteurs se sont inspirés de Moos. Le questionnaire sur

l’environnement socioéducatif (QES) qu’ils ont élaboré permet de mesurer les perceptions de

tous les acteurs de l’école, aussi bien élèves qu’enseignants et membres administratifs.

D’après les données récoltées, les distinctions entre climat scolaire, pratiques éducatives et

problèmes scolaires sont bien établies. En effet, dans cette conception, le QES est appréhendé

comme un moyen d’analyse du climat scolaire d’une part et d’identifier les besoins recherchés

dans l’école pour la réalisation d’un projet scolaire.

En ce sens, les recherches sur les climats ont, pour la plupart, un objectif de diagnostic des

situations au sein de l’école en termes d’évaluation de l’efficacité organisationnelle associée à

des interventions d’amélioration du rendement scolaire.