2.2 L E STRESS DANS LE TRAVAIL
2.2.4 Le coût de l’activité de l’enseignant et les atteintes à la santé au travail
L’enseignement est classé d’après les données issues de la littérature parmi les métiers qui
induisent le plus de stress professionnel (Cherniss, 1980). Cette prévalence est liée
précisément à la pénibilité de ce métier dont les sources sont multiples. Avant d’analyser les
causes, il est important d’aborder l’activité de l’enseignant dans une approche systémique.
Dans ce modèle, Curie, Hajjar, Marquié et Roques, 1990 ; Curie et Dupuy, 1994 regroupent
les différents domaines de vie sous forme de sous-systèmes (familial, professionnel, personnel
et social) qui sont à la fois autonomes et interdépendants. Ils soulignent l’imbrication de ces
sous-systèmes dans l’atteinte des objectifs mais aussi leur indépendance. Dans leur
articulation, certains éléments de l’un des sous-systèmes peuvent aider ou contraindre la
réalisation de l’objectif d’un autre sous-système. Dans cette dynamique, des processus de
régulation et de contrôle interviennent dans le système global d’activité.
Dans le domaine scolaire, les conditions de travail, les apports personnels à travers les
initiatives entreprises dans l'accomplissement de la tâche, la gestion de la classe, la
compréhension des élèves, des collègues et des parents, sont autant de sous-systèmes
auxquels l’enseignant répond et interagit.
Les réformes successives ont impulsé des changements dans les approches pédagogiques, les
activités et les finalités de l’enseignement. Conséquemment, en réponse à cette intensification
accrue, des réorganisations cognitives à visée adaptatives, accentuent les enjeux de la santé de
l’enseignant, son bien-être et le sens du travail (Lantheaume et Hélou, 2008 ; Lantheaume,
2011).
L’expression des effets de ces situations sont perceptibles et diverses. Pour certains auteurs,
elles sont liées aux compétences du sujet, à son histoire dans la carrière professionnelle, ce
qui est consolidé par Cox et Ferguson (1991). Ces auteurs précisent que les différences
interindividuelles sont implicites à la relation « personne-environnement », déterminant du
stress. Elles peuvent, par exemple, se manifester à court ou à long terme. Teiger souligne que
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les travailleurs sont de plus en plus soucieux des conditions de travail et de ses effets sur leur
vieillissement et sur le long terme. Ils usent souvent de mots comme perdre sa vie à la gagner
ou encore la santé n'est pas à vendre (Teiger, 1987, p. 32) pour décrire les conditions de
travail qui fragilisent leur capital santé. C’est en termes d'empreintes du travail que l’auteure
parle de la dégradation des habilités et de leur stigmatisation. Par contre, dans un effet à court
terme, l'expérience répétée de surcharge de travail est génératrice de troubles de diverses
formes notamment musculosquelettiques, de stress et de Burnout.
Au niveau de l’organisation, ces mêmes conditions de travail sont sources d’augmentation
d'absentéisme et du présentéisme. De ce fait, les arrêts de maladie se multiplient et la qualité
de travail diminue par manque d'implication, de satisfaction et de motivation professionnelle.
Dans des études épidémiologiques, les épidémiologistes avaient comme objectifs d’isoler telle
ou telle caractéristique de l’organisation du travail indépendamment d’autres facteurs de
risques (Derrienic et Vézina, 2001, p. 8). La santé n’est pas uniquement dépendante des
facteurs physiques ou chimiques mais aussi des facteurs psychosociaux liés à l’organisation
du travail. Elles ont apporté par là, des précisions sur les risques professionnels selon des
modèles d’analyse des liens entre le travail et la santé.
Le modèle exigence-maîtrise-soutien (JCS) de Karasek et Theorell (1990) et d’équilibre
effort-récompense de Siegrist (1996) décrivent l’organisation du travail selon la perception
des travailleurs.
L’épidémiologie des risques psychosociaux au travail apporte une aide conséquente pour la
compréhension des effets pathogènes de ces facteurs. Il a été démontré que des pathologies
cardio-vasculaires, musculosquelettiques ou de santé mentale surviennent lorsque l’exposition
à facteurs psychosociaux perdure (Niedhammer et Siegrist, 1998 ; Niedhammer, David, Bugel
et Chea, 2001). Les conséquences des ces facteurs (stresseurs) ont été étayées par des études
menées dans différents contextes professionnels. Il en ressort que les enseignants figurent
parmi les professionnels qui souffrent le plus de stress.
Un important stress lié au travail engendre des émotions négatives telles que la colère, la peur
ou le sentiment d’impuissance. Sous leur emprise, le bien-être physique et psychologique des
enseignants, les relations interpersonnelles, ainsi que la vie privée et au travail sont perturbés
(Bruchon-Schweitzer et Quintard, 2001 ; Bruchon-Schweitzer, 2002 ; Gadbois, 1981 ; Gonik,
Kurth et Boillat, 2001 ; Dionne-Proulx et Pépin, 1997). Toutefois, l’expression du mal-être et
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des tensions au travail sont diverses et se manifestent sous formes d’absentéisme, de congé de
maladie de longue durée, d’abandon du métier, de présentéisme, de stress …).
En revanche, des études épidémiologiques montrent que les enseignants ne souffrent pas plus
que les autres professionnels de problèmes de santé mentale. Leurs plaintes se rapportent à
des maux de dos, de voix, des jambes et des allergies (Kovess-Masféty, 2010).
En Australie, Kyriacou et Pratt (1985) montrent que 25% des enseignants présentent une
population à risque qui a besoin d’aide préventive. Des pathologies, tels que les névroses et
les états dépressifs, sévissent davantage dans le corps enseignant que chez les non
enseignants. L’absentéisme est tellement fréquent qu’il engendre le plus souvent la démission,
le changement d’activité ou des congés de longue durée.
A partir d’une analyse descriptive des données du fichier informatique d’invalidité de La
Régie des Rentes du Québec, Dionne-Proulx et Pépin (1997) soulignent que les enseignants
figurent parmi les professionnels qui souffrent le plus de stress et qui s’absentent le plus du
travail pour des raisons de santé mentale. Ils explorent le lien entre le taux des bénéficiaires
des rentes d’invalidité et le type de profession et montrent que les enseignants totalisent 22,3
% de l’ensemble des rentes d’invalidité avec 1228 rentes actives.
Les causes sont précisément associées à des troubles mentaux (psychotiques et névrotiques,
troubles de la personnalité, etc.) et représentent plus du tiers (33.5%) des rentes d’invalidité
des enseignants. En effet, 37.5% des enseignants en invalidité à long terme pour « troubles
mentaux » ont moins de 45 ans. Pour les moins de 40 ans, 30% des rentes d’invalidité ont été
attribués à des enseignants pour des « troubles mentaux ». Dans cette recherche, les auteurs
notent que les résultats auxquels sont arrivés O’Connor et Clarke (1990) et Otto (1986) sur
une population d’enseignants ont permis d’associer la détresse psychologique aux
caractéristiques du métier et aux facteurs situationnels. Le stress et le malaise ressentis par les
enseignants paraissent liés à une exposition à des stresseurs qui perdurent.
Dans la même lignée, Gonik et Kurth (2004) relèvent des liens entre l’autonomie au travail et
le bien-être des enseignants en termes de latitude et de demande, tels que décrits dans la
théorie de Karasek. Les résultats montrent que l’organisation scolaire est perçue comme
contraignante où le prescrit (les directives) est pesant. Face à des contradictions entre
l’autonomie au niveau périphérique et les exigences imposées par la hiérarchie et les
directives, les enseignants assument des doubles-activités. Ainsi, 91% des enseignants
pensent que leur travail exige une activité mentale et 98% déclarent que leur travail exige une
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dépense d’énergie physique et émotionnelle élevée en classe. Cela montre que le métier
d’enseignant exige une forte demande combinée à une faible autonomie autorisée, ce qui
génère une forte tension. Les auteures rapportent que les enseignants qui perçoivent une forte
autonomie se déclarent en bonne santé et ont le sentiment de se réaliser dans leur métier et de
profiter d’un cadre relationnel assez étoffé. En revanche, ceux qui s’estiment dépourvus
d’autonomie, se voient déprimés, nerveux et en mauvaise santé. Souvent les symptômes
psychologiques s’accompagnent de symptômes physiques tels que des troubles digestifs, de
sommeil, respiratoire, perte d’appétit et de palpitation.
L’environnement professionnel et les conditions du travail ont également permis de prédire le
Burnout ou l’épuisement professionnel. Des recherches ont démontré que des enseignants
soumis à des fortes exigences du métier peuvent souffrir d’épuisement.
Dans un contexte scolaire, auprès d’enseignants finlandais, Hakanen, Bakker, et Schaufeli,
(2006) évaluent le rôle des conditions de travail dans la manifestation du Burnout. Dans leur
modèle «Job Demands-Resources», les conditions de travail se révèlent soit sous-forme de
contraintes (pression temporelles, charge de travail excessives) soit des ressources (autonomie
et participation aux prises de décisions). Ils ont montré que les contraintes ont des effets
délétères sur la santé qui mèneraient au Burnout et à l’absentéisme. En revanche, la
disposition des ressources favoriserait l’engagement des enseignants dans leur métier et
permettrait le développement de leurs compétences.
Santavirta, Solovieva et Theorell (2007) ont réalisé une enquête auprès de 1028 enseignants
finlandais du primaire et du secondaire. Les résultats montrent des liens entre le haut niveau
de Burnout et le stress au travail, en termes de fortes demandes et de faible latitude. Pour les
enseignants victimes de violence verbale et physique, les auteurs ont remarqué que le manque
de soutien social les incite à quitter la profession plus que leurs collègues qui n’y étaient pas
exposés.
En référence au modèle transactionnel du stress de Lazarus (1966) pour mieux appréhender le
stress, les travaux de Kyriacou (2001) sur le stress dans les milieux éducatifs montrent que
l'expérimentation d'émotions négatives liées à une pléiade de variables (élèves démotivés,
maintien de la discipline, adaptation aux changements, estime de soi et statut d’emploi, conflit
et ambigüité de rôle, mauvaise condition de travail) induisent le stress. Il se manifeste sous
différents aspects notamment la colère, l'anxiété, la frustration et la dépression, et s’avèrent
être les effets des conditions de travail. Curchod-Ruedi, Ramel, Bonvin, Albanese et Doudin
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(2013) ont analysé les facteurs de risques, notamment l’épuisement des enseignants et l’effet
du soutien comme facteur de protection à partir de différents travaux qui ont porté sur ce
sujet. Ils ont montré que dans des recherches italiennes, des liens ont été mis en évidence
entre le niveau d’épuisement professionnel et le soutien en dehors de l’école. Il s’agit d’un
soutien émotionnel prodigué par la famille et les amis. Néanmoins, ce type de soutien
représente des risques puisqu’il émane de personnes non-professionnelles. En revanche, en
Suisse, les résultats des recherches montrent que le soutien est plutôt instrumental et qu’il n’y
a aucun lien entre le soutien social et les différentes dimensions de l’épuisement.
Pour Laugaa et Rascle (2004), les conditions de travail dans le milieu éducatif contribuent à la
l’apparition du stress. L’hétérogénéité des élèves participe à la rupture scolaire de certains,
dont la responsabilité revient à l’enseignant, vecteur de dysfonctionnements du système
éducatif. Pour faire face à ces difficultés professionnelles, le soutien social est essentiel pour
l’enseignant dans la mise en place des stratégies de coping adaptées à la situation. C’est un
facteur protecteur contre le Burnout. Il véhicule la sécurité et la solidarité de la part de
l’environnement de travail. Pourtant, la majorité des enseignants souffrent de son absence et
de la pauvreté relationnelle tant au niveau collégial que hiérarchique. Ils se retrouvent donc
totalement isolés. Pour y remédier, les auteurs proposent la présence d’un psychologue
scolaire comme soutien social permettant aux enseignants de faire face au stress
professionnel.
L’enquête a porté sur une population composée de 259 enseignants évalués par des
questionnaires de stress perçu, d’auto-efficacité, de soutien social, de coping spécifique aux
enseignants et de Burnout (MBI). Les auteurs sont arrivés à montrer que l’isolement
professionnel est l’un des quatre principaux facteurs de stress en termes de surcharge de
travail, d’absence de sentiment d’équité et de conflits. Toutefois, le soutien social du
psychologue scolaire a un effet qui protège de la dépersonnalisation et favorise la gestion du
stress par l’enseignant.
Tous ces résultats montrent l’ampleur de stress professionnel et la dégradation de la santé des
enseignants en lien avec leur métier.
Nombreuses enquêtes de grande envergure confortent ce constat. La Mutuelle Générale de
l’Education Nationale MGEN (Horenstein, 2006) sur la qualité de vie au travail des
enseignants, révèlent que les enseignants sont atteints d’affections spécifiques telles que
migraines, zonas et affections des voies respiratoires. Parmi les enseignants qui ont participé à
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l’enquête, 36,42% jugent leur santé moyenne à mauvaise. Pour les enseignants du second
degré, 43.94% signalent une insatisfaction importante au travail. Le un-quart des enseignants
(24%) du premier degré et 1/3 (34%) du second degré, déclarent souffrir de lésions physiques
ou psychiques. Ils étaient absents en moyenne deux fois par an pour une durée de 11 jours
pour des raisons de fatigue et de stress.
L’enquête effectuée par le Syndicat national des enseignants du secondaire et du
supérieur (SNESS, 2002) a démontré que 67% des enseignants estiment que le stress au
travail est plus important dans leur métier que dans d’autres.
Une étude réalisée en 2012, à la demande de la Mutuelle générale de l’Education Nationale,
sur plus de 5000 enseignants a montré que 24 % d’entre eux ressentaient une tension
permanente au travail et 14 % souffrent d’épuisement professionnel. Les employés de
l’organisation éducative réclament une meilleure prise en compte de la pénibilité au travail,
un soutien et de conseil professionnel.
Par rapport à l’enquête Sumer (Guignon, Niedhammer et Sandret, 2008), l’étude du Carrefour
santé social montre que malgré que les agents de l’Education Nationale soient soumis à de
forte demande et de forte latitude, un agent sur quatre est déclaré tendu. Par rapport aux
données présentées par l’enquête Sumer, la proportion des tendus est double. Les enseignants,
les instituteurs et professeurs des écoles sont les plus en risque. Le risque d’épuisement
professionnel (Burnout) est également supérieur pour les CPE, les enseignants de l’école
élémentaire et du collège, pour les hommes et pour ceux qui sont âgés de 55 ans et plus.
Des troubles musculosquelettiques concernant la nuque ou le cou (78%), le bas du dos (75%),
l’épaule (60%), le genou ou la jambe (54%) sont déclarés et semblent être en relation avec les
exigences posturales de la profession exercée.
Nous constatons également que les conditions de travail, même si elles ne sont pas les seules
causes, ont un impact considérable sur la santé, tant au niveau de la qualité de vie au travail
qu’au niveau du rendement professionnel.
Cet état de malaise général a soulevé de multiples questionnements dans de nombreux pays,
où les chercheurs se sont évertués à en déterminer les causes.
En Tunisie, les travaux qui traitent du malaise dans cette profession et spécifiquement du
stress et de l’épuisement liés au métier de l’enseignement sont peu nombreux. Les données
dont nous disposons sont relatives à des études effectuées dans le cadre d’un contrôle de
congé de maladie de longue durée (CMLD) pour troubles psychiatriques. Farjallah (1994)
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précise que pour le personnel enseignant du gouvernorat de Sousse, les troubles de l’humeur
constituent 69 % des motifs du CMLD.
D’autre part, dans une étude visant à évaluer l’absentéisme pour maladie de longue durée
concernant les affiliés à La CNSS et La CNRPS, Boukhari (1999) accomplit une analyse
rétrospective de 458 dossiers de fonctionnaires suivis dans le service de psychiatrie de
l’hôpital Razi pour troubles psychiatriques. Sur un échantillon de 300 fonctionnaires
examinés, Boukhari note une prédominance des ouvriers et des ouvriers spécialisés (30%),
suivie par les enseignants (20%).
Récemment, l’étude réalisée par Chennoufi, Ellouze, Cherif, Mersni et M’rad (2012) sur 398
enseignants des lycées publics du gouvernorat de La Manouba, montre que 66.4% professeurs
souffrent du stress au travail et 21% du Burnout. Cinq facteurs ont été identifiés comme
sources de stress, liés spécifiquement aux conditions de travail pénibles (80.3%), à la
surcharge de travail 575.2%), aux difficultés administratives (70.4%), aux problèmes avec les
élèves et les parents d’élèves (64.4%) et au manque d’organisation au travail (57.1%).
En explorant le Burnout chez cette population à l’aide du questionnaire MBI de Maslach,
Chennoufi et al. (2012) notent que 16.4% des enseignants manifestent un épuisement modéré,
4.6% un épuisement professionnel sévère et 27.4% un épuisement émotionnel élevé. La
déshumanisation de la relation à autrui s’observe chez 16.1% et le faible accomplissement de
soi chez 45.5%. Les auteurs soulignent le poids de trois facteurs associés à ce syndrome : les
conditions de travail pénibles, les difficultés administratives et les problèmes avec les élèves
et les parents d’élèves.
Ces études confortent les résultats obtenus dans différentes recherches et mettent en lumière le
malaise et la souffrance des enseignants qui se manifestent par le stress et l’épuisement.
Résumé
Dans ce chapitre, nous avons retracé d'une manière succincte le contexte dans lequel le
travail de l’enseignant a évolué à la suite du développement technique et scientifique. Dans
cette perspective, l'analyse du travail quel que soit le domaine d'activité, dévoile l'impact de
la contingence de l'environnement et du contexte. En mettant en relation ce qui est décrit
ci-dessus avec les conséquences des réformes de l'enseignement, nous pourrons ainsi améliorer
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nos hypothèses de recherche.
La pratique de l'enseignement, abordée dans sa quotidienneté, expose l'enseignant à des
situations de tension entre les exigences de la tâche et du collectif professionnel. Ces
situations contraignent l'enseignant, en fonction de ce qui est mis à sa disposition, à concilier
les exigences de la tâche et du collectif professionnel. Les enjeux du prescrit et du réel dans
le travail d'enseignement amènent à l'analyse de l'activité pour mieux comprendre les
exigences fondamentales de la pratique enseignante.
L'écart inscrit entre le prescrit et le réel et ce qui relève de la situation effective, est peu
explicité et peu reconnu par l'organisation. Paradoxalement, cet aspect inhérent aux
conditions de travail conduit l'enseignant à puiser dans ses propres ressources. L'exposition
répétée à ces situations contraignantes est un facteur de risque professionnel. Les exigences
de la tâche et l'augmentation de la charge psychologique qui dépassent les ressources
personnelles de l'enseignant sont sources de tension professionnelle, de stress et de
souffrance. La surcharge du travail figure parmi l'un des principaux facteurs de risque
professionnel retenu qui génère des troubles psychologiques et psychosomatiques. Ce sont
les caractéristiques de la profession enseignante et toutes les contraintes organisationnelles
qui exposent l’enseignant à des effets morbides et des pathologies psychiques et somatiques.
En Tunisie, les organisations syndicales fournissent des efforts pour l’implantation d’un
cadre réglementaire pour la prévention du stress au travail. Tout un arsenal de compétences
est développé, notamment des médecins de travail, des ergonomes et des spécialistes en
sciences du travail, pour intervenir dans le cas de demande de diagnostique ou d’intervention.
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3 L’approche des organisations pour étudier le système
éducatif
«Notre société est une société d'organisations. Tout ce qui se produit dans notre société se
produit dans le contexte d'organisations, de notre naissance à l'hôpital à notre enterrement par
une compagnie de pompes funèbres, y compris l'essentiel de notre travail et de notre temps
libre entre ces deux moments» (Mintzberg, 2004).
Ainsi définies, les organisations apparaissent diverses. Avec leurs diversités, elles
accompagnent l’individu dans toutes ses expériences sociales et sont aussi le lieu des actions
collectives. Ces données renvoient aux caractéristiques structurelles et organisationnelles des
organisations, desquelles dépendent le mode relationnel établi en son sein et les stratégies
privilégiées. De ce point de vue, l’organisation peut être expliquée comme un construit social.
Dans ce chapitre, nous tenterons de présenter l’organisation, ses structures et ses modes de
fonctionnement.
Dans la littérature scientifique, les études portant sur l’organisation sont denses. Des auteurs
comme Schein (1970), March et Simon (1993) ont mis en évidence « la coordination
rationnelle des activités » parmi les systèmes d’action de l’organisation. Pour le premier,
l’organisation se définit par la coordination rationnelle des activités d’un certain nombre de
personnes pour atteindre des buts et des objectifs implicites (Schein, 1970). March et Simon
(1993), dans l’introduction de leur livre, définissent les organisations comme des systèmes
d’action coordonnée entre les individus et groupes dont les préférences, l’information, les
intérêts et le savoir diffèrent. D’autres auteurs, comme Parsons (1964), Crozier et Friedberg
Dans le document
Conditions de travail, qualité de vie et santé psychologique chez les enseignants des collèges dans le Grand Tunis.
(Page 75-84)