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Quelle incidence identitaire de l’avancée dans la scolarité ?

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4. Quelle incidence identitaire de l’avancée dans la scolarité ?

Les Terminales apparaissent disperser davantage leurs identifications. Ils choisissent l‟identification centrale de Marseillais dans une moindre mesure que les Secondes (37%, contre 50% en Seconde), et ils s‟identifient plus à une classe d‟âge (ils choisissent Jeune à plus de 37%, contre 23-26% seulement en Seconde), mais sans que ces choix soient statistiquement typiques. Les auto-identifications qui leur sont spécifiques sont l‟identification par le genre, par le cosmopolitisme, ou, à l‟opposé, par l‟identité française, ainsi que l‟appartenance à l‟Europe. Celles qui sont plus spécifiques des Secondes, sont l‟appartenance à Marseille, la religion ou, en CAP-BEP, l‟origine nationale et la couleur de la peau.

Tableau 81. Les auto-identifications, en Terminale et en Seconde

Terminale Seconde BEP- CAP Seconde Non réponse 7 15 14 autre 21 3 8 marseillais 152 93 156 religion 77 45 85

couleur de votre peau 38 35 50

origine nationale 40 30 28 jeune 131 43 80 homme ou femme 112 29 40 habitant du monde 103 18 63 français 76 32 38 européen 26 2 14 Total Réponses 783 345 576

d‟insatisfaits sont plus élevés en LP qu‟en LGT, sauf en Seconde BEP-CAP. Mais seuls les Terminales BEP-CAP sont significativement plus pessimistes et moins satisfaits que l‟ensemble.

Tableau 82. Profils de satisfaction, selon les niveaux et catégories de classes "Pessimistes" Vie "+" et argent "-" Argent "+" et vie "-" "Optimistes" TOTAL Seconde 13,4 26,8 26,4 33,5 100,0 Première 12,1 23,6 27,3 37,0 100,0 Terminale 14,3 22,5 26,7 36,5 100,0 Seconde BEP-CAP 13,9 29,8 23,1 33,2 100,0 Terminale BEP-CAP 22,5 23,9 26,8 26,8 100,0

Première Bac Pro 21,7 23,3 23,3 31,7 100,0

Terminale Bac Pro 21,4 17,9 21,4 39,3 100,0

TOTAL 14,8 25,1 25,9 34,3 100,0

En conclusion, des déplacements de tendance prennent place au long des scolarités au lycée.

Certains sont de nature proprement scolaire : les connaissances scolaires de type factuel se développent. D‟autres semblent dépendre d‟une maturation psycho-sociale : les Terminales s‟auto- identifient davantage en référence à des communautés d‟appartenance plus vastes que les Secondes. Seul un échantillon témoin de jeunes non scolarisés permettrait de repérer ce qui, dans ces changements, est lié aux apprentissages intellectuels effectués au lycée, et ce qui exprime l‟entrée dans la maturité de la tranche d‟âge des 18-20 ans.

Il est possible que le scepticisme qui se fait jour spécifiquement chez les Terminales lorsqu‟ils caractérisent les relations entre élèves par l’indifférence, ou la médiation des délégués par l’impuissance, ou les améliorations souhaitables par la communication avec la direction, tandis qu‟ils trouvent typiquement que les relations avec les enseignants sont sans agressivité et leur lycée plutôt bon, résulte d‟une perception plus vive et plus différenciée de l‟organisation scolaire comme structure de domination organisée où tout n‟est pas mauvais mais où ils ne sont pas en position de faire valoir des demandes. En comparaison, les Secondes affichent plutôt une candeur de « bleus » : leurs jugements sur le lycée expriment une inquiétude, mais ils n‟ont pas d‟idée particulière sur les améliorations à apporter, pas non plus d‟idée propre sur l‟action des délégués de classe, et ils conservent les grandes identifications collectives de l‟âge du collège. Dans ce contexte, seule la revendication d‟appartenance minoritaire émerge plus fortement comme spécifique de ce niveau.

2.3. Etre ou ne pas être délégué

Un délégué de classe est un élève qui s‟est proposé aux suffrages de ses pairs, de son propre chef ou non, et qui, en prolongement de ses attributions statutaires de participation aux conseils de classe, est un intermédiaire au quotidien entre l‟administration de l‟établissement, les professeurs de la classe et les autres élèves. Il y a deux délégués par division, l‟un titulaire, l‟autre suppléant.

L‟expérience de délégué de classe a-t-elle, au niveau du lycée, des corrélats identitaires ?

Dans notre population d‟enquête, 40% des élèves disent avoir déjà été délégués. Ils appartiennent également aux diverses catégories que nous avons examinées : 42,5% des garçons ont déjà été délégués, et 39% des filles de l‟échantillon. L‟expérience minoritaire augmente, semble-t-il, la probabilité d‟être délégué. En effet, 44% ont déjà été délégués parmi ceux et celles qui déclarent être musulmans ; et 46,5% parmi ceux et celles qui déclarent une religion juive, contre 37% parmi ceux et celles qui se déclarent de religion chrétienne ou catholique, et 35% parmi ceux et celles qui se déclarent sans religion.

En tout état de cause, l‟importance de ces taux suggère que les attributaires de la fonction de délégué sont rarement les mêmes d‟une année sur l‟autre. Est-ce le refus d‟une personnalisation du rôle parmi les élèves ? L‟épuisement des titulaires de la fonction après un an ?

De fait, il n‟y a pas de différence significative entre les délégués et les non délégués sur les variables de vécu scolaire. Tout juste les élèves qui ont déjà été délégués sont-ils plus enclins à juger leur lycée moyen. Ils n‟ont pas d‟autre particularité.

En matière d‟acquisition des connaissances, les délégués ont un peu plus de connaissances historiques en moyenne. Dans notre échantillon, ils connaissent typiquement mieux la date de 1954. Cette date est connue de seulement 11,6% des non délégués ; mais de 18,6% des anciens délégués. Ils connaissent aussi plus fréquemment la date de 1870 : ils sont 26,6% à l‟identifier, pour 18,3% des non délégués. Ils sont de surcroît légèrement mieux informés du fonctionnement du système institutionnel français : ceux et celles qui n‟ont jamais été délégués sont typiquement plus portés à penser que le gouvernement vote les lois (57%) que ceux et celles qui ont été délégués (52%). Les non délégués croient plus souvent que les maires votent les lois : ils sont 8,5% à le dire, contre 5,3% chez les anciens délégués ; et les anciens délégués connaissent plus souvent le rôle des sénateurs : à 38,5% contre 30,5 seulement chez les non délégués.

En matière de sociabilité, les anciens délégués sont plus enclins à trouver que les relations entre élèves sont marquées par les rivalités : ils sont 23,5% à le penser, pour 16,8% des non délégués. De même ils sont plus nombreux relativement à déplorer l‟impuissance du délégué de classe, tandis que les non délégués sont typiquement plus nombreux à juger que le délégué ne défend que ses copains : 11,5% le pensent.

Plus investis, au moins une fois dans leur scolarité, dans la marche de l‟institution scolaire, ils sont aussi plus actifs à l‟extérieur de l‟école. 61% font ou ont fait des petits boulots, et environ 70% participent à une activité extra-scolaire, contre respectivement 52% et 50% chez les non délégués.

Tableau 83. Petits boulots », selon que l’on a été ou non délégué de classe (%)

jms délégué déjà délégué Total

Non réponse 2,9 3,3 35

non, jamais 44,7 35,5 463 parfois ou pendant les vacances 43,8 49,4 520 oui, régulièrement 8,6 11,8 111 Total 100,0 100,0 1129 Khi2=10,4 ddl=6 p=0,107 (non significatif)

Tableau 84. Activités extra-scolaires, selon que l’on a été ou non délégué de classe (%) jms délégué Eff.= 678 déjà délégué Eff.= 451 Non réponse 18,2 12,7 aucune association 35,2 25,0 club sportif 24,2 27,5 association artistique 11,7 16,7 animation en centre social 3,7 7,4

scout ,5 1,7

association religieuse 2,9 4,0 association de défense des droits de

l'homme ,7 ,8 association de protection de l'environnement ,4 ,6 parti politique ,4 syndicat ,1 ,2 autre 2,3 3,0 Khi2=37,3 ddl=22 p=0,022

Hormis cela, leurs profils identitaires ne se distinguent pas de ceux de leurs pairs. Leurs avis sur les objectifs prioritaires des hommes politiques, la peine de mort, la régularisation des sans papiers, la question de l‟islam et de l‟intégration, etc. sont analogues à ceux de leurs camarades, et leurs auto- identifications n‟ont pas de différence significative.

Les délégués sont au total des élèves qui semblent d‟un tempérament plus actif que leurs camarades, qui tirent un peu mieux parti de leur scolarité, qui sont peut-être plus souvent de „bons élèves‟, mais qui ne présentent pas de particularité identitaire.

2.4. L’expérience des sanctions

Qu‟en est-il, enfin, de l‟expérience des sanctions ? Certaines catégories y sont-elles plus exposées que d‟autres, et quelles sont les tendances identitaires qui y sont associées ?

La question offrait une liste associée graduée : heures de retenue, avertissement ou blâme, exclusion temporaire, exclusion permanente. Les résultats ont permis de dichotomiser la distribution en distinguant les élèves qui ont une expérience minimum des sanctions scolaires : pas de sanction ou heures de colles ; et ceux ou celles qui en ont une expérience maximale : avertissement / blâme ou exclusion.

En moyenne 62% de notre population ont l‟expérience minimale des sanctions, 38% une expérience maximale.

A l‟analyse, la gravité des sanctions reçues apparaît varier avec le statut socio-économique de la famille ainsi qu‟avec le genre. Les filles ou les élèves de statut social favorisé ou „Intermédiaire +‟ ont typiquement une expérience minimale des sanctions, alors que l‟expérience maximale est plus fréquente chez les garçons ainsi que chez les élèves de statut défavorisé.

Tableau 85. Expérience des sanctions, selon le statut social des parents (%)

Non réponse CSPdéfav orisée CSP Intermédi aire – CSP Intermédi aire CSP Intermédi aire + CSP Favorisée Total Expérience sup 46,8 41,3 36,7 34,1 21,7 20,9 426 Expérience min 53,2 58,7 63,3 65,9 78,3 79,1 703 Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 1129 Khi2=25,8 ddl=10 p=0,004

Tableau 86. Expérience des sanctions, selon le genre (%) Expérience sup Expérience min Total masculin 50,1 49,9 100,0 féminin 29,3 70,7 100,0 Total 37,7 62,3 100,0 Khi2=48,6 ddl=4 p=0,001

La voie de poursuite d‟étude après le collège, ainsi que la religion déclarée sont deux autres critères discriminants.

L‟expérience maximale des sanctions est significativement plus fréquente en LP, où elle concerne 45% des élèves, qu‟en LG et LGT où elle n‟en touche „que‟ 30 à 33%.

D‟autre part, ceux qui se déclarent sans religion ont typiquement une expérience minimale des sanctions (à 67,5%), tandis que ceux qui se déclarent musulmans sont seulement 59,3% à avoir une expérience minimale des sanctions, ce qui s‟écarte quelque peu (mais pas significativement) de la moyenne. Une hypothèse plausible est que la religion déclarée joue ici le rôle d‟une variable intermédiaire du statut social.

Le contraste est néanmoins notable entre la propension à devenir délégué parmi les jeunes qui se déclarent musulman et le caractère relativement plus conflictuel en moyenne de leur insertion scolaire, que traduit la fréquence relative des sanctions graves à leur encontre.

1. Le vécu scolaire

Les sanctionnés et les autres ont des positions plutôt tranchées sur les variables qui décrivent le vécu scolaire.

Les sanctionnés expriment significativement des appréciations qui semblent renvoyer à un sentiment confus de rancœur.

Ainsi, leur courbe d‟appréciation globale de leur lycée serait analogue à celle des non sanctionnés, si 10% d‟entre eux n‟attribuaient la note la plus mauvaise (contre 5% des non sanctionnés).

Sur la question de la violence, ils se positionnent en contradicteurs de l‟opinion commune : pour une moitié d‟entre eux, la violence est un faux problème, ou un problème exagéré, ou bien ils ne prennent pas parti ; tandis que plus de la moitié des non sanctionnés pensent à l‟inverse que la violence est un vrai problème.

Même croisement sur l‟appréciation du rapport entre professeurs et élèves : 61% des non sanctionnés trouvent qu‟il n‟y a pas ou peu d‟agressivité, contre 49% seulement chez les sanctionnés, lesquels expriment typiquement une position critique. Cependant, cette posture générale n‟est pas associée à des idées propres sur les améliorations à apporter.

Tableau 87. Jugement sur la violence, selon l’expérience des sanctions (%)

Khi2=22,6 ddl=8 p=0,004 Expérience sup Expérience min Total Non réponse ,2 1,1 ,8 un vrai problème 42,0 53,5 49,2 un vrai problème, mais exagéré 43,2 37,3 39,5 je n'ai pas d'opinion 8,2 4,1 5,7

un faux problème 6,3 4,0 4,9 Total 100,0 100,0 100,0

Tableau 88. Jugement sur l’agressivité des professeurs, selon l’expérience des sanctions (%)

Khi2=21,2 ddl=10 p=0,02

Dans le document Cités cosmopolites (Page 89-94)