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LE GENRE COMME PRINCIPE DE DIFFERENCIATION IDENTITAIRE

Dans le document Cités cosmopolites (Page 47-51)

L’ INCIDENCE DES VARIABLES SOCIALES SUR LES IDENTITES

L ES LYCEENS DE MILIEU INTERMEDIAIRE SUPERIEUR

2. LE GENRE COMME PRINCIPE DE DIFFERENCIATION IDENTITAIRE

2.1. Incidence sur la satisfaction générale

Tableau 35. Variation des profils de satisfaction selon le genre

Pessimist es Vie "+" et argent "– " Argent "+" et vie "–" Optimist es TOTAL Effectif s Non réponse 10,3 27,6 48,3 13,8 100,0 29 masculi n 10,0 22,1 28,2 39,6 100,0 439 féminin 18,2 26,9 23,3 31,6 100,0 661 TOTAL 14,8 25,1 25,9 34,3 100,0 1129

Khi2=31,4 ddl=6 p=0,001 (Val. théoriques < 5 = 1)

Les filles apparaissent plus enclines à la frustration et plus sensibles au manque d‟argent, donc moins globalement heureuses, et les garçons moins satisfaits de leur vie mais plus souvent satisfaits dans l‟ensemble. Cette différence entre les genres dans le ressenti de la satisfaction n‟est pas une découverte, c‟est une caractéristique générale des jeunes en France28

2.2. Incidence du genre sur le vécu scolaire

Dans l‟ensemble le lycée est pour les filles et les garçons un lieu paisible, la violence ne s‟y voit pas ou peu. Cependant, l‟expérience scolaire des filles est plus pacifique que celle des garçons. Dans leur grande majorité, les filles n‟ont pas connaissance d‟épisodes violents au lycée, ou exceptionnellement. Près des deux tiers des garçons sont dans ce cas aussi. Mais pour un tiers d‟entre eux, la violence est une réalité du lycée, ils en ont l‟expérience, – « souvent » pour 7 % d‟entre eux.

Tableau 36. Témoin de violence au lycée, selon le genre (%) masculin féminin Total

Non réponse ,5% ,6% ,8% Jamais 33,3% 46,4% 41,0% Exceptionnellement 29,6% 30,7% 30,0% De temps en temps 26,4% 17,4% 20,9% Souvent 7,1% 2,9% 4,8% Sans opinion 3,2% 2,0% 2,5% Total 100,0% 100,0% 100,0% Khi2=44,4 ddl=10 p=0,001

2.3. Incidence du genre sur le rapport au politique

Parmi les questions portant sur le rapport des lycéens au politique, l‟une portait sur le sentiment de lisibilité du débat politique :

28

Cf. Jean-François TCHERNIA (2001), Le moral des jeunes, in Galland O., Roudet B. (dirs.) (2001), Les Valeurs des jeunes.

Certains disent en parlant de la politique que ce sont des choses compliquées et qu’il faut être spécialiste pour les comprendre. Etes-vous

entièrement d’accord / plutôt d’accord/ plutôt pas d’accord / pas d’accord du tout / sans

opinion.

C‟est cette question qui, dans cette partie du questionnaire, a donné les résultats les plus différenciés selon le genre. Les filles s‟avèrent significativement plus enclines à déclarer un accord complet ou relatif avec l‟affirmation proposée, tandis que les garçons expriment nettement plus souvent leur désaccord de principe (tableau 37). Ce profil de réponses est conforme aux rôles stéréotypés : les filles manifestent en la matière un manque d‟assurance que les garçons dénient.

Cette différence d‟attitude générale se répercute légèrement dans les orientations politiques. A la question sur les proximités partisanes (tableau 38), les filles répondent plus fréquemment qu‟elles sont sans opinion, tandis que les garçons déclarent plutôt, le cas échéant, qu‟ils ne sont proches d’aucun parti. Au total cependant, les deux lignes qui enregistrent la distance des jeunes au jeu politique regroupent dans chaque colonne une moitié de la population. Dans l‟autre moitié, parmi ceux qui déclarent une proximité avec l‟une ou l‟autre des orientations, les garçons se placent plus volontiers à l‟extrême droite ou pour les socialistes (choix pour lequel la catégorie socio-économique n‟était pas discriminante, rappelons-le), et les filles optent un peu plus fréquemment que les garçons pour les communistes. Des garçons plus nationalistes, des filles plus à gauche, là encore il s‟agit d‟une tendance déjà identifiée dans la population générale des jeunes en France29.

Tableau 37. Jugement sur complication du politique, selon le genre (%)

Non réponse Sans opinion Entièrement d‟accord Plutôt d‟accord Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Total masculin 1,6% 11,2% 4,6% 22,3% 23,9% 36,4% 100,0% féminin ,8% 11,8% 7,9% 29,3% 28,7% 21,5% 100,0% Total 1,2% 11,8% 6,5% 26,3% 26,6% 27,6% 100,0%

Tableau 38. Affinités politiques selon le genre (%)

masculin féminin Total Non réponse 3,6% 3,2% 3,8% extrême gauche 9,1% 11,0% 10,4% communistes 1,1% 3,6% 2,6% socialistes 21,2% 16,0% 17,9% écologistes 5,9% 7,7% 7,3% centristes 3,0% 2,6% 2,7% gaullistes 2,7% 1,5% 2,2% extrême droite 3,9% 1,7% 2,5% aucun 32,1% 26,9% 28,6% sans opinion 17,3% 25,7% 22,1% Total 100,0% 100,0% 100,0% Khi2=53 ddl=18 p=0,001 (Valeurs théoriques inférieures à 5: 7)

La distribution des choix sur les priorités souhaitées des hommes politiques montre une population majoritairement concernée par les soucis économiques :

29

Tableau 39. Objectifs prioritaires des hommes politiques, selon le genre (%)

masculin féminin Total

Non réponse 1,3% ,5% 1,0%

lutte contre le chômage 31,4% 25,6% 27,8% lutte contre la pauvreté 16,6% 19,7% 18,2% paix dans le monde 8,4% 12,7% 11,0% sécurité dans les villes 7,8% 7,0% 7,4% aide aux pays pauvres 4,3% 6,8% 5,9%

justice 5,7% 6,0% 5,8%

intégration des immigrés 4,2% 4,5% 4,3% protection de l'environnement 3,8% 3,5% 3,7% malaise des jeunes 2,3% 3,6% 3,1% limitation de l'immigration 2,7% 2,5% 2,6% garantie des retraites 2,9% 2,2% 2,4% qualité de l'école 3,0% 2,1% 2,4% qualité du logement 2,1% 1,7% 1,9% construction de l'Europe 1,7% ,6% 1,0% sans opinion 1,9% 1,0% 1,4% Total 100,0% 100,0% 100,0% Khi2=66,3 ddl=30 p=0,001 (Valeurs théoriques inférieures à 5: 13)

48 % des garçons, 45 % des filles expriment le souci que les hommes politiques s‟attaquent à la pauvreté ou à ce qui la cause principalement, à savoir le chômage. Mais ici encore la proximité des choix paraît renvoyer à une structure psychologique un peu différente : les garçons convergent sur une priorité pratique : la lutte contre le chômage et ils dispersent leurs autres choix ; tandis que les filles adhèrent significativement plus à des priorités formulées en termes universalistes ou humanistes : lutte contre la pauvreté, paix dans le monde, aide aux pays pauvres.

2.4. Incidence du genre sur les choix d’identité

Le questionnaire comportait une question invitant le lycéen à sélectionner dans une liste « les éléments qui vous semblent le plus vous caractériser ». Deux réponses étaient possibles.

Ici encore, les deux distributions présentent de fortes parentés. On remarque toutefois que les filles se définissent plus typique par leur genre, et aussi par leur origine nationale (nous avons vu plus haut que ces deux choix sont en outre socialement marqués, ils sont plus fréquents dans la catégorie « Supérieure »). Les garçons sont plus enclins, quoiqu‟en petit nombre, à se revendiquer européens. Et ils choisissent plus typiquement que les filles la modalité Marseillais, laquelle est cependant la plus choisie aussi par les filles, et n‟est pas relative à la catégorie sociale.

Tableau 40. Auto-définition (self-concept), selon le genre

masculin féminin Total

Non réponse 2,3% 1,6% 2,1% jeune 14,4% 15,7% 15,0% origine nationale 4,5% 6,5% 5,8% marseillais 27,3% 20,8% 23,4% religion 11,6% 11,4% 11,5% homme ou femme 6,3% 14,7% 11,3% habitant du monde 10,8% 11,4% 11,1% couleur de votre peau 7,9% 6,9% 7,2%

français 8,2% 8,0% 8,2%

européen 3,3% 1,8% 2,4%

autre 3,5% 1,1% 2,0%

Total 100,0% 100,0% 100,0% Khi2=90 ddl=20 p=0,001 (Val. théoriques < 5 = 6)

Le tableau contrastif construit à l‟aide de la méthode des profils de modalités permet de compléter les profils identitaires :

Tableau 41. Filles et garçons : Principales différences identitaires p ≤ 1 % ; Effectif ≥ 20 % de la catégorie

Variable Filles Garçons

Témoin violence au lycée jamais De temps en temps

Participation à activités au lycée

Club de sports Relations entre élèves Rivalités/ Haine

Indifférence

A qui se plaindre ? Amis du lycée/Parents

Expérience des sanctions Heures de retenue Exclusion Raison des absences Membre de la famille

malade ou décédé

Orientation après le lycée BTS

Intérêt pour la politique Très peu

Devise républicaine Ne pas séparer les 3 pcpes Liberté Objectifs prioritaires

souhaités des hommes politiques

Paix dans le monde Lutte contre le chômage

Affinités politiques Sans opinion socialistes

Position sur des questions (par ordre décroissant)

Contre l‟interdiction de l‟avortement Contre la dépénalisation du

cannabis Pour la régularisation des

sans-papiers Contre le remplacement du

Franc par l‟Euro Sans opinion sur le financement public des

partis politiques Pour la dépénalisation du cannabis Contre la régularisation des sans-papiers Pour le remplacement du

Franc par l’Euro Sans opinion sur la régularisation des ss- papiers Témoin ou victime du racisme Témoin ds la rue/ Ds les transports en commun Victime jamais

Choix d’identité Homme ou femme Marseillais

Satisfaction Pessimistes Optimistes

Lycée LP Rocher LP & LGT Montaigne

Type lycée LP LGT

Quartiers Sud ou Nord Lycée quartiers Sud Lycée quartiers Nord

Commentaire :

L’incidence du genre sur les identités lycéennes

Filles et garçons ne sont pas distribués aléatoirement dans nos établissements : les LP, les filières des LGT sont pour certains nettement plus fréquentés par des filles, pour d‟autres par les garçons. Par ailleurs, nous avons un biais général dans l‟échantillon en faveur des filles. Au total les trois quarts des garçons de l‟échantillon sont scolarisés dans des établissements des quartiers Nord de Marseille, contre un peu plus de la moitié des filles seulement ; tandis que 67,4 % des garçons sont en LGT, contre 60,5 % des filles. Cependant, les variables familiales (formation et activité des parents, taille de la fratrie, origines nationales des parents, orientations politiques) ne distinguent pas ici les filles des garçons, – ce qui est rassurant pour la validité de nos conclusions.

L‟expérience sociale des lycéennes apparaît comme assez nettement distincte de celle des garçons sur plusieurs dimensions.

L‟indice de satisfaction générale d‟abord. Les filles se rangent plus souvent parmi ce que nous avons appelé les « pessimistes » (1/5), quand près de 40 % des garçons sont des « optimistes », satisfaits sur tous les items identifiés comme discriminants (relatifs d‟une façon générale à la vie sociale et au bien- être matériel), et seulement 10 % des « pessimistes ».

Les choix subjectifs d‟identité sont une autre différence. Les filles ont typiquement plus tendance à se définir par leur genre, c‟est-à-dire le trait qui les rend minoritaires (elles sont 28 % à le faire), bien que l‟appartenance à Marseille soit l‟identité la plus souvent choisie par elles (à 39,9 %), dans une question où les élèves étaient appelés à donner deux réponses. Les garçons quant à eux s‟identifient typiquement et majoritairement par l‟appartenance marseillaise (51,5 %) et distribuent leurs autres choix de façon plus dispersée.

L‟approche des questions sociales est également contrastée entre les filles et les garçons. Les filles, qui répondent typiquement qu‟elles ont très peu d‟intérêt pour la politique (29,1 %), assignent plus souvent à la vie politique des objectifs humanistes ou universalistes. Elles voudraient surtout voir les hommes politiques s‟occuper de la paix dans le monde (25 %), ainsi que de l‟aide aux pays pauvres (13,5 %) ; tandis que les garçons plébiscitent la lutte contre le chômage (60,1 %). Sur diverses questions d‟opinion, filles et garçons adoptent des positions antagonistes : les thèmes de l‟interdiction de l‟avortement, de l‟autorisation du cannabis, de la régularisation des sans-papiers, du remplacement du Franc par l‟Euro voient les uns et les autres s‟opposer. Typiquement, la question sur la régularisation des sans-papiers les oppose : les deux tiers des filles sont pour, et la moitié des garçons contre. Sur cette question, les filles se caractérisent encore une fois par un humanisme de principe, et les garçons expriment peut-être encore une fois leur inquiétude quant à l‟état du marché du travail. Ce qui n‟empêche pas les filles d‟avoir aussi un parti pris conservateur : elles le font apparemment quand des enjeux d‟harmonie des rapports humains sont en cause. C‟est ainsi qu‟elles sont nettement hostiles à la dépénalisation du cannabis, alors que les garçons y sont nettement favorables (48,6 % des filles contre, 41,2 % des garçons pour). – Ou quand une sorte d‟incertitude collective se profile : elles sont très majoritairement hostiles au remplacement du Franc par l‟Euro (question posée après la mise en œuvre du changement) alors qu‟un tiers des garçons y est favorable. Cependant, elles sont aussi massivement sensibles à la préservation des acquis des luttes féministes : elles sont 71,9 % à se déclarer hostiles à une interdiction de l‟avortement. Elles tiennent enfin aux équilibres symboliques : 66 % adhèrent aux trois principes de la devise républicaine et veulent les voir respecter ensemble, quand les garçons dispersent leurs choix en insistant tout de même typiquement sur la valeur de liberté (18 %).

Enfin, elles se déclarent plus souvent sans affinités politiques (25,7 %), alors que le tropisme socialiste est plus typiquement le fait des garçons (21,2 %), ainsi, accessoirement, que l‟adhésion aux idées d‟extrême droite (3,9 %).

Les expériences scolaires des filles et des garçons ont peu de spécificités. Celle des filles apparaît cependant marquée par l‟engagement affectif (si elles ont à se plaindre de quelque chose, elles s‟en ouvrent plutôt à leurs ami(e)s (40 %) ou à leur parents, et elles déplorent davantage les mauvaises relations entre élèves), et accessoirement par le service familial (elles sont près de 30 % à déclarer des raisons familiales comme causes d‟absence). Mais ce sont plutôt les garçons qui ont fait l‟objet de sanctions lourdes. Les filles, elles, ont davantage l‟expérience des sanctions légères et, pour 46 % d‟entre elles, elles n‟ont pas connaissance de violence au lycée, alors qu‟un quart des garçons en voient épisodiquement, si ce n‟est souvent (7 %).

Dans le document Cités cosmopolites (Page 47-51)